Des lunettes d’assistance de bloc opératoire testées à Brest

Après le traitement d’un AVC, l’extraction d’une incisive ! Les lunettes de bloc connectées mises au point par la start-up Intradys au CHRU de Brest, permettent d’assister le chirurgien, y compris à distance, dans un nombre croissant de disciplines. Seconde vocation, la formation.

© Intradys

En voiture, sur le périphérique de Rennes, ordinateur sur les genoux, Sylvie Boisramé, professeur d’odontologie à l’université de Brest voit par les lunettes de sa collègue Gwenola Ferrec, l’extraction d’incisive du maxillaire qu’elle est en train de pratiquer sur un adolescent au bloc de l’hôpital de Brest. A quelques centaines de mètres de là, des étudiants assistent aussi à l’opération par écran interposé.

Chirurgie ouverte

C’était le 15 février dernier. Sylvie Boisramé a échangé avec sa collègue en cours d’intervention. Les étudiants ont pu poser des questions. L’étape était importante pour Intradys, la société créatrice de ce casque à lunettes baptisé Lumys, start-up basée à Brest et associée au CHU (lire notre article du 25 novembre 2019).

« Nous avons commencé par la neuroradiologie interventionnelle pour aider à traiter les AVC. Nous nous sommes étendus à la chirurgie vasculaire qui utilise beaucoup d’imagerie que nous pouvions donc mettre à disposition du chirurgien dans ses lunettes. Ensuite, nous en sommes arrivés à chirurgie ouverte, comme le 15 février à Brest, où il y a besoin de moins d’images. La technologie est très flexible », explique Gwenael Guillard, le fondateur d’Intradys.

Maniement appris en 15 minutes

Ces lunettes utilisent le casque Hololens 2 de Microsoft. Léger. Batteries à l’arrière de la tête, il se charge comme un téléphone portable. Sur le front sont situés, les outils de communication, camera, haut-parleurs, micro. Puis, se rabattant au besoin devant les yeux, les verres de lunettes grâce auxquels sont projetés devant le chirurgien, en hologrammes, les documents dont il a besoin pour son opération. Il peut les traiter à l’aide de ses mains comme avec une souris d’ordinateur. Ses doigts, entrés dans le champ de vision, sont prolongés par des lignes. Par elles, il navigue, ouvre des fenêtres, manipule des documents. « L’apprentissage prend 15 minutes, guère plus, cela dépend des gens », indique Gwenael Guillard.

Consulter un collègue sans bouger

Les documents qui apparaissent correspondent d’abord au fil de l’intervention, radios, scans, échographie, images préopératoires, chargées donc au préalable. « On dématérialise les documents, explique Gwenael Guillard. Un bloc opératoire est un endroit généralement encombré : les ultrasons, la colonne vidéo. Pour guider le travail du chirurgien, des feuilles sont parfois scotchées autour de lui. Pas toujours facile de vérifier une information à l’extérieur du champ de l’opération. Là, le chirurgien dispose des documents devant lui. »

© Intradys

Mais le chirurgien peut avoir besoin d’éléments supplémentaires en cours d’intervention. Vouloir consulter un collègue. Il peut le faire sans bouger, son casque est connecté. Ainsi sont évités les allers-retours pour changer de pièce pour aller téléphoner ou consulter un dossier. Et dans la foulée, des questions de stérilisation », ajoute Gwenaël Guillard. La collégialité, les conseils, les échanges autour des cas complexes, depuis l’autre bout du monde ou à côté devaient gagner en facilité. Des gains de temps à la clé.

Pour le moment, le casque donne accès à du visuel et du son. Dans une prochaine version, en interface avec d’autres logiciels annexes, le chirurgien pourra utiliser prendre, par exemple, le contrôle sur le PACS (Picture Archiving and Communication System). Disposer des outils dont il a besoin sans se déplacer. Pour le moment, le casque n’est utilisé que dans la cadre de la recherche au CHRU de Brest. Mais Gwenael Guillard vise un déploiement international commençant par les Etats-Unis.

Enseignement dynamisé

Un débouché au-delà des blocs opératoires existe du côté de la formation. Sylvie Boisramé, par exemple, espère vite intégrer ce casque aux cursus universitaires, à Brest, car l’outil dynamise clairement l’enseignement. « Dans les cours d’anatomie, quand on nous expliquait que tel élément montait de la face interne de la joue, puis derrière, puis en avant, de bas en haut, nous, nous devions tout imaginer en 3D. Là, représenter les choses de façon dynamique est un vrai plus. Après pour enseigner la chirurgie qui est très protocolisée, montrer les étapes à suivre, première l’antisepsie, deuxième l’incision, etc, pouvoir enregistrer le cours, le repasser, c’est aussi un progrès. A la fin du cursus initial, en cinquième année, pour former les internes et les praticiens, leur montrer les choses en direct ou les accompagner grâce au casque serait vraiment utile aussi. »

Sylvie Boisramé pense aussi à l’explication des opérations en direct et à distance aux praticiens en formation continue, voyages et dépenses économisés en nombre. Auparavant, elle planchera avec Intradys sur des services encore plus pertinents du casque pour faciliter l’odontologie elle-même. « C’est le but. C’est le travail à mener pour développer un outil à base d’intelligence artificielle. C’est ce qui prend aussi le temps le plus long », indique Gwenael Guillard

 

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