Chute des seniors : le défi de l’aménagement à relever

Si la prise en charge individuelle s’impose dans la lutte contre les chutes des personnes âgées, la dynamique ne saurait se déployer sans action concomitante sur l’environnement, tant pour prévenir l’événement qu’en limiter les conséquences… Une action au service de laquelle les avancées technologiques tombent à point nommé. Deuxième volet de notre enquête sur cet enjeu gérontologique majeur.

© Epictura

Réduire de 20 % les chutes les plus graves d’ici l’année prochaine, voilà l’objectif du plan national lancé en 2022 par le ministère de l’Autonomie. Le risque est présent au domicile, mais aussi dans les établissements sanitaires et médico-sociaux (lire notre article du 14 février 2023 ). L’EHPAD de la Roseraie (Saint-Sever – Calvados) comptabilise 225 chutes pour 100 résidents en 2021. Grands récidivistes, certains accusent jusqu’à 25 incidents, heureusement sans gravité grâce au matelas posé à terre. Mais d’autres « trébuchent » malencontreusement. Aussi Christine Sevegrand-Mathieu, médecin coordonnateur, traque-t-elle les « précipitants » : « Barre de seuil décollée, luminosité trop faible ou trop intense, obstacles sur le chemin… Il faut un repérage permanent pour éliminer au plus vite ces facteurs exogènes ! »

Guillaume Duval

Au CHU d’Angers, dont il coordonne une filière de soins dédiée à la prise en charge du senior chuteur, Guillaume Duval approuve : « prévenir les chutes en établissement passe d’abord par une réflexion sur l’organisation des soins dans tout service susceptible de recevoir des seniors. » Et en attendant l’IA qui ciblera demain la vigilance en pré-identifiant les profils à risques, « il suffit déjà de veiller à la proximité des verres, télécommandes et mobile, au verrouillage du mobilier ainsi qu’à la mise à disposition de cannes ou déambulateurs plutôt que de fauteuils roulants susceptibles d’augmenter la dépendance », liste le spécialiste. Attention aussi aux barrières de lit qui majorent le risque de chute traumatique et aux chariots mal rangés rompant la continuité de déplacement.

L’innovation en question

Balisages au sol, revêtements antidérapants, contrastes visuels ou encore éclairage automatique en seuil de porte… Si beaucoup d’améliorations restent low-tech, l’innovation a largement investi le champ de l’aménagement, au bénéfice des seniors comme des soignants.

Claire Bouloc © DR

Du gobelet connecté indiquant une hydratation insuffisante au chemin éclairant dès le pied posé au sol en passant par la ceinture connectée qui contrôle les valeurs physiologiques et, via un actimètre, décèle tout changement comportemental susceptible d’augmenter la survenue de l’événement, l’offre se multiplie.« Mais à quel coût ! », regrette Claire Bouloc. Directrice de l’EHPAD Saint-Joseph de Marcillac (Aveyron), elle a récemment souhaité se doter de parcours lumineux automatiques connectés à un système d’appel… « Des ambitions rapidement limitées aux quinze « chuteurs » de l’établissement face à un devis déjà de 60 000 euros pour lequel nous sommes toujours en quête de financements », précise-t-elle.

Chantal Dubé

À la tête de trois structures en Indre-et-Loire, Chantal Dubé corrobore : « certes, montres et/ou médaillons existent, mais ceux qui chutent le plus fréquemment n’ont plus toujours les capacités de s’en servir. Reste donc les capteurs à l’investissement rédhibitoire, plus de 7 000 euros par chambre. Et encore faut-il s’y repérer entre infrarouge, ultrasons ou radar ! »

Le testing avant le sourcing

Afin d’assurer « le bon choix », certains prescripteurs et acheteurs misent d’ailleurs sur l’expérimentation préalable. À Angers, Guillaume Duval dispose d’un espace où les entreprises éprouvent en conditions d’usage réel des dispositifs en cours de conception. Tout comme quatre autres CHU de la région, l’établissement bénéficie également d’une chambre HospiSenior (lire nos articles du 11 novembre 2020 et 5 septembre 2022) et conçue avec les acteurs de la santé, du design et de l’industrie dans le cadre du GCS HUGO (Hôpitaux universitaires Grand Ouest). « Chemin lumineux entre lit et salle de bains, éclairage fonction des heures, capteurs détectant les situations à risque… Si l’heure du bilan n’a pas encore sonné, ces aménagements semblent opérer une baisse notable du nombre de chutes », reconnaît le gériatre.

Denis Abraham © DR

Enfin, à Nancy, un établissement, adhérent de l’association Innov Autonomie, a fait appel aux tests techniques et d’usage du living lab avant d’investir. Résultat ? Une solution adaptée à la problématique de tous les résidents, ainsi qu’à celle de la structure demandeuse : « Pour des chuteurs occasionnels, il suffit de choisir un simple capteur (environ 150 €) doté de bouton d’alerte, en veillant à le placer en position centrale (torse, bassin…) pour minorer les fausses alarmes ; pour les personnes les plus à risques, il est possible de travailler sur la prévention avec des systèmes d’actimétrie capables d’analyser les mouvements et de réagir à tout changement d’habitude. Il faut toutefois se méfier de l’hétérogénéité des dispositifs communicants, souvent incompatibles entre eux, qui crée des complexités au niveau de la plateforme », conclut le directeur de l’innovation du living lab, Denis Abraham. Des informations on ne peut plus utiles pour espérer progressivement ne voir plus chuter que les statistiques.

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