L’étude se concentre sur une intervention de référence dont la procédure est standardisée, à savoir l’implantation d’endoprothèse pour anévrismes de l’aorte abdominale, ciblant les 15 opérations de ce type pratiquées à l’hôpital Bichat (AP-HP) entre janvier et juin 2022. En l’absence de méthodologie dédiée, son principe fut simple : « lister toutes les activités induites par l’organisation, auxquelles on a appliqué un coefficient d’émission pour obtenir la quantité totale de CO2 générée, en émissions directes et indirectes », expliquait le docteur Jean Sénémaud du service de chirurgie vasculaire, thoracique et transplantation pulmonaire de l’hôpital Bichat (AP-HP), lors de la journée « RSE en santé » organisée par le Snitem (Syndicat national de l’industrie des technologies médicales) début juin.
Simple, sauf que la liste est longue : il a ainsi fallu « quantifier les déplacements des personnels et patients, étudier la fabrication et composition de tous les consommables utilisés, estimer l’énergie nécessaire à la production des médicaments à l’appui du ratio monétaire de l’Ademe, évaluer le fret pour l’ensemble de ces éléments, chiffrer la consommation du bloc et, bien sûr, mesurer l’impact des déchets », a énuméré le praticien.
L’équivalent d’un Paris-Berlin en avion
© DR
Grâce à l’engagement des départements concernés (chirurgie, anesthésie, logistique pharmacie) ainsi qu’à l’accompagnement d’un cabinet conseil, le diagnostic tombe : 108 kg eq CO2 par procédure, soit autant qu’un vol Paris-Berlin ou 5 jours d’émissions pour une personne en France ! Conforme aux données du Shift, la ventilation des impacts est également significative avec ¾ des émissions imputables aux 15 médicaments et 73 dispositifs médicaux (DM) requis par une intervention. Trois médicaments portent à eux seuls plus de 90 % des GES.
Les DM sont fabriqués pour 95 % à partir de plastiques. Résultats : côté déchets (16 % des postes d’émissions), une opération « pèse » 10 kg de plastique, auxquels s’ajoute l’équivalent en emballages, soit 21 kg de matières au total, dont le tiers seulement se voit aujourd’hui valorisable… « Et encore faut-il qu’elles soient triées », souligne Jean Sénemaud.
20 % d’émissions réduites en une semaine
Dr Jean Sénémaud ©LD
Même si le manque d’information sur la composition des produits et leurs impacts de fabrication a contraint à quelques approximations, l’étude dévoile donc bien les dessous du champ opératoire, indiquant en filigrane le traitement possible de ces « hémorragies » énergétiques. Certains relèvent clairement de la législation, tels l’affichage obligé du bilan carbone par l’industrie, la réduction du packaging ou même « la suppression des instructions écrites que personne ne lit jamais », insiste le docteur Sénémaud.
Mais d’autres s’avèrent bien du ressort des prescripteurs, avec le concours des acheteurs : « Rationaliser les consommables, proscrire les anesthésiques inhalés à fort potentiel de réchauffement, préférer les produits génériques, discuter des anesthésies locorégionales, proposer des alternatives aux médicaments les plus émetteurs, promouvoir les fabricants les moins distants… », détaille-t-il.
Et le soignant de conclure : « rien qu’en modifiant le mode d’anesthésie et les champs opératoires qui constituent les consommables les plus émissifs, on peut, dès la semaine suivante, réduire de 20 % les émissions à qualité et sécurité égales. » De quoi, en effet, montrer le chemin, au moment où l’État lance sa feuille de route en matière de planification écologique du système de santé.
