Exclusion d’un candidat

Un acheteur a la faculté d’exclure un candidat d’une procédure, sur le fondement de l’article L. 2141-8 du Code de la commande publique, en raison de tentatives d’influence de la décision de l’acheteur sur une période de trois ans. Mais à partir de quand ? Depuis la date d’une décision sanctionnant les faits, a répondu le Conseil d’Etat.

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En août dernier, une entreprise est exclue de la procédure d’un marché de travaux sur le fondement des dispositions du 1° de l’article L. 2141-8 du Code de la commande publique. Lequel permet d’écarter un soumissionnaire « qui a entrepris d’influer indûment sur le processus décisionnel de l’acheteur ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du marché, ou ont fourni des informations trompeuses susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution ».

En l’espèce, la personne publique se fonde sur la condamnation en décembre 2022 de l’associé majoritaire de l’entreprise par un tribunal correctionnel pour des faits de corruption active, commis dans le cadre de procédures de passation de marchés publics entre janvier 2012 et mai 2016 alors qu’il était gérant de cette même société.

Le prestataire demande au TA d’annuler la décision. Début septembre, le juge des référés enjoint au pouvoir adjudicateur de reprendre la consultation en intégrant sa candidature, sous réserve que cette dernière ne soit pas irrecevable pour un autre motif que celui qu’il a censuré.

Une durée de trois ans à partir de la condamnation

La personne publique demande alors au Conseil d’Etat d’annuler cette ordonnance. Les sages du Palais Royal rappellent que les dispositions du CCP doivent être interprétées à la lumière des dispositions de l’article 57 de la directive 2014/24, « lesquelles limitent à trois ans la période pendant laquelle un opérateur peut être exclu dans les cas visés au paragraphe 4 de cet article, que l’acheteur ne peut pas prendre en compte, pour prononcer une telle exclusion, des faits commis depuis plus de trois ans. Toutefois, lorsqu’une condamnation non définitive a été prononcée à raison de ceux-ci, cette durée de trois ans court à compter de cette condamnation. »

Pour le Conseil d’Etat, le TA a donc commis une erreur de droit, puisqu’il a apprécié le caractère récent des faits à partir des dates des tentatives d’influence. Dès lors qu’une condamnation par le juge pénal a été prononcée, la durée de l’exclusion doit s’apprécier au regard de la date de cette condamnation même non définitive.

Pas de mesures prises par l’entreprise

Les juges estiment que les agissements condamnés, même s’ils concernent d’autres marchés que celui en cause, peuvent motiver l’exclusion. Par ailleurs, ils notent que le soumissionnaire, interrogé par l’acheteur, « n’établit pas avoir pris des mesures afin que cette personne, qui détient toujours un pouvoir de contrôle de cette société en sa qualité d’associé majoritaire, ne puisse plus s’immiscer dans sa gestion ». Résultat, l’acheteur pouvait légalement estimer que les preuves ainsi apportées par la société « ne sont pas de nature à démontrer sa fiabilité ».

Comme les dispositions du CCP n’ouvrent qu’une simple faculté, le fait que la personne publique n’ait pas exclu le prestataire d’autres procédures de passation de marchés publics conduites postérieurement au jugement du tribunal correctionnel de Marseille de décembre 2022 « est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision en litige ».

Référence : Conseil d’État, 16 février 2024, n°488524.

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