Pierre Pelouzet : la fonction achat se trouve à un carrefour

Invité à commenter une enquête de l’Association des directeurs et responsables achats (ADRA), le Médiateur des entreprises est convaincu que la crise sanitaire fournit une opportunité extraordinaire à la fonction de franchir un nouveau palier, en achetant autrement de façon plus responsable.

© Ministère des Finances
Déjà auscultée par le CNA (voir notre édition du lundi), la fonction achats post Covid a fait l’objet d’une autre étude, menée cette fois par l’ADRA et le cabinet BuyYourWay, et opérée de manière quantitative auprès d’une soixantaine d’acheteurs puis qualitative auprès d’une vingtaine du même panel. Que ressort-il de cette étude à chaud ? Ce ne sera pas vraiment une surprise mais pour 64 % des personnes interrogées, la crise a bouleversé le vécu des acheteurs et de leurs chaînes d’approvisionnement.


Plus de collaboration avec les acteurs de la chaîne d’approvisionnement


La nécessité d’un plus grand dialogue avec les acteurs du processus achat est l’un des enseignements de l’épidémie. 64 % des questionnés affirment que la crise a renforcé la collaboration interne avec les autres directions. Et 61 % affirment qu’ils vont davantage travailler en lien avec les acteurs de leurs chaînes d’approvisionnement.  Pour le Médiateur des entreprises, lui-même ancien directeur des achats, notamment à la SNCF de 2007 à 2012, c’est une « merveilleuse leçon » : « paradoxalement, l’outil qui a fonctionné le mieux dans cette période de choc, c’est le dialogue ».


L’importance du numérique


66 % des répondants s’accordent à dire que les outils digitaux vont être beaucoup plus présent et importants dans le quotidien des acheteurs. Selon Pierre Pelouzet, la digitalisation a changé d’âme avec le Covid. « Avant le mois de mars, le digital était perçu comme un outil d’accélération des processus, de gain de temps et donc d’argent. La crise a montré que l’outil numérique servait à rapprocher les personnes, qu’il est avant tout un outil de dialogue. Si on oublie cette dimension, on va droit dans le mur. »


Le repositionnement de la fonction est également à l’ordre du jour. 65 % des répondants considèrent en effet que cette crise a permis /va permettre le repositionnement stratégique de la direction achats au sein de leur entreprise, en vue de lui donner plus de poids. Et 60 % considèrent que la période post Covid est une chance à saisir pour repenser la stratégie achat et la rendre plus responsable.


L’avenir ne passe pas par le moins-disant


Pour Pierre Pelouzet, la fonction achats, « perçue de manière caricaturale » comme un vecteur de réduction des coûts, est aujourd’hui à un carrefour.  « Elle va avoir une opportunité extraordinaire d’imposer ce qu’elle doit être, une fonction d’achat responsable, portant toutes les dimensions, sociale, sociétale, environnementale et économique », plaide le Médiateur, par ailleurs également président de l’Observatoire des achats responsables (Obsar).


Pierre Pelouzet appuie son propos avec un résultat de l’enquête :  82 % des professionnels qui ont mis en place une politique achats responsables pensent que celle-ci a facilité la gestion de la relations fournisseurs pendant la crise. Il espère que la leçon tirée de la crise sera la mort du moins-disant, avec la prise en compte du coût complet, de l’impact environnemental et des facteurs de risque. « Le Président de la République, le Premier ministre, tous portent le même discours. Il faut sécuriser l’ensemble de nos approvisionnements. Et cela ne peut pas passer par le moins-disant. »


Mais le Médiateur prévient que la fenêtre de tir sera éphémère. « C’est le moment de prendre ses responsabilités à bras le corps et de les assumer. Sans quoi, les choses reprendront leur cours ». Présidente de l’ADRA, Sylvie Noël partage cette analyse. « La nature humaine a une propension à oublier rapidement. On va vite revenir à la routine. » Néanmoins, la fonction achats ne pourra pas surfer seule sur « cette lame de fond ». Directions métiers et fournisseurs doivent s’associer au mouvement.  « C’est le collectif qui fera bouger les choses », estime-t-elle.
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