Label RFAR : pourquoi il faut tenter sa chance

De nombreux acheteurs se font une montagne de la labellisation « relations fournisseurs et achats responsables » (RFAR). Mais si la démarche implique un important travail collectif et la présentation d’un dossier évalué par un organisme tiers, elle n’a pas vocation à sélectionner uniquement les meilleurs élèves, et cherche surtout à faire progresser la maturité de la fonction achats.

« Beaucoup d’organisations se mettent la pression et attendent d’être au taquet pour candidater. Elles se brident », reconnaît Laurent Denoux, chargé du sujet « label » à la Médiation des entreprises . Ce qui explique, en partie, que le label RFAR n’ait été attribué qu’à une soixantaine de structures privées et publiques (lire notre article du 14 octobre 2021), même si le nombre de postulants est à la hausse.

« L’objectif n’est pas d’accompagner les acheteurs déjà exemplaires, mais ceux qui vont monter en maturité grâce au référentiel et aux actions menées », insiste Laurent Denoux qui cherche à rassurer : « ce n’est pas un audit de certification ». Avant d’ajouter : « mais c’est toutefois un label adossé à la norme Iso 20400. Il faut donc se donner les moyens de l’obtenir ».

Evaluation par un organisme tiers

L’obtention du label, délivré par la Médiation et le Conseil national des achats, suit un processus normé. Le candidat doit d’abord remplir un questionnaire – environ 150 items – portant sur 15 critères (alignement de la politique d’achat avec les objectifs RSE fixés par la direction, égalité de traitement des fournisseurs, préparation d’une stratégie de sourcing responsable, intégration de spécifications RSE dans les cahiers des charges, appréciation de l’ensemble des coûts du cycle de vie, contribution au développement du territoire…). Avec trois angles pour chacun des critères : l’engagement, les pratiques et le pilotage. Une première étape déjà éclairante. « Cela permet de réfléchir, d’avancer et de s’améliorer », témoigne Franck Perrin, coordonnateur des achats responsables au Resah, première structure du secteur de la santé à avoir décroché le label en janvier 2022.

Marie-Christine Stachetti

Les réponses apportées sont analysées par un évaluateur tiers. « On observe régulièrement que les candidats ont le sentiment, au fur et à mesure du questionnaire, de se répéter. Ils ont tendance à ne plus aller dans le détail. Avec un risque, celui d’être incité à revoir la copie », pointe Marie-Christine Stachetti (cabinet Effersens) évaluatrice agréée et ancienne responsable des achats (TF1, Bouygues Telecom, Plastic Omnium…). Une fois cette phase documentaire finalisée, l’évaluateur réalise un audit sur site chez le candidat. Une visite qui dure, en général, entre un et deux jours.

Saisir la sincérité de la démarche

« Le questionnaire restent déclaratif, le rôle de l’évaluateur est ensuite de recueillir des informations complémentaires, notamment en data room, et de saisir ainsi la sincérité de sa démarche », poursuit Marie-Christine Stachetti. Le dossier est passé en revue, question par question. « C’est un moment très important parce qu’il s’agit de l’aboutissement de toute une démarche. Ce n’est pas toujours simple d’écrire tout ce qui a été fait depuis des mois ou des années ».

Cherchant à lever les incertitudes, l’évaluateur pourra signaler certains manques et demander des éléments à l’appui des déclarations. Cette phase d’audit déclenche souvent du stress. « En ce qui me concerne, j’essaie de mettre le candidat à l’aise lors de l’examen des premiers critères (1.1, 1.2 et 1.3) qui sont essentiels car ils constituent le fondement de la démarche. »

L’importance des plans d’actions

Laurent Denoux © A.Salesse

Un pré-rapport d’audit est ensuite communiqué au postulant et donne lieu à des échanges, avec la possibilité d’intégrer des mesures correctives immédiates et permettant la levée de réserves éventuelles de l’évaluateur. Puis vient l’heure du rapport final que le candidat doit transmettre au comité d’évaluation, accompagné d’un plan d’actions pluriannuel. « Nous recherchons dans ce document ce que la structure a prévu pour progresser », indique Laurent Denoux.

« S’agissant par exemple des délais de paiement, on ne s’arrête pas à la seule moyenne. On cherche à connaître le pourcentage de factures arrivés en retard pour lesquelles il y a un litige, et savoir ce que le candidat mettra en place pour réduire ce taux. » Il arrive donc régulièrement que le comité demande des précisions. L’attribution du label ne permet pas de se reposer sur ses lauriers. Le sésame n’est accordé que pour trois ans. Et une évaluation annuelle est réalisée sur les questions majeures. « C’est un effort soutenu, proche d’une démarche d’amélioration continue », résume Laurent Denoux.

L’impératif soutien de la hiérarchie

On l’aura compris, la labellisation implique un investissement, notamment humain. Le sujet le plus chronophage reste la collecte des éléments probants qu’il s’agit de trouver et de rassembler. Labellisé en janvier dernier, le Resah a commencé à plancher en 2020. L’intercom de Bernay Terres de Normandie (Eure), dont le dossier a été validé en février, avait aussi débuté le travail il y a deux ans, avant de mettre le sujet entre parenthèses à cause du coronavirus. En juillet, elle s’est remise à l’ouvrage. « J’ai consacré 80 % de mon temps au montage du dossier pendant six mois », estime Julie Martel, responsable des achats de l’intercommunalité. Bernay Normandie a choisi de se faire aider par un cabinet-conseil qui lui a apporté une aide méthodologique.

Franck Perrin

Dans les deux cas de figure, les décideurs ont été moteurs. « C’était une volonté de la gouvernance, afin de valoriser toutes les actions déjà mises en place, clauses d’insertion, lots réservés pour les entreprises adaptées, clauses environnementales, actions menées en direction des entreprises du territoire… » poursuit l’acheteuse territoriale. « Cette démarche bouleverse les habitudes de travail et exige beaucoup de discipline. Elle nécessite un travail transversal que la direction des achats ne peut porter seule, et donc un appui sans failles de la direction générale », confirme Franck Perrin qui a coordonné le montage du dossier au Resah : « un choix contraint finira par un abandon. Il est indispensable que l’établissement cherche atteindre un objectif, on ne s’engage pas dans cette démarche pour faire beau ».

Le jeu en vaut la chandelle

Les deux structures fraîchement labellisées ne regrettent rien. Au Resah, la démarche a permis par exemple de mettre l’accent sur l’analyse des risques RSE et de renforcer le sourcing. « Cela a incité les acheteurs à encore plus aller chercher des pépites », illustre Franck Perrin. « Le Label apporte un référentiel qui va faire travailler ensemble la RSE et les achats. Il va développer les opportunités d’innovation et sans doute élargir le panel des entreprises du territoire candidates aux marchés », assure de son côté Julie Martel. « La démarche est un processus d’avenir. Elle va permettre d’aller rechercher une performance supplémentaire, alors que les techniques habituelles sont à bout de souffle. Elle assainit également les relations avec les fournisseurs, en soulignant qu’acheteur et prestataire sont essentiels l’un pour l’autre », conclut Franck Perrin.

Pour en savoir plus sur le label RFAR

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