L’impact visible des achats « responsables » de la région Ile-de-France

Déjà à son troisième SPASER, la région Ile-de-France commence à en mesurer l’impact avec le recours à une agriculture de proximité, à l’intérim d’insertion,  au secteur du handicap, et à l’amorce de relocalisations industrielles. Prochain défi : l’impact carbone.

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« Le SPASER, c’est une dynamique ! » estime Marc Sauvage. Le directeur général adjoint de la Région Ile-de-France, en charge des achats, de la commande publique, du juridique et de l’immobilier met en œuvre le troisième schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) de la Région Île de France. Il porte sur la période 2022-2028 et s’appuie sur 900 millions euros d’achats publics annuels. Il succède au premier opus de 2015 et au deuxième de 2019.

Ordinateurs en classe de seconde

Cette dynamique, Marc Sauvage en saisit l’importance par exemple en matière de relocalisation industrielle, sujet difficile : « la Région équipe tous les lycéens de seconde, 150 000 par an, d’un ordinateur portable à chaque rentrée. Cela fait de nous un des premiers acheteurs d’ordinateurs en France. Bien sûr, nous avons inclus dans nos appels d’offres toutes les obligations notamment de recyclage, issues de la loi AGEC. Mais nous avons ajouté aux clauses d’exécution du contrat un plan de progrès dans la relocalisation de la fabrication en France ».

« Une possibilité à laquelle certains fournisseurs, en cours de sourcing, nous avaient dit être ouverts. 600 000 ordinateurs en quatre ans pouvaient donner à réfléchir. Les composants viendraient toujours d’Asie mais, à ce niveau de commande publique, des ensembliers pourraient envisager de rapatrier l’assemblage, en partie en France, voire dans l’idéal en Ile-de-France. Le surcoût de quelques dizaines d’euros sur des appareils achetés 300 ou 400 € pièce paraissent à notre portée. Nous pourrions donc avoir de bonnes nouvelles en cours de contrat », poursuit Marc Sauvage.

Acheter le plus possible aux entreprises de l’ESS

Au fil de ses SPASER, la Région Ile-de-France a enclenché d’autres dynamiques incertaines au départ. « Le SPASER est un très bel outil de portage et de promotion de politiques vertueuses en interne comme en externe », analyse Marc Sauvage. Au conseil régional, il est, de plus, porté par une élue, Sylvie Mariaud, également vice-présidente à l’économie sociale et solidaire (ESS).

Marc Sauvage

La collectivité a déployé beaucoup d’efforts en direction de ces fournisseurs-là, simplifiant les procédures, allotissant les marchés, organisant des salons et systématisant son sourcing auprès d’eux. « Notre volonté d’acheter le plus possible à l’ESS est très claire. Nous sommes devenus visibles dans ce secteur. Il est très mouvant et rempli de potentiels que nous n’avons pas fini d’explorer quand nous constatons que certaines entreprises de l’ESS ont de gros clients industriels et travaillent parfois à l’international », note Marc Sauvage.

Intérim d’insertion dans les lycées

En matière d’insertion, la performance de la Région s’appuie sur le travail accompli depuis son premier SPASER. Elle s’est illustrée par des marchés remarquables au moment du Covid. Celui du remplacement des personnels de cuisine, de ménage et d’entretien des lycées (8000 personnes en Île de France), tombés malades. La Région est passée par des sociétés d’intérim spécialisées dans l’emploi de personnes en réinsertion sociale. Des sociétés comme Janus intérim et Vitamine T ont parfaitement répondu à la demande. Cela a débouché pour les personnes concernées sur des contrats pérennes.

Autre exemple, la Région a mis en place une mutuelle de santé régionale, en contrat avec quatre mutuelles privées. Pour aider les Franciliens à comparer les offres des mutuelles, elle a ouvert un n° vert. Elle a fait appel à des entreprises spécialisées dans l’emploi de personnes handicapées pour répondre aux questions. Et elle se félicite de la qualité de la prestation obtenue.

Le secteur du handicap sollicité

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De la même façon, la Région a passé un marché au secteur adapté pour instruire les dossiers de l’aide qu’elle a proposé à l’achat d’un convertisseur des voitures au bioéthanol. Il s’agissait de vérifier les critères d’obtention, de rassembler auprès des demandeurs les pièces demandées : RIB, permis de conduire, la carte grise, etc. « S’il reste encore parfois des réticences chez nos collègues prescripteurs, la qualité des prestations est de plus en plus professionnelle. C’est à nous de les convaincre. Nous organisons des rencontres pour y parvenir. »

La réussite repose aussi sur la structuration des fournisseurs. L’une des plus grandes réussites des SPASER de la Région est la fourniture de la cantine de tous ses lycées (474) par des producteurs locaux. En épicerie, produits laitiers, œufs fruits, légumes, viande à 50 % bio, en 2024, objectif supérieur aux exigences de la loi Egalim. C’est passé par la centrale d’achat des acheteurs publics de la Région, par des allotissements fins dans les marchés. Par des critères sur le carbone aussi dans le transport des marchandises, comme la région le pratique pour le transport des élèves.

Impact carbone : recueillir les données

Le carbone est le grand chantier des années qui viennent. Car dans ce domaine, la Région se trouve en terre de mission auprès de ses fournisseurs. Elle achète à 90 % local et beaucoup à des PME et des TPE. Et si, par exemple dans la construction, les Eiffage, Bouygues et Vinci estiment leur impact carbone, ce n’est pas le cas des petites structures. Elles connaissent mal leurs flottes de camions, leurs tournées, le nombre de g de CO2 émis par km.

La Région a rencontré des difficultés à attribuer beaucoup de marchés sur ces critères. « L’enjeu est de professionnaliser les filières à ce sujet et d’en arriver à un schéma où chaque opérateur puisse faire remonter au maître d’ouvrage son bilan carbone pour consolidation. C’est aussi un sujet d’open data et de collecte de ces données », explique Marc Sauvage. La place grandissante des critères environnementaux dans les appels d’offres, imposée par la loi, aidera. A cet égard, Marc Sauvage considère qu’ils devront progressivement prendre une plus grande part que les 5 à 10 % des notes attribuées d’aujourd’hui.

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