Valorisation des métaux chers : pas encore de ruée vers l’or

Or, platine… certains dispositifs médicaux à usage unique contiennent des métaux chers que certains établissements de santé traquent et valorisent. La démarche nécessite d’établir un processus entre la fin de l’acte médical et l’arrivée chez le ferrailleur. A la clé, un jackpot écoresponsable.

© Clinique Pasteur

C’est une innovation RSE qui en dit long. Le CHU de Toulouse réfléchit à la création en interne d’un atelier de démantèlement des déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E), alors que ce gisement se monte à une « cinquantaine de tonnes » par an, selon Vincent Ayma, cadre animateur gestion des déchets au CHU de Toulouse.

135 000 euros le kg pour l’iridium

© CHU Toulouse

Ce serait une manière pour l’établissement de valoriser de nouveaux déchets à base de métaux chers, mais également de réintégrer du personnel touché par une incapacité à son poste. Il faut dire que le cours de certaines de ces matières premières se calcule en dizaines de milliers d’euros : comme le palladium, le platine et l’or. Ce dernier s’affiche à plus de 55 000 € le kilo depuis 2022. L’iridium, lui, vaut carrément plus du double en moment !

Très avancé sur le tri sélectif, le CHU de Toulouse traite 6350 tonnes de déchets par an, répartis sur 21 filières et une cinquantaine de familles, dont celle des « métaux spécifiques et précieux ». À elle seule, cette dernière comporte dix sous familles. Y figurent les câbles intégrant du cuivre, les pacemakers avec du titane, et les sondes électrophysiologiques qui contiennent du platine, du palladium et de l’iridium.

Un indicateur au kilo près

Vincent Ayma

Dans les services de soin de l’établissement, on a mis en place un système de tri multi filières particulièrement poussé depuis l’initiation de l’objectif « green bloc ». Aujourd’hui, environ 60 % des unités du CHU sont engagés dans une démarche de gestion des déchets. Une partie d’entre elles gèrent les « métaux spécifiques et précieux ». Quand ces bacs sont remplis, le personnel du bloc sollicite l’équipe déchets qui va les chercher et les remplace par des vides. Grâce à cette organisation, chaque fut est tracé et pesé. « Cela permet d’informer chaque unité avec ses indicateurs au kilo près et par sous famille », explique Vincent Ayma, dont l’équipe est composée de deux collaborateurs.

En bout de chaine, les 10 sous-familles de métaux chers sont massifiées dans une pièce et proposées au prestataire de valorisation quand cette dernière est pleine. Et ce, afin de limiter les rotations de camions et en cascade l’empreinte carbone de cette gestion. « Il faut le faire car c’est vertueux, sinon ces métaux partent dans une poubelle classique et sont incinérés. Et aussi parce que cela dégage des recettes pour l’établissement, » estime Vincent Ayma. De fait, le CHU de Toulouse a pu valoriser 12 tonnes de métaux spécifiques et précieux en 2023 et en tirer 14250€. Déjà, 20 tonnes avaient été collectées en 2022.

Un processus pour des sondes en cardio

Vincent Drouin (accroupi) entouré d’une partie de l’équipe qui intervient sur le process de récupération des sondes au bloc cardiologie interventionnelle © Clinique Pasteur

A la Clinique Pasteur de Toulouse, on valorise les sondes de stimulation cardiaque depuis 2014. « Le personnel usager de ces dispositifs au bloc est sollicité pour couper le bout des sondes et passer cela en décontamination, comme on le fait par ailleurs pour les laryngoscopes, les fils de suture etc. Enfin, ces morceaux de sondes sont collectés dans un coffre-fort avant d’être en mesure d’en envoyer en quantité suffisante au raffineur de métaux », explique Vincent Drouin, animateur QSE rattaché au service technique achat logistique de cet hôpital.

« Nous pesons ce qui a été récupéré semestriellement et livrons notre raffineur de métaux à Muret à partir de 2 kg de matières afin de limiter la part relative des frais de gestion ». Là aussi, la démarche génère des revenus. « En 2021, nous avions réuni 2,9 kg de sondes. On en a tiré 1,3 kg de métaux précieux, dont environ 85 % de platine, 10 % d’iridium, et 5 % de palladium, soit 33 000 € de recettes pour la clinique », détaille Vincent Drouin.

Ce n’est que le début

Dans les deux établissements toulousains, on espère déployer le protocole mais il reste des freins. Notamment la difficulté à obtenir des industriels des détails sur la composition de leurs produits. Ainsi Vincent Drouin aimerait par exemple reproduire le processus existant pour d’autres dispositifs à usage unique comme les guides cathéters dont l’extrémité contient du nickel et du platine.

« Après des mois de recherche, nous avons réussi à joindre quelqu’un au téléphone mais l’industriel insiste d’abord pour dire qu’il ne recommande pas la valorisation pour ses produits à usage unique », confie celui qui imagine déjà l’ajout de clauses spécifiques sur les cahiers des charges des acheteurs afin que la valorisation soit pensée au plus tôt.

© CHU Toulouse

Au CHU, Vincent Ayma, qui tient à avancer pas à pas pour se donner toutes les chances de maitriser les process, aimerait notamment pouvoir traiter les déchets des blocs de traumatologie, en particulier pour y récupérer le titane des prothèses. Et ce à proximité des blocs. « Plus on va être capable d’affiner notre démarche de tri au plus près des gisements, plus ce sera vertueux car tout n’est pas trié en France… », conclut-il.

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