Les blocs passent au vert

Utilisation de produits polluants, gros volume de déchets… Le fonctionnement quotidien des blocs chirurgicaux a d’importantes répercussions sur l’environnement. La nécessité d’éco-concevoir les soins incite de plus en plus d’établissements à réfléchir sur leurs pratiques, aussi bien médicales que d’achats.

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Une opération chirurgicale peut représenter l’équivalent des déchets produits pendant une semaine par une famille de 4 personnes. Et certains DM parcourent plusieurs centaines de milliers de kilomètres avant d’être utilisés pendant 4 minutes et de terminer dans une poubelle. En quelques images choc, David Brissiaud, directeur du développement de l’agence Primum non nocere, a donné une idée de l’impact environnemental de l’activité des blocs, lors du webinaire consacré au sujet par le Resah le 26 septembre dernier.

Limiter la pollution générée par les blocs

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Poussés par leurs équipes médicales, de plus en plus d’établissements français et européens cherchent à revoir leurs pratiques. La consommation des substances anesthésiques figure parmi les premiers chevaux de bataille. Le CHU anglais de Bristol (lire notre article du 11 mars 2020) a réduit drastiquement l’usage de gaz hyper polluants, tout comme le CHU suédois de Karolinska.

Ce n’est pas un hasard si le groupement hospitalier de l’Ouest Lémanique (canton de Vaud) a démarré son projet de « bloc opératoire vert » avec l’installation au bloc d’un dispositif de capture de ces effluents, composé d’une cartouche remplie de charbon actif issu de la noix de coco, laquelle absorbe et retient les gaz anesthésiques volatiles (lire notre article du 14 février 2022).

Et il ne s’agit pas seulement de maîtriser la pollution provoquée à l’extérieur du bâtiment, mais aussi au sein des blocs. Le recours aux bistouris et instruments électro-chirurgicaux déclenche, lors de la combustion des tissus, la diffusion dans l’air d’agents chimiques dangereux ou pathogènes, a rappelé une conférence organisée par le SNITEM le 26 septembre dernier. À en croire une étude suédoise, une journée au bloc reviendrait à inhaler un paquet de cigarettes. Plusieurs structures, comme le centre de lutte contre de cancer Paoli Calmettes à Marseille, se sont équipées de systèmes d’aspiration des fumées à la source.

Réduire le volume des déchets

L’accumulation des déchets est un autre sujet majeur. À l’hôpital de Nyon par exemple, le bloc est à l’origine d’un tiers des déchets (hors médicaments et DASRI), soit quasiment 13 tonnes par an. Afin de sensibiliser ses personnels, le CH d’Auxerre affiche non seulement le prix des DM utilisés au bloc, mais aussi leur origine géographique, la composition des matériaux et le type de déchets générés  (lire notre article du 31 août 2022). Le tri après intervention commence à entrer dans les us et coutumes. Au CHU d’Amiens, depuis l’automne 2021, l’aluminium des bouteilles de gaz halogéné, la ferraille et le cuivre des instruments sont systématiquement récupérés, décontaminés et valorisés.

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Toujours dans les Hauts-de-France, Gabin Momal, jeune médecin du CHU de Lille, a mené l’enquête concernant les injections intravitréennes (IVT). En extrapolant à l’échelle nationale, il estime à 550 tonnes la masse de déchets produite chaque année pour ce type d’intervention. Alors qu’une démarche éco-conçue pourrait déboucher sur une baisse de 45 % des GES  (lire notre article du 25 novembre 2021).

Instruments et DM ne sont pas les seuls à faire l’objet d’investigations. Depuis le début de l’année, le centre hospitalier de Lannion-Trestel teste des casaques et pantalons de bloc en tissu éco-responsable. Fabriqués à partir de bois et de polymère biodégradable, ces équipements sont compostables en fin de vie (lire notre article du 26 janvier 2022 ).

Pousser les industriels à proposer une offre plus durable

Les soignants impliqués comptent sur l’aide des acheteurs pour faire bouger les lignes. Naturellement en les aidant à repérer des solutions. Le CHU d’Amiens a par exemple acquis trois stations mobiles de traitement in situ des déchets liquides destinés à les évacuer avec les eaux usées. Mais aussi en intégrant le développement durable dans les cahiers des charges et en analysant le bénéfice en coût complet. De quoi inciter les industriels à changer leur fusil d’épaule.

Lors de la conférence du Snitem sur les fumées chirurgicales, un appel a été lancé aux fournisseurs pour qu’ils insèrent automatiquement des systèmes de captation de fumées dans les bistouris électriques. Ou à privilégier une innovation plus orientée développement durable. Il existe désormais des appareils chirurgicaux qui ne produisent pas de fumées, a témoigné le docteur Gwenaël Ferron, oncologue à l’institut Regaud de Toulouse qui intervenait lors de la table-ronde du Snitem, mais pour lesquels il y a deux freins essentiels : le coût (de 300 à 400 euros par intervention) et un matériel non réutilisable, générateur de déchets électroniques…

Cela prendra du temps, a admis son confrère Gabin Momal. Mais l’essentiel, a ajouté le médecin, c’est de pouvoir montrer aux fabricants, dans les prochaines années, que les retombées environnementales des produits auront leur rôle à jour lors de la décision d’achat.

 

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