La difficile réduction des déchets médicamenteux aux Pays-Bas

Tous les ans, environ 417 millions d’emballages pharmaceutiques sont mis sur le marché aux Pays-Bas et 190 tonnes de résidus de médicaments se retrouvent chaque année dans l’environnement. Une goutte d’eau pour l’industrie pharmaceutique, mais un enjeu majeur pour le système de santé de ce « petit » pays de 17,5 millions d’habitants.

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Tous les ans, environ 417 millions d’emballages sont mis sur le marché chaque année aux Pays-Bas : 260 millions d’emballages de médicaments délivrés sur ordonnance et 157 millions d’emballages de produits en accès libre. Ils protègent les médicaments contre les influences extérieures, telles que la lumière, l’humidité et la température et permettent de les transporter, de les doser facilement, de les suivre et de les tracer.

Même si les contraintes sont nombreuses, de la sécurité des patients à la garantie de l’intégrité du produit, la réduction des déchets passe par un travail sur les emballages : utilisation de matières biodégradables, travail sur les quantités et qualité des plastiques et cartons utilisés…

Un enjeu transnational

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Un consortium néerlandais regroupant l’association Innovatieve Geneesmiddelen, les entreprises Bogin et Neprofarm et la Société royale néerlandaise des pharmaciens (KNMP) a publié un guide pour des emballages plus durables qui met en évidence quatre domaines d’action : la prévention, la réduction des usages, le recyclage et le choix des matériaux.

Pour Annelies de Lange, pharmacienne responsable du développement durable au sein de l’association Innovatieve Geneesmiddelen, les marges d’action du système de santé néerlandais sont réduites dans la mesure où la plupart des médicaments consommés dans le pays (et donc leurs emballages) sont produits hors du territoire, en Asie ou en Europe de l’Est.

Il est possible d’avoir quelques exigences lors de l’adaptation des emballages au marché néerlandophone, comme la dématérialisation de certaines notices d’utilisation qui deviennent accessibles grâce à un QR code. Mais les leviers réellement disponibles à l’échelle du pays portent sur la collecte des emballages et le recyclage.

Miser sur les acteurs locaux pour un meilleur tri et recyclage

La pharmacienne explique que les actions qui ont le plus d’impact se situent en aval de la consommation. L’initiative MediSchoon s’est engagée depuis les années 2020 dans une vaste campagne de sensibilisation sur les déchets médicamenteux. Elle fait le lien entre municipalités, pharmacies et transformateurs de déchets. Les municipalités néerlandaises ont un intérêt à agir sur le recyclage des emballages de médicaments car elles payent une taxe sur les différents types de déchets produits dans leur ville, taxe qui peut être réduite si un tri pertinent est réalisé. Des bacs ont été installés dans les pharmacies pour récupérer les emballages et des médicaments non consommés.

Annelies de Langes souligne également l’implication des hôpitaux, comme le Centre Médical Erasmus à Rotterdam. Son équipe de pharmaciens est proactive pour améliorer le tri des 13 types de plastiques de la filière de déchets médicamenteux et travaille sur le sujet avec les équipes de soins. Ce CHU a aussi collaboré avec Merck sur une étude pilote concernant le recyclage du verre, l’un des flux de déchets hospitaliers qui finit généralement dans une décharge (cf. schéma  source : Biotech & Life Sciences News, novembre 2022).

Cette étude décrit trois scénarios circulaires pour le verre : la réutilisation, le recyclage en boucle fermée et le recyclage en boucle ouverte. Dans le recyclage en boucle ouverte, les bouteilles sont collectées, nettoyées et recyclées pour être utilisées à d’autres fins. Le recyclage en boucle fermée apporte le matériau collecté en tant que matière première dans le processus de production de produits pharmaceutiques. En cas de réutilisation, les bouteilles en verre sont collectées, triées, nettoyées et vérifiées pour leur qualité avant d’être remplies à nouveau avec un médicament. Les trois options présentent des intérêts environnementaux mais aussi des limites liées aux contraintes réglementaires qui protègent la sécurité des médicaments.

Les établissements de santé et médico-sociaux face au challenge de la pollution des eaux

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Au-delà des emballages, se pose la question de la pollution de l’eau. « Les résidus de médicaments dans l’eau sont un problème actuel et urgent. Les analgésiques causent des dommages aux tissus des poissons et les contraceptifs provoquent chez eux un changement de sexe. En outre, les résidus de médicaments compliquent la préparation de l’eau potable », déclare Tom Vereijken, l’initiateur de MediSchoon.

Aux Pays-Bas, on estime qu’au moins 140 tonnes de résidus de médicaments (à l’exclusion des métabolites et des agents de contraste radiologiques) sont déversées chaque année dans les eaux de surface par le biais du système d’égouts et de traitement des eaux usées. La principale source est le corps humain (environ 95 % des médicaments émis).

Les hôpitaux et les EHPAD sont à l’origine jusqu’à 10 % de la charge médicamenteuse dans les influents des stations d’épuration, contre 90 % pour les patients à domicile. Entreprise néerlandaise, Pharmafilter a créé un système de filtration des eaux usées qui élimine toutes les substances médicales (résiduelles), y compris les agents de contraste et les bactéries (multi-) résistantes.

L’eau est suffisamment propre pour être réutilisée, par exemple pour les toilettes avec chasse et peut même être rejetée directement dans les eaux de surface. Ces stations de traitement des eaux usées ont été installées dans de nombreux hôpitaux néerlandais.

 

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