Louis Potel : apporter des solutions pour accélérer la diffusion de produits innovants

Précommandes de produits high tech, ingénierie contractuelle remodelée avec des clauses d’essai, ateliers de découverte des marchés publics et formation spécifiques à destination des start-up…  Le Resah fait feu de tout bois pour rapprocher acheteurs de la santé et innovateurs et diffuser plus largement de nouvelles solutions. Son directeur de l’innovation et des affaires internationales, Louis Potel fait le point sur les actions engagées et à venir.

achat-logistique.info : Les start-up ne manquent pas dans le secteur de la santé. Néanmoins, les solutions imaginées rencontrent souvent des difficultés pour se faire connaître, encore plus pour passer le stade de l’expérimentation. D’un autre côté, les acheteurs n’ont pas suffisamment de temps à consacrer au sourcing dans tous les domaines. Comment le centre de l’innovation par les achats rapproche-t-il ces deux mondes ? Particulièrement s’agissant des pépites tricolores ?

Louis Potel : « Effectivement, le secteur de la santé est foisonnant de solutions innovantes dans une grande partie des filières achat. Néanmoins, l’adoption de solutions innovantes à forte valeur ajoutée par les établissements de santé reste toujours assez limitée pour diverses raisons. Nous sommes persuadés qu’une organisation telle que le Resah a un rôle majeur à jouer pour faciliter ces adoptions de solutions innovantes qui ont prouvé les bénéfices qu’elles peuvent apporter aux établissements de santé.

En plus des actions déjà menées par le Centre de l’Innovation par les Achats depuis plusieurs années, nous venons d’annoncer, lors des CHU Connexion HealthTech Day, organisé par notre partenaire France Biotech, un programme d’appui spécifique aux start up innovantes pour l’année 2024 qui va s’articuler sur 3 axes principaux.

Le premier consiste à mettre en place des conditions d’achat spécifiques visant à accélérer la commercialisation de solutions innovantes émanant de start up ou de soutenir leur trésorerie.  Concrètement, il s’agit d’un mécanisme de « précommande » pour certaines de nos marchés innovation. Une enveloppe de 2 millions d’euros de précommandes sera réservée à cet effet dans le cadre du budget 2024 relatif aux opérations d’achat-revente de la centrale d’achat.

Le deuxième axe est le déploiement d’un modèle contractuel spécifique à l’achat d’innovation : des durées de contrat plus longues, adaptées au déploiement de l’innovation, des clauses de réexamen permettant d’intégrer les évolutions au fil de l’eau, des clauses protectrices des droits de propriété intellectuelle de l’entreprise, et enfin des clauses d’essai intégrant une phase d’essai limitée dans le temps, préalable à des engagements contractuels de plus long terme (vente à l’essai).

Le dernier axe est le renforcement de la diffusion de l’offre innovante disponible en centrale d’achat, grâce à la mise en place de projets pilote auprès de quelques établissements ciblés qui permettront de préparer la phase de commercialisation de la solution. »

achat-logistique.info : La commande publique, la réglementation des marchés, la contractualisation demeurent pour nombre de dirigeants de start-up un maquis hermétique, quelle aide pouvez-vous leur apporter ?

Louis Potel : « Il est vrai que la commande publique n’est pas un sujet maitrisé par un grand nombre d’entreprises, cela est d’autant plus vrai lorsque l’on parle de jeunes start-ups proposant des solutions innovantes. Néanmoins la connaissance du code de la commande publique et des appels d’offres publics est essentielle pour toutes entreprises commercialisant des solutions sur le secteur de la santé puisque 66 % des lits et places en hôpital sont offerts par le secteur public, contre 25 % par les établissements privés à but lucratifs et 9 % par les établissements privés à but non lucratifs.

C’est pourquoi le Resah se positionne comme une organisation support et facilitatrice de l’accès à l’innovation dans les établissements de santé en contribuant à l’acculturation de l’écosystème innovation en santé à la commande publique. Cela passe par plusieurs actions concrètes. Nous animons des ateliers pratiques de découverte du fonctionnement des appels d’offres publics à destination des entreprises innovantes adhérentes ou membres de nos différents partenaires innovation sur tout le territoire : France Biotech, Agence de l’innovation en santé, EIT Health, Medicen, Paris Biotech Santé, Allis NA, Silver Occ ClusterLab…

Nous proposons également des formations à destination des entreprises, avec des contenus qui leur spécialement adaptés comme « répondre aux marchés publics de produits de santé » ou encore « mesurer les opportunités et les contraintes de l’achat public hospitalier pour les entreprises innovantes ». Par ailleurs, nous simplifions et rendons accessible au maximum nos appels d’offres pour l’achat de solutions innovantes. Et nous allons intégrer un guide pratique de réponse à un marché dans nos cahiers des charges courant 2024. »

achat-logistique.info : Quels seraient les conseils que vous pourriez donner aux entreprises développant et commercialisant des solutions innovantes sur le secteur sanitaire et médico-social ?

Louis Potel :  « Notre expérience et expertise acquise sur l’innovation et l’achat public d’innovation via nos projets et activités menées depuis plusieurs années, à l’échelle nationale ou européenne, nous ont permis de constater et identifier les freins à la diffusion et l’adoption de solutions innovantes sur le secteur de la santé.

Je conseille d’abord à ces entreprises de se former à la commande publique afin d’en comprendre les grands principes : comment trouver les appels d’offres en cours, décrypter les documents constituants un dossier de consultation des entreprises, apprendre à comprendre et compléter un bordereau de prix unitaire (BPU)… Ensuite d’adapter leur business model aux établissements de santé français, à leur système de financement et aux principes de la commande publique.

S’agissant des start-up et des PME innovantes, je leur recommande de s’associer à de plus gros acteurs nationaux afin de pouvoir répondre en partenariat à des appels d’offres d’envergures lancés par des centrales d’achat nationales. Car une fois le marché attribué, tous les établissements français peuvent passer commande, ce qui nécessité une continuité de la prestation.

Quatrième conseil : être capable de démontrer la valeur ajoutée apportée par la solution innovante par une étude médico-économique et/ou scientifique, une expérimentation en conditions réelles dans un établissement… Les établissements de santé ne sont pas des investisseurs : il ne s’agit pas de leur faire des promesses sur les années à venir mais de leur apporter des bénéfices tangibles et mesurables. »

achat-logistique.info : Lors du dernier Santexpo, le Resah a signé un partenariat avec l’Agence de l’innovation en santé afin de faire des achats publics un vecteur d’accélération de la diffusion de solutions innovantes. Prévue au programme, la labellisation de certains marchés a-t-elle démarré ?

Louis Potel : « L’Agence de l’Innovation en Santé a fait de l’achat public un des vecteurs principaux permettant de faciliter l’adoption de solutions innovantes à forte valeur ajoutée par les établissements de santé. C’est en ce sens que nous avons signé un partenariat stratégique avec l’AIS car le Resah, en tant que centrale d’achat publique, va être un des acteurs majeurs dans la mise en place des actions liés à la commande publique.

Les choses sont encore en train de se mettre en place au niveau de l’AIS concernant l’accompagnement et la labélisation de certaines solutions innovantes en lien avec les besoins principaux des établissements et des orientations politiques. Le rôle du Resah va être d’apporter les solutions juridiques et techniques permettant de faciliter l’acquisition de ces solutions labelisés aux travers de nos marchés. Tout cela devrait prendre très concrètement forme dès le début de l’année 2024. »

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