Cuisine centrale : Angers fait le show avec son froid

Pour reprendre en main sa restauration scolaire, le territoire angevin s’est doté d’une cuisine ultra-moderne servant avec dextérité tous les nouveaux impératifs du métier. Avec, au menu des innovations, une production du froid au CO2 dont les atouts ne laissent effectivement pas de glace.

© Dalkia Froid Solutions

C’est un paradoxe : faire du froid participe grandement au réchauffement climatique. D’ici 2030, les hydrofluorocarbones (HFC) seront par conséquent progressivement interdits, visés par la réglementation européenne F-Gas pour leur potentiel élevé en la matière, les gaz chlorofluorocarbones (CFC) l’étant déjà.

Alors qu’elle a investi 10,5 millions d’euros dans sa nouvelle cuisine centrale, la société publique locale Angers Loire restauration (Alrest), détenue par la ville d’Angers et 18 de ses communes avoisinantes, a donc anticipé l’échéance en optant pour une installation frigorifique fonctionnant avec un fluide naturel, le dioxyde de carbone (CO2).

L’effroi du froid

Le composé était déjà utilisé au XIXe siècle pour le refroidissement mécanique. Mais le développement des gaz synthétiques lui a ensuite volé la vedette, jusqu’à ce que la culpabilité environnementale de ceux-ci jette l’effroi en cuisine. En effet, leur pouvoir de réchauffement est en moyenne 3 500 fois supérieur à celui du CO2 et rien que les HFC seraient responsables de 2 % environ des émissions mondiales.

© Dalkia Froid Solutions

En comparaison, le dioxyde de carbone naturel utilisé comme fluide frigorigène (alors appelé R-744) aligne clairement les atouts : « aucun impact sur la couche d’ozone et des effets très faibles sur le réchauffement climatique, attesté par un Potentiel de Réchauffement Global (PRG) équivalent à 1, ce qui signifie qu’un kilo de fluide équivaut à 0,01 tonne de CO2, soit 1 500 fois moins que notre installation antérieure », avance Pauline Vernin, chargée de mission développement durable chez Papillote et Compagnie, marque commerciale d’Angers Loire Restauration.

Les bureaux d’études pas très chauds

Lancée en 2021 dans la reconstruction totale de sa cuisine centrale, l’entreprise publique locale, délégataire de la restauration quotidienne de quelque 13 500 enfants angevins, a donc décidé d’adopter ce procédé… « Même s’il a d’abord fallu convaincre les architectes et bureaux d’études », rapporte Pauline Vernin. Avec l’appui du prestataire, Dalkia Froid Solutions, les arguments sont listés.

« Cette nouvelle production de froid ne s’avère pas seulement utiliser un fluide naturel à impact neutre pour la planète », soutient le chargé de clientèle du fournisseur, Germain Leconte. Il poursuit : « C’est aussi une technologie peu énergivore qui, avec une température de condensation portée à 90° C, offre de surcroît, par récupération de chaleur, la production de 15 % à 20 % des besoins en eau chaude sanitaire. »

Un système hautement sécurisé

©Dalkia Froid Solutions

Mais les atouts ne font pas tout. Inodore et rapidement dangereux à dose excessive, le gaz carbonique soulève évidemment des questions de sécurité, tuyauteries et flexibles compris. Depuis la toiture où le gaz est ainsi compressé à très haute pression (jusqu’à 120 bars), les nouvelles installations de froid angevines, plus compactes que les équipements classiques, alimentent donc 20 chambres froides positives et 2 chambres froides négatives, mais pas de la même manière.

« Pour limiter tout risque, le dioxyde de carbone demeure en effet concentré dans le compresseur, et sur une infime partie du réseau », expose Pauline Vernin. Ainsi, seules les chambres froides négatives l’utilisent en détente directe, sécurisées par plusieurs détecteurs qui, posés dans les faux plafonds, déclenchent une alarme sonore et visuelle en cas de fuite. L’ensemble des autres locaux se voient, eux, réfrigérés par un simple circuit d’eau glycolée véhiculant les frigories à – 8°C jusqu’aux unités terminales. Avantage subsidiaire de cette dichotomie : « en cas de panne du compresseur, un refroidisseur d’eau loué permet de redémarrer la majeure partie des activités sous six heures », ajoute Germain Leconte.

Un surcoût compensé

Accessible à tous les bâtiments destinés à la restauration, industrielle ou commerciale, la réfrigération au CO2 ne l’est en revanche pas à toutes les bourses.
Groupes frigorifiques spécifiques, réseau de canalisation inox hautement fiable, dont l’épaisseur peut supporter la forte compression du gaz, systèmes de détection de fuite pour les locaux en froid négatif et second circuit destiné au fluide intermédiaire…

©Dalkia Froid Solutions

« Ce type d’installation très performante coûte en effet un tiers plus cher qu’un mode de réfrigération classique », reconnaît Germain Leconte, « très exactement 100 000 euros supplémentaires à Angers, budgétairement équilibrés par de moindres dépenses en matériels de cuisine et que nous assumons totalement au nom du développement durable », ajoute Pauline Vernin. Un surcoût donc mais qui, compte tenu des économies énergétiques attendues et du prix du CO2 – six fois moins onéreux que les HFC – ouvre aussi, in fine, le chemin d’une décarbonation du froid à moindres frais.

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *