De l’IA pour repérer les fractures à la clinique d’Estrée de Stains

Après bien d’autres, la Clinique d’Estrée (groupe Elsan) à Stains adopte en radiologie un logiciel de détection des fractures s’appuyant sur l’intelligence artificielle. Qui rend le travail des urgentistes plus rapide et plus confortable.

© Gleamer

« Quand le logiciel dit que tout est normal, il n’y a plus aucun intérêt à passer 10 secondes de plus sur la radio ! » Pour le docteur Salim Benabadji, radiologue, voilà le grand progrès dont il dispose depuis le 1er décembre dernier à la clinique d’Estrée à Stains en Seine-Saint-Denis.

Ce logiciel de lecture de radiographies traumatiques, appelé Boneview, est une création d’Incepto, société d’intelligence artificielle médicale née en 2018 à Rennes, basée aujourd’hui à Paris qui se développe à l’échelon européen. Elle propose une plateforme de logiciels d’assistance en imagerie.

La traumatologie a été sa première spécialité. Fin 2021, c’était une aide à la lecture des IRM du genou. Mais elle travaille aussi sur les AVC, en oncologie sur les radios du poumon et du sein, de la prostate. Boneview est déjà utilisé dans plusieurs centaines d’établissements en France et ailleurs.

« Il faudrait 400 ans de pratique pour acquérir l’expérience qu’apporte l’intelligence artificielle. Grâce à elle, notre métier de l’imagerie médicale connaît une véritable révolution », s’enthousiasme Salim Benabadji.

Repérer la moindre fracture

C’est cette capacité du logiciel à assurer qu’il n’y a pas de fracture, pas même la plus petite qui, pour le docteur Nadat Delot, urgentiste dans le même établissement, change le plus sa pratique quotidienne. « Plutôt que de faire repartir le patient chez lui parce qu’on n’a rien vu, que sa lésion va s’aggraver, qu’il va revenir et qu’il traînera des mois au lieu d’être rétabli en trois semaines, notre pratique devient plus confortable », explique-t-elle.

Elle souligne l’aide apportée à la lecture quand le radiologue n’est pas disponible pour échanger avec lui sur une radio, notamment le week-end. Cela facilite la prise de décision de l’urgentiste. Même si le radiologue finit toujours par passer en revue le lundi toutes les radios qui sont faites le week-end.

Quand il y a quelque chose

C’est donc dans cette gestion des flux de radios que le logiciel change tout. « L’outil représente une véritable aide au diagnostic face au volume d’images que les médecins peuvent traiter par jour », souligne de son côté Gorka Noir, directeur de la clinique d’Estrée dans le communiqué, mi-janvier, où il a annoncé la nouveauté pour son établissement.

© Gleamer

Également utile, l’alerte que le logiciel donne « quand il y a quelque chose » qui soit de difficile à voir à l’œil nu. La zone où il y a suspicion de lésion est encadrée en orange ». L’éditeur du logiciel assure que le nombre de fractures non identifiées passe ainsi de 18 à 3 %. « La puissance du diagnostic réside dans cette capacité de nous attirer l’œil au bon endroit », ajoute Salim Benabadji.

Dans le quotidien, en attendant sa propre confirmation de radiologue, l’urgentiste fait attendre son patient, modifie sa prise en charge. « Le long du protocole suivi, tous les professionnels bénéficient du progrès. » Après quelques semaines de pratique, il juge que sur les 200 à 300 radios qu’il examine lors d’une permanence, le « gain » obtenu est de 5 ou 6 mini-fractures qu’il n’aurait pas discernées.

Moins de radios

Quand la fracture est certaine, le logiciel l’encadre sur l’image en rouge cette fois. Le doute n’existant plus, les choses peuvent s’enchaîner plus vite, le rythme d’examens s’accélérer. « Notre manque de radiologues va pouvoir être compensé en partie ainsi », suggère Salim Benabadji.

A long terme, le radiologue estime que l’intelligence artificielle, en rendant les radios plus précises, en fera faire un moins grand nombre aux établissements. Ne serait-ce qu’en évitant aux patients de revenir pour des fractures ignorées, même si la proportion de celles-ci n’est pas très importante.

« Le calcul économique fait en adoptant cette solution est intéressant parce que le produit logiciel est bon. Surtout qu’il continue de se nourrir de nos lectures. Il ne va pas nous remplacer. En étant encadré par le fait que nous relisons toujours les radios nous-mêmes, il va nous aider de plus en plus. »

Un abonnement mensuel

Après deux ans d’essai à la clinique Esquirol Saint-Hilaire à Agen, Incepto, (qui commercialise le logiciel Boneview créé par Gleamer) et le groupe Elsan avaient signé un partenariat fin 2022. Ce qui a eu un impact sur les conditions d’achat du logiciel Boneview par la clinique d’Estrée. « Nous ne pouvons pas dévoiler nos accords commerciaux. Néanmoins, le coût de la mise en service de la solution est assez faible. Il est complété par un abonnement mensuel qui dépend du volume d’examens traités par la solution », précise Elsan

Ce genre d’avancée fait se projeter Salim Benabadji dans le futur. « A terme, je vois notre pratique de radiologue évoluer en s’appuyant ainsi sur une quantité de logiciels d’intelligence artificielle qui nous aideront dans nos diagnostics. Et finiront peut-être par s’intégrer en outils plus globaux. »

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