Joseph Ramos (HANDECO) : Et si le travailleur handicapé s’occupait de notre santé ?

La 7e édition des HandiFormelles arrive à grands pas. Alors qu’elle accueillera à Paris le 10 octobre plus de 400 participants, Joseph Ramos, délégué général de HANDECO, réseau au service des achats inclusifs et du développement économique à l’origine de la manifestation, nous donne son sentiment sur l’évolution de l’achat public responsable et lève légèrement le voile sur le lancement d’une filière santé handicap.

achat-logistique.info  : En juillet, les deux principales têtes de réseau nationales du secteur du handicap, HANDECO et le réseau Gesat, ont annoncé la mise en place d’un rapprochement. Où en est-on ?

Joseph Ramos : « Cette orientation a été validée par nos deux conseils d’administration en juin dernier. Le travail est en cours. Nous n’en sommes qu’au tout début. L’horizon, c’est 2024. L’objectif, à terme, est d’arriver à une offre de services unique, un périmètre élargi, et une expertise renforcée. Nous serons plus fort ensemble, avec des compétences mutualisées »

achat-logistique.info  :  Le cadre juridique pousse les acheteurs publics à intégrer de plus en plus le développement durable dans toutes ses dimensions. Quel est votre sentiment ? Progresse-t-on suffisamment vite ?

Joseph Ramos : « Je trouve que la situation évolue positivement pour plusieurs raisons. D’abord le secteur du Handicap s’est largement professionnalisé. L’offre de service est viable, de qualité, souvent innovante. Ensuite la réglementation de la commande publique, le PNAD et les SPASER vont dans le bon sens.  Les Spaser – nous sommes d’ailleurs sollicités pour aider à leur rédaction concernant la partie sociale – incitent les personnes publiques à s’engager par écrit. Les acheteurs publics vont être regardés de près. Il sera plus facile de voir s’ils ont atteint les objectifs qu’ils se sont fixés. Pour autant, les marchés publics continuent d’être considérés comme complexes par le secteur du Handicap qui a grandi dans une culture du gré à gré. C’est pour cela que nos réseaux accompagnent les personnes publiques. »

achat-logistique.info  :  Cependant, on a l’impression que l’accent est surtout mis sur la partie écologique. Il y a par exemple un décalage entre les objectifs posés par le PNAD pour les considérations environnementales et sociales.

Joseph Ramos : « Oui, en effet, le sujet décarbonation prend le pas sur le sujet social. Néanmoins, le développement de la RSE est, pour nous, un levier essentiel pour évoquer le social. Mais il faut être conscient du chemin à parcourir. Lors des HandiFormelles, les résultats du 2e baromètre 360°, réalisé avec le groupe Malakoff Humanis, l’institut de sondage Opinion Way, en partenariat avec l’association h’up entrepreneurs, seront rendus publics. Parmi les résultats, 25 % des entreprises interrogées ne connaissent même pas l’acronyme ESAT ou EA ! Cela montre où nous en sommes, encore aujourd’hui ! Il reste encore du chemin à parcourir ! Comparés à cela, les 30 % de considérations sociales attendus par le Plan national des achats durables d’ici 2025 sont donc un atout. »

achat-logistique.info  : Quels sont les freins à la contractualisation avec le secteur du handicap ? La méconnaissance de l’étendue des services proposés ?

Joseph Ramos : « Oui. Le sourcing est important. S’agissant de certaines prestations, nous n’aurions jamais imaginé qu’un fournisseur du Secteur puisse être en capacité d’y répondre. Il faut casser les idées reçues et continuer à sensibiliser sur l’offre de services, sur l’agilité des EA, ESAT et des travailleurs handicapés indépendants. C’est aussi l’objectif de la création de la filière santé handicap qui sera lancée et présentée le 10 octobre. »

achat-logistique.info : En quoi consistera-t-elle ?

Joseph Ramos : « Il s’agit d’une offre de services, qui devrait représenter entre 150 et 200 fournisseurs à l’échelle nationale. Nous avons fait un mapping des produits (dispositifs médicaux, produits d’hygiène, parapharmacie…) et des services (gestion des déchets, blanchisserie RABC, bionettoyage…). Nous allons proposer un vrai panorama pour permettre aux acheteurs d’identifier rapidement les fournisseurs potentiels. De quoi casser les clichés : un groupement de 12 ESAT en Ile-de-France a par exemple conditionné 50 millions d’autotest Covid pendant la crise. Il ne s’agit pas simplement d’identifier les prestataires mais également de les aider à aller plus loin s’ils le souhaitent.

On va se donner quinze mois jusqu’à fin 2024, car il faut aller chercher des moyens afin de communiquer, avec peut-être des campagnes très ciblées au démarrage et pourquoi pas un événementiel. Je suis confiant : les organisations professionnelles comme le SNITEM, les trois centrales d’achat publiques ont participé au groupe de travail qui a permis d’aboutir à cette 1ère offre de services. Il y a des choses à faire, particulièrement dans ce contexte de relocalisation et de réindustrialisation. Et si le travailleur handicapé s’occupait de notre santé ? C’est notre accroche et elle est belle. »

achat-logistique.info : La bonne méthode, côté acheteurs, serait-elle de commencer avec une commande de petit montant pour se rassurer ?

Joseph Ramos : « Il est essentiel d’établir un lien de confiance. Notre job, c’est de sécuriser les achats, quel que soit le montant. Même s’il est minime, c’est important de le réussir parce qu’il va permettre de convaincre en interne. En surfant sur cette réussite, l’acheteur pourra confier une partie plus importante du marché à une structure du secteur du Handicap, puis sa totalité trois ans plus tard. Il faut parvenir à déclencher un réflexe. Il est indispensable de continuer à accompagner ce processus afin de permettre aux acheteurs d’acheter mieux et plus.  L’autre point important, c’est que l’acheteur n’est pas seul. Il est nécessaire d’embarquer le top management et les directions métiers qui ont l’habitude de travailler avec certains fournisseurs. Et ce n’est pas simple de les faire changer. »

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