Sans plastique : la restauration hospitalière au pied du mur

La fin programmée du plastique et du contenant à usage unique commence à inquiéter les responsables des restaurations hospitalières. Retour de l’inox et de la plonge, manipulations et TMS, raccourcissement des DLC… Les professionnels alertent sur les besoins de réorganisation et de reconfiguration de leurs cuisines.

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Sa participation aux travaux ministériels, l’Union des Ingénieurs Hospitaliers en Restauration (UDIHR) l’a examinée, cette année, dès ses journées professionnelles, début juin à Vannes plutôt de qu’attendre une assemblée générale. « Parce que la réduction du plastique y tient une large part et que l’UDIHR souhaite se positionner sur ce sujet, indique Geneviève Pressé, responsable restauration du GHU Henri Mondor à l’APHP et chargée de la RSE à l’UDIHR. Et parce qu’il nous semblait essentiel d’informer les ingénieurs hospitaliers, très concernés par les impacts de la réglementation sur l’évolution de leurs pratiques dans la confection la distribution des repas. »

Retour aux bacs inox et à la « plonge »

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« Attention aux contraintes nées du fait de ne disposer que d’aliments industriels et cuits sous vide ! Attention aux établissements ne pouvant pas mettre en place de filière de réemploi de leur matériel ! Attention quand leurs patients sont immunodéprimés », a expliqué l’UDIHR à la direction générale de la santé (DGS) qui prépare les dérogations à l’interdiction du plastique au 1er janvier 2025 dans les établissements accueillant des femmes enceintes et des bébés jusqu’à six mois.

L’UDIHR participe aussi au lancement, depuis novembre dernier, des expériences de réduction à grande échelle des déchets alimentaires et du plastique à usage unique par la Direction générale d’organisation des soins (DGOS). Et au travail de la direction de l’alimentation (DGAL) du ministère de l’agriculture sur la fin du plastique dans la restauration collective. Ainsi que, depuis mai, à la planification écologique du système de santé

L’abandon des barquettes en plastique operculée et le retour aux assiettes en « faïence » ne va pas toucher tous les établissements. Certains ne s’y sont jamais mis. Le CHU de Lille en est un exemple emblématique : service resté à l’assiette et 12 personnes aux cuisines toujours employées au lavage de la vaisselle. Mais on estime que les trois quarts d’entre eux vont avoir à revenir, de ce fait, en cuisine, au bac inox et à la « plonge ».

Montage des assiettes à froid

A Vannes, devant, les congressistes de l’UDIHR, Aurélien De Wolf, dirigeant de Créacept, bureau d’étude spécialisé dans la conception des cuisines collectives, en a précisé les enjeux.  Le premier est la réorganisation de la chaîne de production des repas au moment de leur conditionnement. « La préparation des barquettes préparées à chaud, puis refroidies, stockées et réchauffées dans les chariots au moment de la distribution va être, dans la plupart des cas, remplacée par un dressage de l’assiette à froid, plus tardivement, à partir de composantes chaudes, refroidies et stockées à froid, en bacs inox. Les assiettes sont ensuite transportées et réchauffées dans les chariots avant d’être distribuées. Ce process va réintroduire une gestion de stocks de vaisselle et de bacs en inox. Leur lavage. On n’échappe pas, de ce fait, à une réorganisation des surfaces, voire la nécessité d’agrandir », indique Aurélien De Wolf. Certaines cuisines sont aussi parfois surdimensionnées ou mal agencées.

Espaces et TMS

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La réglementation demande différents espaces de stockage : en dessous de zéro pour la viande, pour le beurre, les œufs, les fromages, pour les surgelés ; au-dessus pour les fruits et légumes, pour les produits de 4ème, 5ème, 6ème gamme. « On gagne de la place par exemple en abattant des murs et en construisant seulement deux réserves au lieu de cinq ou six, l’une à température positive, l’autre à température négative. Cela permet d’avoir une meilleure visibilité globale sur les stocks, tout en respectant la réglementation. Les moyens techniques à disposition permettent largement de sécuriser la chaîne du froid. On peut aussi réapprovisionner plus souvent, trois fois par semaine au lieu d’une pour limiter la surface de stockage indispensable », suggère Aurélien De Wolf.

Avec la réintroduction des bacs en inox se pose, plus qu’autrefois, la question de leur sécurisation biologique. Grâce à des couvercles dotés de valves pour les rendre hermétiques.  Avec leur stockage, comme celui de la vaisselle, surgissent de nouvelles questions de manipulation de charge auxquels des outils de levage, à des points stratégiques apportent éventuellement des solutions. Les TMS (troubles musculosquelettiques) restent une hantise des cuisines.

DLC plus courte

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La récupération, pas seulement du plateau et éventuellement des couverts, mais aussi des assiettes, la grande, la petite -ou le ramequin- voire des verres (souvent gérés par les services soignants au-mêmes) puis le lavage peut conduire à envisager d’installer des chaînes de lavages automatiques qui peuvent être complexes mais éviter d’y consacrer du personnel. De plus en plus de prestataires extérieurs proposent aussi leurs services de lavage.  Tout cela est à réexaminer et à optimiser en fonction d’abord de l’offre alimentaire, puis de l’organisation logistique autour. Et se traduire par un plan d’investissement.

« Bien souvent, l’impact d’une transition vers le sans-plastique sur les organisations du travail nécessite, pour les établissements, de se doter d’un plan de transformation global », constate Geneviève Pressé. Conséquence fortuite, le retour au réutilisable est souvent synonyme de raccourcissement des dates limites de consommation (DLC). Les établissements qui en pratiquent de très longues, grâce au plastique, les diminuent. Et confectionnent des assiettes de meilleure qualité en allant chercher leurs ingrédients moins loin.

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