Grand Lyon : la méthode douce pour faire avancer l’égalité F/H

Peu d’acheteurs ont résolu l’équation égalité entre les sexes + commande publique. Encouragée par le schéma de promotion des achats responsables adopté par la Métropole de Lyon, la délégation opérationnelle gestion et exploitation de l’espace public (DGEEP) a choisi la manière douce pour inciter les entreprises à féminiser le personnel chargé d’exécuter ses contrats. En expérimentant une formule sous-critère et plan de progrès dans plusieurs marchés.

© Epictura

Favoriser l’égalité des sexes grâce aux marchés publics ? Rendue possible par l’évolution des textes, la question, qui a récemment fait l’objet d’un recueil pratique publié par le GIP Maximilien et le centre Hubertine Auclert (lire notre article du 26 septembre 2023) est pourtant rarement abordée par les pouvoirs adjudicateurs. Lesquels concentrent leurs efforts, en matière de commande publique socialement responsable, sur l’insertion de clauses de retour à l’emploi.

Un axe de travail retenu par le SPAR

Parmi les quelques acheteurs avant-gardistes, on retrouve la Métropole de Lyon. Approuvé en 2021 et actualisé l’année dernière, son schéma de promotion des achats responsables (SPAR), coconstruit avec l’ensemble des services et les acteurs du territoire, retient, dans les axes de travail, la promotion de l’égalité femme/homme. Comme l’organisation des achats de la métro rhodanienne est décentralisée, la délégation opérationnelle « gestion & exploitation de l’espace public » (DGEEP), chargée entre autres de l’entretien de la voirie, décide de passer à l’acte.

« Nous avons cherché des terrains d’application, acceptables et soutenables par le milieu économique concerné. Et nous avons commencé par identifier les marchés qui pourraient se prêter à cet enjeu », entame Joël Sérafini, coordonnateur de la fonction achat au sein de la direction ressources de la DGEEP.

Premier banc d’essai avec le prêt de vélos reconditionnés

Au printemps 2021, l’appel d’offres lié à l’achat de 10 000 vélos destinés à être prêtés aux étudiants et aux jeunes de moins de 25 ans en recherche d’emploi ouvre le bal. La proportion de femmes affectée à l’exécution du contrat est l’un des éléments d’appréciation d’un sous-critère « encadrement technique et recrutement ». À l’époque, l’initiative passe un peu inaperçue car l’accent est surtout mis sur les caractéristiques du matériel, des cycles reconditionnés par des entreprises d’insertion.

© Métropole de Lyon

Deux ans plus tard, c’est au tour de l’appel d’offres relatif à la propreté des berges du Rhône d’intégrer un dispositif particulier. Le sourcing met en lumière le caractère presqu’exclusivement masculin du nettoiement à ciel ouvert. « La part des femmes est marginale, peut-être 2 % », éclaire Joël Sérafini. Les échanges avec la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDTES) incitent la Métropole de Lyon à emprunter de nouveau la voie de la « féminisation » du personnel affecté à l’exécution du marché. Et à mettre de côté d’autres vecteurs, comme, par exemple l’égalité salariale, très compliquée à appréhender.

Sous-critère pondéré à 10 %

Cette fois, le sous-critère, pondéré à 10 %, porte entièrement sur la « pertinence des mesures permettant de favoriser l’accès des publics féminins aux prestations dans le cadre de l’exécution ». « En dehors de l’obligation de reprise du personnel », explicite Joël Sérafini. Le RC donne des pistes aux candidats : adaptation des horaires de travail pour les concilier avec les contraintes de la vie personnelle, promotion des métiers du nettoiement auprès des femmes, mise en réseau avec des structures agissant en faveur des femmes en situation de recherche d’emploi, formation de l’encadrement et des équipes aux enjeux du recrutement féminin…

Le CCAP comprend une clause de progrès destinée à faire le point sur les actions engagées tout au long du contrat. Bref, la collectivité retient volontairement la manière douce, cherchant à inciter les entreprises, d’ailleurs plutôt volontaires, à faire mieux. « Nous avons choisi de ne pas fixer d’objectifs chiffrés. Mais on a eu la bonne surprise de voir un candidat s’en donner lui-même. Et nous avons également écarté l’idée d’assortir le plan de progrès de pénalités », commente le coordonnateur des achats.

Mesurer ce qui est acceptable pour les entreprises

À l’occasion de deux autres consultations publiées l’automne dernier, le Grand Lyon reprend peu ou prou la formule.  Un sous-critère à la rédaction presque similaire est intégré à un marché de travaux d’entretien de voirie. « Nous avons été plus précis puisque le candidat devait indiquer, dans son mémoire, les actions qu’il envisageait pour promouvoir auprès des femmes les métiers des travaux de voirie, en éliminant le périmètre administratif. » La pertinence des mesures « permettant de favoriser la mixité des métiers pour la représentation des publics féminins aux prestations dans le cadre de l’exécution » figure également comme sous-critère d’un marché de recours à du personnel intérimaire pour la collecte des déchets et du nettoiement.

« Nous n’avons pas la prétention de dire que nous avons mis au point un système magique. On cherche des voies en toute modestie et humilité », tient à souligner Joël Sérafini qui accepte néanmoins de livrer quelques conseils, à l’aune de son expérience. Le coordonnateur des achats insiste d’emblée, lorsque cela s’avère possible, sur le sourcing, « afin de mesurer ce qui est acceptable par les opérateurs économiques et éviter de perdre des candidats en route ». Deuzio : ne pas s’emballer. « Il faut prendre le temps d’examiner le sujet, de comprendre les enjeux, secteur par secteur, en récupérant des études et en s’entourant d’experts, et de bien faire le diagnostic. »

Un soutien politique et managérial indispensable

Marie Garde et Joël Sérafini

Tertio : rester mesuré, écouter les parties prenantes. Toutes les actions sont le fruit d’une collaboration avec l’ensemble des équipes achats de la délégation, à l’instar de Marie Garde pour le marché Berges du Rhône (voir photo ci-contre), avec les prescripteurs des métiers concernés, sans oublier l’unité marchés de la DGEEP. « Il faut faire preuve d’engagement, mais aussi de pondération et de diplomatie », synthétise Joël Sérafini.

Quatrième recommandation : ne pas copier-coller. La Métropole a par exemple modulé la pondération du sous-critère en fonction de l’objet des marchés (de 2 à 10 %) « Il faut faire du sur-mesure, en fonction des remarques des prescripteurs et des acteurs économiques », insiste-t-il. Et, au fur et à mesure des consultations, affiner les pistes d’amélioration possibles.

Il faut aussi étalonner les efforts des attributaires. « Dans tous les plans de progrès est inscrite l’obligation pour le titulaire de rendre compte chaque année, via un bilan, des actions menées et des résultats qui donnent lieu à échange ».  Last but not least, disposer d’un soutien politique et managérial. « J’ai pu convaincre des collègues en m’appuyant sur la volonté de notre déléguée et directrice générale adjointe, Catherine David, et de notre directeur ressources, Daniel Badoil, de porter la démarche », témoigne Joël Sérafini.

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