La course au traitement des biodéchets est lancée

Le 1er janvier prochain, les établissements de santé devront, comme tout le monde, avoir trouvé une solution pour trier et valoriser leurs biodéchets. Tous ne sont pas prêts mais la dynamique est là. Notamment à travers l’expérimentation lancée par la DGOS pour trouver des moyens adaptés à chacun.

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« Personne n’est prêt ! » Comme un cri du cœur, lancé par Pierre Kouam, directeur du patrimoine et biomédical du groupe hospitalier Nord Essonne (Longjumeau, Orsay, Juvisy). 866 lits et places, deux cuisines préparant 800 000 repas par an pour trois établissements, bientôt un quatrième, à Saclay : Pierre Kouam décrit son groupe hospitalier comme de taille moyenne et à l’offre de soins « dispersée », de quoi, selon lui, compliquer le traitement des biodéchets.

Tout le monde est concerné

L’obligation vient de la loi anti-gaspillage pour l’économie circulaire (AGEC) du 10 février 2020. Tous les producteurs de biodéchets y sont soumis le 1er janvier 2024. Même les particuliers.  Les « gros producteurs » étaient dans le viseur des autorités depuis longtemps. Il y a d’abord eu une directive européenne de 2008 pour « promouvoir la collecte et le traitement de biodéchets ». Elle a été reprise en France dans la loi « Grenelle II » de 2010.

On est devenu « gros producteur » de plus en plus vite. A partir de 80 tonnes de biodéchets par an, puis 40, puis 20. Dès 10 tonnes en 2016. Avant de descendre à 5 tonnes avec la loi AGEC. Depuis le Grenelle II, le responsable d’établissement qui ne respecte pas ces obligations commet un délit. Il s’expose à une amende de 75 000 € et une peine d’emprisonnement de 2 ans.

Impacts sur l’organisation

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Le chantier du tri et du traitement – la loi ajoute la valorisation – concerne en particulier les établissements de santé et médicaux-sociaux. Il y a quelques années, ils étaient identifiés par le ministère de l’Agriculture comme les plus importants producteurs de biodéchets : 264 g par personne et par repas contre 147 en milieu scolaire et 125 en restauration d’entreprise.

Depuis, beaucoup d’établissements ont planché. Notamment sur la réduction des déchets à la source. « Un aspect de l’expérimentation de la DGOS qui fait le tour de la question », souligne Pierre Kaoum dont le groupe hospitalier a été retenu pour la mener ainsi que le GHT de Loire-Atlantique et le GHT de Lozère.

Le tri et le stockage des biodéchets posent des questions d’organisation dans les établissements. Le CHU de Poitiers teste bientôt le tri des biodéchets par le personnel des services de soins à la fin des repas. Ils sont placés dans un bac à part du chariot qui a servi à livrer les repas avant un retour en cuisine. Les biodéchets sont ensuite vidés dans un Pallbox stocké à l’extérieur, pas en frigo, avant leur collecte par un prestataire. L’essai concerne les 107 services du CHU.

Besoin d’équiper les cuisines

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« Le retour en cuisine, c’est la solution. Et même le tri en cuisine pour dégager les services de soins de tâches à faible valeur ajoutée. Dans une gestion de type plein-vide, la plus efficace en matière de flux hospitaliers », considère Lionel Wack, responsable des fonctions logistiques au CH de Saint-Quentin et aussi président de l’Association des responsables des transports et de la logistique à l’hôpital (ARTLH). Cela demande aux cuisines de s’équiper d’une salle de dérushage des plateaux-repas : plateau inox et accroche-sacs sur les côtés pour y placer les déchets alimentaires.

Pour Lucile Battais, de l’ANAP, l’organisation du tri des biodéchets « va sans doute se caler sur celle préexistante ayant trait aux repas ». L’expérimentation menée par la DGOS vise à explorer les meilleures façons de faire selon les endroits. Résultat en novembre 2024. La DGOS accorde des moyens financiers pour mener l’expérience. De son côté l’ANAP rappelle qu’elle apporte elle aussi des financements aux établissements. Mais c’est pour accompagner la mise en place définitive de leur filière biodéchets.

Une filière organisée dans la moitié des cas

Sur le traitement proprement dit, l’ANAP estime d’après une enquête de terrain encore en cours, que la moitié des établissements de santé et médico-sociaux ont déjà mis en place une filière dédiée. Depuis plusieurs années, le CHU de Clermont-Ferrand utilise deux sécheurs thermiques pour transformer en poudre une partie de ses biodéchets qui sont ensuite méthanisés (lire notre article du 12 juillet 2022). De son côté, le CHU de Toulouse a réfléchi au compostage in situ (lire notre article du 17 septembre 2021). Afin d’éliminer ses biodéchets de manière responsable, le CH Moulins-Yzeure a eu l’idée de passer une convention avec un éleveur de chiens qui collecte et réutilise les denrées alimentaires pour nourrir son cheptel (lire notre article du 7 février 2020).

« C’est une dépense supplémentaire, souligne Lucile Battais, expert développement durable et logistique, ce qui peut constituer un frein. Mais le sujet est devenu une des trois priorités des établissements. Ils peuvent s’inspirer des bonnes pratiques répertoriées sur notre plateforme en ligne. Nous les accompagnons aussi avec un appui terrain dédié au développement durable. Les établissements peuvent candidater en ce moment même. Ce dispositif permet de structurer une feuille de route RSE et un plan d’action opérationnel pour améliorer l’impact environnemental de son établissement notamment sur la gestion des déchets », précise-t-elle.

Trouver des prestataires

Au début, le sujet aboutit parfois à des ratés. A Longjumeau, le self de l’hôpital s’est retrouvé avec le camion de la petite société locale chargée de la collecte de ses biodéchets en panne pendant 15 jours. Envoyé en Allemagne pour réparation. L’entreprise de ramassage des ordures ménagères de la ville s’en est chargée. « L’une des difficultés est de trouver des prestataires extérieurs en mesure d’assurer le service », souligne Pierre Kouam, à Orsay. En estimant, que, comme pour les DASRI, l’offre va se mettre en place progressivement avec des baisses de prix à la clé.

Au CHU de Poitiers, le transport et le traitement des biodéchets auprès d’un éleveur de porcs équipé d’un méthaniseur commençait à coûter plus cher que le traitement des DASRI. La cuisine les a déshydratés avant transport pour en diminuer le poids. Mais l’appareil fonctionne mal. De plus, son emplacement en chambre froide, où il devait les cuire et les broyer, n’était pas idéal…

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