Hubert Selliah : un touriste aux achats ?

Un touriste aux achats ? On aurait pu la lui sortir souvent, celle-là. Mais le parcours d’Hubert Selliah, qui peut sembler atypique à première vue, son expérience dans la vente, son aversion du management pyramidal à la française, sont autant d’atouts, justement, qui ont su convaincre le centre hospitalier de Beauvais dont il est, depuis septembre, le responsable des achats, de la cellule économique et de la cellule des marchés.

Il y est allé au culot, mais alors avec un sacré culot. Presque autant que celui qu’eut Séverine Carton lorsqu’elle décrocha son poste en visio depuis Muang Khong, sur les rives du Mékong. Mais celle qui est aujourd’hui directrice de la commande publique et des affaires juridiques de Loire Forez Agglomération, elle, affichait déjà une belle expérience dans les achats et la commande publique, et pas n’importe laquelle (notre article du 7 juillet dernier). Alors, même en passant son entretien depuis le Laos pour décrocher son poste à Montbrison, c’était compréhensible. Mais lorsque l’on a réalisé comme Hubert Selliah toute une carrière dans le tourisme et les voyages, et en plus dans la vente et non dans les achats, faire son entrée dans “la famille”, c’est tout de même une performance qui pourrait rester dans les annales.

Parce qu’être culoté au point de répondre « Rien » à la sacro-sainte question « Que souhaitez-vous changer si vous prenez ce poste », il faut oser ! Mais bien évidemment Hubert Selliah n’en est pas resté là et a déroulé ensuite toute une argumentation qui a su convaincre l’établissement de l’Oise. C’est qu’on ne la lui fait pas. Lorsque l’on a su remonter des établissements qui étaient à la dérive, comme une structure hôtelière qui affichait un ridicule taux d’occupation de 2 %, on est capable de tout. Et en y ajoutant la plongée en apnée qu’il fit dans l’historique et les bilans du centre hospitalier dans lequel il comptait décrocher le poste de responsable des achats, de la cellule économique et de la cellule des marchés qui était à pourvoir au centre hospitalier de Beauvais, on commence à comprendre pourquoi ce poste lui va aujourd’hui comme un gant.

La vente et l’achat sont les deux faces d’une même pièce

« Rien ! ». Mais pourquoi prendre le risque de voir une porte se refermer aussitôt en prenant le risque de la fermer soi-même ? « La vente et l’achat sont les deux faces d’une même pièce, dit-il, un peu comme un miroir, tout dépend de quel côté l’on se place ». Pour Hubert Selliah, les lois sont identiques : « L’offre et la demande, ou plutôt, pour un établissement hospitalier, la demande et l’offre ». À une différence près, et pour lui elle est de taille : « Ici, nous œuvrons pour soigner les gens, pour prendre soin également du personnel, soignants ou administratifs ».

Et il comprend instantanément qu’il faut avant tout être capable d’estimer les besoins avant de lancer quelque procédure d’achat que ce soit. Pour illustrer son propos, qui pourrait prêter à sourire aux professionnels des achats, il cite une anecdote : « Une assistante administrative vient me voir un jour pour m’expliquer que sa chaise ne lui convenait pas. Je lui demande pourquoi elle souhaite en changer et elle m’en donne les motifs ». En l’écoutant, j’ai bien vu qu’elle avait totalement raison. Elle me demande donc d’en acheter une nouvelle, le même modèle, mais neuf. « Quel intérêt pour vous si c’est le même modèle, qu’il soit neuf ou vieux, si son ergonomie ne vous convient pas ? ». Je suis sidéré par sa réponse : « Mais on a toujours fait comme ça ! ». Identifier les besoins, Hubert Selliah savait faire, tout comme mutualiser, massifier les achats, négocier les prix, analyser les solutions de rechange pour réaliser des gains achat. Exemple avec le matériel de reprographie : « À la fin de l’année, l’addition se montait ici à 222 000 €, constate-t-il, or, en externalisant, le gain achat s’est élevé à 60 000 € ».

Animer à l’anglo-saxonne

Passer du privé au public n’est pas si facile. C’est même le plus souvent impossible : « Lorsque j’ai vu le salaire qu’on me proposait, j’ai été très surpris du niveau de rémunération inférieur à celui du secteur privé, et bien évidemment avec l’activité commerciale qui était la mienne, convient-il, d’autant que je venais d’être chassé pour retourner dans le tourisme… ». Mais un événement dans sa vie s’était produit quelques années plus tôt qui l’a conforté dans sa décision d’intégrer la fonction publique hospitalière : « Je n’ai jamais compté mes heures, et je ne les compterai pas non plus ici, avoue-t-il, mais le train d’enfer de la vente dans un univers aussi concurrentiel que l’hôtellerie, les déplacements à l’étranger, les nuits loin de ma famille, c’était trop pour moi qui ne voyait pas mon fils grandir. Et de son côté, il me le faisait savoir. Alors je préfère gagner moins, mais voir grandir mon fils ».

Sans compter le plaisir qu’il trouve au centre hospitalier de Beauvais : « J’ai une équipe au top, des gestionnaires du feu de dieu, s’enthousiasme-t-il, une bonne ambiance, une bonne humeur ! ». Mais si vous ne voulez pas le fâcher, ne lui parlez pas du management à la française : « Au management “Yaka”, stupidement pyramidal, je préfère l’animation à l’anglo-saxonne, ma porte est toujours ouverte ». En fait, pour être honnête, nous devons vous confier une “petite” omission. Nous avons volontairement oublié la phrase qu’il a prononcée juste après le « Rien » lancé comme une provocation lorsqu’on lui a demandé ce qu’il souhaitait faire si sa candidature était retenue : « Je viens et j’observe… ». Ce qui est la qualité principale d’un futur manager. Non, pas manager, c’est vrai. Animateur, cela lui convient bien mieux.

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