Une nouvelle ère pour les archives du CHU Amiens

Le CHU d’Amiens a choisi d’optimiser le fonctionnement de ses archives, en gardant la conservation de la partie la plus récente des dossiers stockés, et en confiant à un prestataire les documents les plus anciens, beaucoup moins consultés. Une nouvelle organisation, mise en place début 2023, et couplée avec le démarrage de la numérisation des fonds.

© JMB

227 millions d’euros par an. Ce sont les dépenses engendrées par l’archivage pour le secteur hospitalier, selon les estimations de la 5e vague Ar Men du programme Phare qui avait étudié la question. Souvent délaissée à tort, la problématique a été soigneusement réfléchie par le CHU d’Amiens.

Petit coup d’œil dans le rétroviseur. Lorsque l’hôpital picard emménage en 2014 sur son site principal, au sud-ouest de la ville, les archives s’installent à Camon, dans les faubourgs est de la capitale picarde. L’établissement y loue un entrepôt de 10 000 m2. De quoi stocker 50 km linéaires et de centraliser tous les fonds. Avec un bail conclu jusqu’en décembre 2022.

Réorganiser et dématérialiser

Imad Fakhri

Deux ans avant son échéance, le CHU s’interroge. Faut-il poursuivre la formule ? « Il y avait un enjeu. Le local coûtait 740 000 euros par an, exploitation comprise. Il fallait faire un choix, soit continuer à renouveler le bail, soit choisir de restructurer le service, autour de deux enjeux : le premier, la réorganisation, le second, la dématérialisation », résume Imad Fakhri, ingénieur responsable des services logistiques du CHU d’Amiens.

Suite à une étude économique, l’hôpital picard choisit une voie médiane entre le tout internalisé et le 100 % externalisé. « On a réalisé une étude qui démontrait qu’il était plus intéressant de ne conserver en interne que les archives de moins de 5 ans, parce que les principaux mouvements les concernent. C’est la période durant laquelle la probabilité qu’un patient revienne est plus forte. » Comme ce projet nécessite une expertise pointue pour la coordination, le CHU fait appel à une ingénieure archiviste, Fiona Cassandro (aujourd’hui en poste au département du Nord, NDR).

Repositionnement des archives près des unités de soins

Après appel d’offres, les archives plus anciennes sont confiées à un prestataire, dans un entrepôt situé dans l’Oise, à une heure de route. Alors que le fonds atteint près de 3 millions de dossiers, un travail de romain est entamé pour faire le tri entre ce qui doit être internalisé, externalisé, ou détruit. Et s’assurer qu’un code-barre figure bien sur chaque dossier.

© JMB

Il est mis fin au bail en décembre 2022. Le service d’archives dit au revoir à Camon. Jusqu’ici inusité, un local, situé à quelques centaines de mètres des unités de soin, accueille sa quinzaine d’agents. D’une superficie de 2000 m2, il offre 8 km linéaires, sur deux étages. Au rez-de-chaussée, les dossiers médicaux. Au nombre de 453 268 le jour de notre reportage. Au premier étage, un peu plus de 18 000 documents : les archives administratives, des études cliniques… Plus de palettes, les rangements sont accessibles à hauteur d’homme ou grâce à un marchepied.

De la cueillette à la communication

Epaulé par une application informatique, le système est bien rôdé. Le logiciel permet aux secrétaires médicales de faire leurs commandes. Gardien du temple de la traçabilité, il indique si le dossier se trouve chez le prestataire qui en stocke plus de 1 800 000, ou au magasin sur telle étagère.

© JMB

Une personne se charge alors de la « cueillette » et prépare les dossiers attendus.  « Chaque matin, deux personnes partent les livrer, et en profitent pour récupérer ce que les services choisissent de nous renvoyer », explique Aurélie Walczak, la responsable des archives. L’après-midi, le duo procède au rangement des retours. Les entrées et sorties sont saisies par l’intermédiaire de douchettes.

« Le temps de réactivité n’est plus le même. Nous sommes à 5 minutes des services, contre 20 à 25 minutes de route auparavant. Le WiFi a aussi changé la donne. A Camon, le nombre de manipulations était supérieur puisque les agents devaient aller jusqu’à un ordinateur pour charger les données de leur PDA », observe-t-elle.  Côté archives anciennes, si la commande est effectuée avant 11 heures, le prestataire livre le jour même, avec un véhicule léger. Dans le cas contraire, c’est le lendemain matin.

© JMB

Pour Imad Fakhri, les gains pour l’hôpital sont indéniables. La dépense de l’entrepôt loué a été neutralisée. Le coût d’exploitation du nouveau local est bien moindre. La partie énergétique est mutualisée avec les autres bâtiments du CHU. La fin des allers-retours entre Amiens et Camon réalisés par camion a diminué l’empreinte carbone de l’activité et permis de réajuster les effectifs.

Dépolluer les dossiers avant de les numériser

Deuxième pilier de cette nouvelle politique d’archivage : la dématérialisation. « Nous avons élaboré un protocole, validé par les archives départementales », expose Imad Fakhri. Car le passage des archives physiques aux archives virtuelles est loin de se résumer à un simple scan. Les dossiers doivent être « dépollués » en amont. Un travail préparatoire essentiel qui peut nécessiter jusqu’à une heure de travail lorsque la masse de documents est volumineuse.

© JMB

« Il faut retirer élastiques, agrafes, morceaux de ruban adhésif, classer les documents en fonction d’une typologie, vérifier que les éléments conservés dans le dossier concernent bien le patient. Cette identitovigilance est nécessaire à chaque étape », insiste Aurélie Walczak. Après passage au scanner, un contrôle s’assure que les images qui s’affichent à l’écran correspondent aux documents papier. En raison de ce processus rigoureux, 15 à 20 dossiers sont dématérialisés par jour, soit entre 1500 et 1900 pages. Mais ce suivi pointilleux est indispensable.  « L’objectif est de détruire les dossiers papier 3 à 6 mois après la numérisation. Il n’y a donc pas de rattrapage possible », prévient la responsable des archives.

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *