Chutes des seniors : laisser tomber la fatalité

Près de 150 000 hospitalisations annuelles, plus de 10 000 décès… Les chutes des personnes âgées constituent un enjeu majeur. Alors qu’un plan national veut réduire de 20 % les plus graves d’entre elles d’ici 2024, hôpitaux et EHPAD cherchent aussi des solutions à mettre sur pied. En commençant par une offre de soin adaptée.

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Plus de 2 millions de chuteurs de plus de 65 ans recensés chaque année… La prévalence des chutes s’accroissant avec l’âge pour passer d’un senior sur trois après 65 ans à un sur deux après 85 ans, le sujet s’impose au regard du vieillissement de la population et des 2 milliards d’euros imputés aux dépenses nationales.

En effet, 40 % des victimes conserveront de l’événement une trace psychologique qui les conduira à moins marcher, donc à retomber. Plus grave encore, la moitié des chuteurs garderont de l’accident un traumatisme physique susceptible dans les mêmes proportions d’accélérer leur dépendance, voire de les conduire à l’hospitalisation et même à l’institutionnalisation pour 40 % d’entre eux.

Des chutes plus fréquentes en institution

Laure de Decker © DR

Or, même dans ces lieux protégés, la chute reste un risque majeur : « l’incidence – 1,7 chute par an par résident – s’y avère même clairement plus élevée qu’à domicile », confirme le professeur Laure de Decker du pôle de gérontologie clinique du CHU de Nantes, coauteure d’un Essai de modélisation des facteurs de risque de chutes chez les sujets âgés.

Les raisons ? Identiques au domicile, puisant à quelque 450 facteurs potentiels parmi lesquels l’âge, les antécédents de chute, l’équilibre instable, la faiblesse musculaire ou encore la confusion, quelle qu’en soit l’origine. À ces caractéristiques endogènes s’ajoutent évidemment les éléments environnementaux, d’où deux axes sur lesquels le secteur institutionnel se penche : « La chute n’est pas une fatalité, et il est possible d’en limiter le nombre et la gravité à condition de pas se contenter d’offrir une canne et de changer les chaussons », affirme Guillaume Duval, gériatre au CHU d’Angers.

Déjouer les risques masqués

Premier impératif : « réfléchir aux causes, la chute étant généralement multifactorielle », pose le spécialiste, à la tête d’une des rares filières de soins spécialisée dans la prise en charge du senior chuteur qui propose une évaluation multidisciplinaire. « L’objectif est d’identifier les facteurs de risques et d’agir sur les éléments modifiables », explique le médecin angevin, lequel constate, à six mois de l’hospitalisation de jour dédiée, « une nette diminution du nombre et de la gravité des chutes. »

Avec une certitude : « améliorer les compétences des patients passe le plus souvent par des programmes d’éducation thérapeutique et d’activités physiques adaptés (APA) pour lesquels les institutions constituent un des meilleurs lieux de diffusion », assure Laure de Decker.

Remobiliser d’abord

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Dans ce cadre, un tapis d’analyse spatiotemporelle de la marche peut s’avérer particulièrement utile, « mais l’investissement est coûteux (autour de 50 000 €) et exige l’analyse d’un spécialiste », reconnaît Guillaume Duval. Plus classiques, les parcours de motricité dessinent aussi une voie préventive majeure.

Directrice de l’EHPAD Saint-Joseph de Marcillac (Aveyron, 65 résidents), Claire Bouloc abonde : « À défaut de disposer d’un soignant par résident pour proposer des déplacements sécurisés, nous avons ouvert trois ateliers hebdomadaires de remobilisation musculaire, selon le degré d’autonomie. » Animée par un kinésithérapeute libéral et un spécialiste de l’APA, cette activité est cofinancée par la Conférence des financeurs (partie « Bien-être et posture ») et affiche des résultats incontestables, notamment un mieux-être et une diminution de l’anxiété des déplacements pour 80 % des participants.

Le virtuel à la rescousse

Denis Abraham © DR

Directeur de l’innovation de l’IMT Grand Est, adhérent du living lab nancéen « Innov Autonomie », Denis Abraham loue de son côté les avancées des casques de réalité virtuelle : « En présence d’un thérapeute formé, les résidents, même les moins mobiles, exercent leurs fonctions motrices grâce à ces nouveaux outils dotés de capteurs délimitant le polygone de sustentation. Cette technologie, à l’appui de « serious games », renforce progressivement leurs équilibres sur des parcours virtuels qui leur permettent de surmonter la peur de chuter.

Des outils pertinents, donc, et qui plus est – à la portée de tous puisqu’un seul casque par établissement suffit, soit quelques centaines d’euros. » « Pour autant », tempère Chantale Dubé, directrice de trois EHPAD en Indre-et-Loire (300 résidents), « kiné classique ou mobilisation virtuelle, la plupart des résidents ne comprennent pas les exercices à réaliser… » Aussi la professionnelle mise-t-elle surtout « sur le matériel et l’organisation pour prévenir les chutes ou leur aggravation. »

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