Un exosquelette au GIP blanchisserie de Périgueux

La blanchisserie hospitalière de Périgueux s’est équipée d’un exosquelette au tri du linge sale. Si l’adhésion du personnel est au rendez-vous, d’autres postes pourraient en être dotés. Ce matériel pourrait s’affirmer comme un des outils de l’attractivité et du maintien la performance économique de la blanchisserie.

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Elle ne mesure qu’1,60 m, moins apte que d’autres, du fait de son petit gabarit, à occuper une multitude de postes à la blanchisserie alors que la polyvalence y est une base de fonctionnement. Jugeant l’exosquelette, ce drôle de harnachement apparu en janvier dont on s’habille comme d’un « sac à dos », comme une chance de travailler plus facilement un peu partout, elle a été une des premières à s’en saisir. Pour moins fatiguer à l’accrochage des sacs de linge sale, le poste où il est proposé d’abord pendant quelques mois.

Pas encore un EPI

D’autres n’ont pas eu le même réflexe, s’estimant suffisamment en forme pour ne pas avoir besoin de ce genre « d’auxiliaire ». « Ceux qui ont l’habitude de prendre soin d’eux et de leur corps sont plus réceptifs », raconte Frédéric Lebon, responsable du GIP blanchisserie à l’hôpital de Périgueux. Laisser le choix à chacun était la seule façon pour espérer faire accepter le nouveau matériel à tout le monde.

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« Nous visons le long terme. L’appareil est là, à disposition de chacun. Au départ, les gens ont des réticences à l’utiliser. Non qu’il soit difficile à enfiler. On l’attache aux hanches mais cela prend moins de 20 secondes. Mais en se rajoutant au corps, il contraint certains mouvements. Se pencher en avant est quasiment impossible. L’idée est donc plutôt d’accompagner les personnes, de communiquer, d’expliquer que c’est pour prendre soin d’eux, pour leur rendre le travail plus facile dans le temps. Un jour peut-être, cet appareil deviendra-t-il obligatoire mais on n’en est pas encore là. Il n’est pas encore classé équipement de protection individuelle (EPI) aux postes les plus pénibles », explique Frédéric Lebon.

Bobos non avoués

Au bout de presque trois mois, l’exosquelette a trouvé un public. Certains l’utilisent le matin quand les organismes sont encore froids. D’autres l’après-midi alors qu’ils sont un peu fatigués. D’autres encore, seulement une fois par semaine, au moment de prendre le relais sur ce poste au tri du linge sale, plus pénible que les autres, là où les rotations de personnel sont déjà rapides, pour éviter justement les blessures. « Le problème, c’est que les gens ne parlent pas spontanément de leurs petits bobos », note Frédéric Lebon.

Il a déjà pris l’habitude de les interroger sur le sujet. Au moins lors de leur entretien annuel. Il s’est ainsi rendu compte que le mal au coude ou au poignet à force de tirer sur les draps, cela existait bel et bien parmi les 47 salariés. En dépit des précautions prises à coup de changements de poste au moins toutes les semaines, plus fréquemment aux plus pénibles d’entre eux.

Prévention des TMS

Frédéric Lebon

L’exosquelette a été mis en place au titre de cette prévention des troubles musculosquelettiques. Rapidement. Environ un an après que Frédéric Lebon a eu l’occasion de l’essayer lors d’un congrès du l’URBH (Union des responsables de blanchisserie hospitalière). L’engin coûte près de 6000 €. « Ce n’est pas donné mais ce n’est pas non plus une dépense inaccessible. Moins qu’un arrêt de maladie de plusieurs mois », estime Frédéric Lebon.

Le contexte est celui d’un outil industriel qui doit livrer ses 8 tonnes de linge par jour et où l’intervention humaine va continuer de tenir une place. « Une blanchisserie, on la crée au moins pour 20 ans. Aujourd’hui, impossible de nous passer de l’œil particulier qu’il faut avoir sur la qualité du vêtement. Nous ne travaillons pas sur du carton mais sur du linge hôtelier, du linge de résidents. On n’est pas que dans l’automatisation. Nous comptons beaucoup sur l’expérience et l’expertise de notre personnel. Nous allons essayer tout ce qui est possible pour lui faciliter la vie et donc l’exosquelette devrait y avoir de toutes façons sa place. »

Sonder les ressentis

Mais l’appareil se révélera-t-il efficace ? Evitera-t-il réellement les TMS ? Frédéric Lebon ne le saura pas avant quelques mois. Pas avant d’avoir étendu son usage de l’exosquelette à d’autres postes, au cintrage et à la distribution. Et seulement en interrogeant son personnel car aucune étude atteste de l’intérêt réel de cet appareillage en blanchisserie même si, jusqu’ici, dans l’automobile ou ailleurs, il a aidé aux ports de charge répétitifs.

« C’est comme la lame de carbone dans la semelle des chaussures de course à pied. Preuve scientifique inexistante, pourtant elle se répand », observe Frédéric Lebon. Son enquête ne se limitera plus aux entretiens annuels. Il sondera le ressenti de chacun, en distinguant bien les utilisateurs de l’exosquelette des autres. Et, à la fin de l’année, proposera alors d’en acquérir éventuellement d’autres exemplaires.

Objectif économique réel

En attendant, l’expérience affiche l’attention que la blanchisserie accorde à la bonne santé de son personnel. Message primordial alors que le métier n’attire pas. Comme d’autres, le GIP de la blanchisserie hospitalière de Périgueux, a du mal à recruter. Même si, par exemple, la bienveillance y est instituée comme une vertu cardinale. « Si quelqu’un a des difficultés dans son travail, même s’il ne le dit pas, ça se voit. Et collectivement, ainsi, l’on veille les uns sur les autres », indique Frédéric Lebon.

Heureusement, il n’a pas de croissance au programme. Pérenniser la livraison quotidienne de 8 tonnes de linge propre aux huit adhérents de son GIP est l’unique objectif. Mais il a besoin de tout son personnel pour cela parce que c’est déjà un défi. Les coûts de l’énergie, parmi d’autres, explosent et il n’est pas question que le coût du linge propre sortant de la blanchisserie en représente un trop grand par rapport à celui des soins.

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