Chariots Snoezelen : un outil qui tombe sous le sens

Depuis cinquante ans, le Snoezelen parie sur l’expérience sensorielle pour briser l’isolement de ceux que la maladie ou le handicap coupe du monde extérieur… Une pratique médiatrice que des chariots modulaires mettent aujourd’hui à portée de main, mais aussi d’oreilles et de vue, des moins mobiles.

© Ehpad Orelies Brou

Snoezelen… Si le terme peut sembler plutôt nébuleux, le principe, lui, est on ne peut plus palpable : par les cinq sens – ouïe, odorat, vue, goût, toucher – rétablir le contact avec des personnes atteintes de troubles du comportement et/ou de difficultés cognitives entravant la communication.

Développée aux Pays-Bas dans les années soixante-dix, l’approche, dont l’appellation relève de la contraction de Snuffelen (renifler, sentir) avec Doezelen (somnoler, détendre), se révèle donc une expérience particulièrement adaptée aux secteurs du handicap, de la psychiatrie et de la gérontologie. Mais encore faut-il pour cela disposer des capacités nécessaires pour rejoindre l’espace qui y est dédié. Afin d’inclure à la méthode les patients et/ou résidents en perte de mobilité, des chariots multisensoriels déploient aussi le dispositif jusque dans les chambres.

Pour tout âge et profil

© Ehpad Orelies Brou

L’objet tient de l’armoire à roulettes dont les rayonnages foisonnent de propositions sensorielles et de stimulations psychocorporelles adaptables à chaque âge et profil : colonnes à bulles colorées, fibres optiques, lumière noire, lecteur CD, diffuseur d’huiles essentielles, éléments vibratoires…

Mais attention, « ce n’est pas pour autant un support de distraction », alerte d’emblée Marion de Turckheim. Éducatrice de jeunes enfants au service réanimation pédiatrique et néonatalogie du CHU de Montpellier qui bénéficie d’un des trois chariots dévolus aux unités de soins pédiatriques depuis janvier, elle espérait depuis longtemps ce matériel « pour mieux communiquer avec des enfants prisonniers de leur corps et dont les pathologies lourdes s’accompagnent de déficiences ».

Et, à l’appui de séances individualisées dont la progressivité s’appuie sur une observation clinique scrupuleuse, les résultats s’avèrent déjà probants : « Relâchement des tensions corporelles, échanges de regard… Rien que par les sens, cet outil m’a permis d’entrer en relation avec des enfants avec lesquels je n’avais pu établir aucun contact jusqu’alors », convient-elle.

Les sens pour rallumer le contact

De gauche à droite : Mélodie Mirronnet, psychologue, Delphine Barbier, adjointe au directeur et Magalim Tatem, infirmière coordinatrice ©Ehpad Orelies Brou

Même constat à l’autre bout de la France et du cycle générationnel. Car à l’Ehpad Les Orêlies de Brou (Eure-et-Loir), « l’objectif est bien de disposer d’un espace Snoezelen praticable en tout lieu et à tout moment pour accompagner, au plus près et le plus loin possible, les personnes retirées en elles-mêmes, voire en fin de vie » rapporte l’adjointe au directeur, Delphine Barbier.

Avec l’appui de Magali Tatem, infirmière coordinatrice, et de Mélodie Mironet, psychologue, le chariot sensoriel permet ici de reconnecter avec une sensation et la sensation avec un souvenir. Et ça marche : « Utile aussi aux équipes qui, intervenant alors en binôme, peuvent plus aisément pratiquer les soins, le chariot Snoezelen ranime le contact et offre aux familles des moments d’échange, devenus aussi rares que précieux, avec leur parent », décrit la responsable.

Une formation obligatoire

Modulable en fonction des bénéficiaires, évolutif dans le temps et très facile à déplacer, le chariot Snoezelen a, par conséquent, « toute sa place dans un établissement ou un service », conclut la dirigeante d’Ehpad… À condition néanmoins d’en avoir les moyens.

©Ehpad Orelies Brou

« Sans les 24 000 euros collectés par l’association Féminin Pluriel, cet investissement ne rentrait pas dans la ligne budgétaire du CHU », reconnaît Marion de Turckheim », tandis que Delphine Barbier abonde : « l’Ehpad de Brou n’aurait jamais pu acquérier ses deux unités mobiles sans les 12 000 euros que la Fondation de France a bien voulu accorder au projet. »

À noter toutefois que ces budgets incluent également la formation – absolument indispensable – de plusieurs professionnels à cette approche, une approche qui, « mal pratiquée, peut s’avérer contreproductive et même délétère, jusqu’à provoquer des crises d’épilepsie… », tient à souligner Marion de Turckheim. Des chariots à n’utiliser donc que dans le bon sens.

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