Pauline Monteau, apôtre de la logistique durable

Directrice adjointe de la logistique, de la politique hôtelière et chargée de la transition écologique à l’AP-HM depuis le 2 janvier, Pauline Monteau, fraîchement émoulue de l’EHESP, reste à Marseille, après y avoir effectué son stage long. Elle a bien l’intention d’utiliser pleinement cette double casquette pour associer optimisation des fonctions soutien et développement durable au profit de l’établissement phocéen.

Il y a dix ans, alors qu’elle débutait des études en langues étrangères à la faculté de Limoges, Pauline Monteau n’imaginait pas un instant qu’elle deviendrait directrice d’hôpital. A l’époque, elle n’a d’ailleurs pas d’idée préconçue sur son futur. Plusieurs rencontres dessinent son destin et la poussent à tenter et à obtenir le concours commun aux IEP. Direction Strasbourg, pour un cursus droit et administration publique, avec un passage à l’université de Madrid. Il faut dire que Pauline Monteau avoue avoir un faible pour l’idiome cher à Cervantès. Et c’est sans doute en visitant le Prado qu’elle tombe sous le charme du « luministe » Joaquín Sorolla et de ses inoubliables chefs d’œuvre balnéaires.

Initiation aux joies des achats et de la logistique au CHU de Limoges

Grâce au bureau des stages de Sciences Po, elle découvre l’univers de la santé. « Je ne connaissais rien aux hôpitaux, ni à leur direction », admet-elle bien volontiers. L’apprentissage commence fort avec un stage, lors de l’été 2018, à la direction des achats, des équipements et de la politique hôtelière au CHU de Limoges, sous la houlette de Thierry Montourcy. « Trois mois riches », au cours desquels elle planche sur la mise en place de la fonction achat mutualisée et du PAAT dans un GHT de 18 établissements, et les prémisses de la refonte de la cuisine centrale associée au projet de passage à l’assiette en porcelaine (lire notre article du 3 novembre 2020). « Une démarche géniale étant donné la région », commente-t-elle.

Deux autres stages, le premier au sein du Centre de lutte contre le cancer de Strasbourg Paul Strauss puis du GCS ICANS auprès du DGA, Nicolas Salvi, en pleine période de crise sanitaire, et le pli est pris. Admise à la Classe préparatoire intégrée « égalité des chances », elle réussit dans la foulée le concours de DH (promotion Marie Marvingt). L’élève-directrice choisit alors la cité natale d’Edmond Rostand pour accomplir son stage long. « J’aime Marseille et j’avais envie de travailler pour cette Direction générale et cette grande maison », explique-t-elle.

La transition écologique au cœur de son stage long

Un retour aux premières amours : c’est la direction de la logistique, de la politique hôtelière et de la transition écologique qui l’accueille en son sein. « Une expérience incroyable puisque l’AP-HM dispose d’une belle plateforme logistique (rassemblant les magasins, la stérilisation, la blanchisserie et la restauration, NDR) exploitée dans le cadre d’un contrat de partenariat, qu’il faut suivre au quotidien ».

Sous la houlette et l’aide précieuse de Caroline Bouchareu, elle apprend et suit l’ensemble des projets, notamment le sujet du développement durable, un thème qui la passionne et est au cœur de ses activités. Elle a en effet la mission de consolider sa gouvernance à l’échelle de l’établissement, avec la mise en place de comités de pilotage (un central avec un pilotage composé d’un binôme médico-administratif, rassemblant toutes les fonctions supports associées et un au sein dans chaque site, regroupant au total plus de 70 professionnels très engagés).

Ne pas créer de frustration

Elle insiste sur la ligne de conduite qu’elle s’est choisie. « Il faut se montrer vigilant et ne pas créer de frustration avec la transition écologique, au contraire », prévient Pauline Monteau. Pour embarquer médecins et soignants, il faut donc donner la priorité à l’éco-conception des soins, principal poste d’émission de CO2, domaine sur lequel ils ont prise et qui a un impact réel et global sur la qualité et les conditions de vie au travail ainsi que de prise en charge. Autre précaution indispensable : ne pas plaquer sur les organisations une politique de développement durable de manière descendante et uniforme.

Elle illustre son propos avec la gestion des biodéchets dans les unités de soin. « Nous avons lancé une expérimentation au sein de différents services de l’AP-HM dont celui de médecine interne de la Timone et nous recueillons le retour des équipes. Installer des bio-seaux implique des manipulations et des trajets supplémentaires pour les AS et ASH. Si nous achetons ces matériels et que les équipes ne les utilisent pas ou le vivent comme une charge additionnelle, nous aurons raté l’opération. »

Transformation de la cuisine centrale

Autre chantier lié à la dimension responsable de la logistique, le plan de transformation (déployé jusqu’en 2025-2026) de la cuisine centrale, la marque. Initié par Caroline Bouchareu et travaillé par Laurent Rossi, il concerne tous les pans de la restauration : offre alimentaire (produits locaux et de saison, carte au choix, menus végétariens), lutte contre le gaspillage, sans oublier la disparition programmée du plastique. L’AP-HM est déjà repassé aux couverts en inox traités par une entreprise d’insertion (lire notre article du 22 décembre 2023).

Reste maintenant à trouver une solution de substitution aux barquettes plastique, polluantes et peu goûtées des patients. « Cette présentation annihile fréquemment le travail, la recherche et l’engagement professionnel des équipes, des diététiciennes aux cuisiniers, sur le goût et l’assaisonnement », constate Pauline Monteau qui précise que le GHT Hôpitaux de Provence a été retenu par la DGOS pour être pilote en 2024 sur l’expérimentation de réduction et de valorisation du plastique à usage unique.

Profiter de Cap 2030 pour interroger les processus logistiques

Passée du statut d’élève-directrice à celui de directrice-adjointe, elle veut continuer à labourer le sillon de la transition écologique, couplé avec l’optimisation des fonctions soutien. « L’AP-HM a lancé un projet de modernisation sans précédent baptisé Cap 2030, avec des projets de construction, de nombreux projets de travaux en sites occupés et des déplacements d’activité. Cette dynamique immobilière est pour la logistique une opportunité de s’interroger sur l’ensemble de ses processus. D’abord afin de répondre à la montée en charge des contraintes générées par la démarche de modernisation. Mais aussi pour optimiser de façon pérenne le service rendu une fois les bâtiments livrés. Je parle de la logistique d’étage, de l’optimisation des verticalités, des flux et bien sûr de la manière de délivrer, sur cinq sites, 12 000 repas chauds et de qualité sans engendrer une surcharge de travail pour les soignants ».

Sa double casquette sera utilisée pour scanner l’impact environnemental des activités de soutien, grosses consommatrices de ressources. Réaliser des analyses en cycle de vie, rechercher par exemple pour la blanchisserie des textiles moins gourmands en eau et en énergie. « Ce n’est pas antithétique avec un projet de modernisation classique, bien au contraire, nous en avons fait le fil conducteur du nôtre », assure-t-elle. « Cela permet d’établir un lien neuf avec les soignants. Et de voir, en se coordonnant, comment la logistique peut se mettre à leur service et à celle de la transition écologique ».

Ce planning chargé lui laissera-t-il le temps de se remettre à la danse classique, qu’elle a pratiquée pendant 12 ans ? Pauline Monteau espère, à Marseille, rechausser les pointes.  « La coordination collective d’un ballet et la création d’un tel sentiment d’harmonie est fascinante ». Un égrégore finalement aussi désirable sur scène qu’à l’hôpital.

 

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