Un agent hôtelier auprès des patients des hôpitaux de Genève

Le service de restauration des hôpitaux universitaires de Genève délègue un agent dans les services de soins. Il a pour tâche d’accompagner les patients dans leur prise de repas, libérant les soignants des tâches qui l’entourent. Les résultats de cette nouvelle prestation, déployée depuis presqu’un an, sont là. Les patients mangent ce qu’on leur présente, ce qui réduit le gaspillage. Et, lors d’un test, les malades ont considéré que la nourriture était meilleure, alors qu’elle n’avait pas changé.

© HUG

« Mieux servir pour mieux soigner ». C’est avec ce mot d’ordre qu’Ivan Coullet, chef du service de restauration des hôpitaux universitaires de Genève (350 professionnels, 11 restaurants, 3,5 millions de repas servis par an, les deux tiers à destination des patients) a lancé en octobre dernier un nouveau service hôtelier.

« Nous avons fait la proposition suivante aux services de soins : nous vous fournissons déjà des repas, nous pouvons aller plus loin à vos côtés par un service hôtelier qui aidera à lutter contre la dénutrition et vous dégagera du temps », explique Ivan Coullet.

La zone grise

Tout a débuté par le calcul des heures libérées. L’objectif, avec l’accord de la direction, était de le transformer en équivalents temps pleins (ETP) transférés à la restauration, dans une logique de budget constant, pour qu’elle mette sur pied le nouveau service.

Trois périmètres de travail ont été identifiés : celui des tâches hôtelières, que tout le monde peut faire ; celui des soins, confié à du personnel qualifié pour cela ; une zone grise autour de l’alimentation des patients entre le plateau tel qu’il arrive dans la chambre et la bouche du patient, a priori déportée vers le nouvel agent hôtelier. « Nous avons calculé à partir des données des services de soins », précise Ivan Coullet.

Volontaires venus des unités de soins ou recrutés en externe, les agents doivent suivre un programme de quatre jours de formation : un sur la diététique, un sur la sécurité alimentaire, un sur le service d’hôtellerie-restauration, un sur les soins. Un rappel d’une demi-journée est organisé après un mois de présence. Actuellement, environ 50 % des équipes sont formées de collaborateurs issus d’équipes de soins. Et plus de 80 % de ces derniers confirment leur engagement dans cette nouvelle fonction après avoir effectué des essais.

Une mission associée à la notion de plaisir

Yvan Coullet

Concrètement, l’agent hôtelier va au-delà de la zone grise. Il accompagne le patient dans sa prise de nourriture. Il prend le temps de choisir avec lui son repas, c’est la prise de commande. Il arrive le matin dans l’odeur du café du petit-déjeuner. « L’agent hôtelier n’est pas dans le soin, ne porte pas de blouse blanche, mais dans le plaisir », souligne Ivan Coullet.

En même temps, il n’est pas avare de sourires, s’inquiète de l’appétit du patient, de la façon dont il a apprécié ce qu’il a mangé, l’aide au besoin à couper la viande dans son assiette. Il organise, s’il y en a besoin, examens ou autres, pour décaler le moment du repas. Des détails qui font que lors du test préalable dans un service important, de juin à octobre 2022, les patients ont immédiatement trouvé que la nourriture était meilleure, alors qu’elle n’avait pas changé.

Moins d’achats alimentaires

Le service a été déployé sur 500 lits depuis octobre. Premier résultat, les patients prennent leurs trois repas par jour. En plus, 85 % d’entre eux acceptent la collation supplémentaire qui leur est systématiquement proposée. Car, entretemps, la prestation hôtelière a été améliorée, notamment proposer de servir à boire pendant la journée. Car l’agent hôtelier est « toujours » là : de 7h15 à 19h15, 12 heures de présence, 10 h de travail, 4 jours par semaine.

© Epictura

Malgré cette prestation en plus, notamment la collation, les achats alimentaires ont légèrement baissé. Une étude sur les pertes est en cours. Jusqu’ici, 35 % de ce qui était servi sous forme liquide n’était pas consommé. « Un axe du service hôtelier, consiste à d’adapter au désir du patient ce qui lui est proposé. Si l’on commande avec lui, il aura tendance à consommer plus volontiers ce qu’il a commandé. Si on lui sert à boire, on lui donne la quantité qu’il désire, pas plus », analyse Ivan Coullet.

Les soignants de leur côté, apprécient leurs journées de travail plus fluides, s’écartant moins des soins à proprement dit. L’agent hôtelier leur donne même ponctuellement un coup de main. « Nous avons posé des petites bornes dans ce sens,  explique Ivan Coullet. Au-delà de sa liste de tâches, l’agent hôtelier prendre des microdécisions, peut-être une dizaine par jour, où par exemple, s’il a terminé la prise de repas d’un patient en dix minutes seulement, il va aider un aide-soignant à faire un lit. »

Le nouveau métier attire

Un point sensible, selon Ivan Coullet, reste le moment de la transmission d’informations dans le service. L’agent hôtelier reste un membre de plus à intégrer à la réunion cruciale prévue pour cela, le « huddle ». Il n’en demeure pas moins considéré comme un progrès.

D’autant que c’est un nouveau « métier » qui attire. Bien qu’il demande de la résistance physique et psychique, une capacité d’écoute, une présence, du tact, les candidats à ces nouveaux postes sont nombreux. « Alors que, par ailleurs, nous avons un vrai souci de recrutement dans les fonctions de soignants et d’aides-soignants, souligne Ivan Coullet. À ceux qui regrettent la création de ces postes plutôt que postes de soignants ou encore l’invention de sous-agents hospitaliers, nous pouvons répondre que nous récupérons du personnel pour nos établissements. À côté du personnel existant. »

Après la création de l’agent hôtelier, le pôle d’exploitation des hôpitaux universitaires de Genève, qui comprend aussi le bionettoyage, la lingerie et le transport travaillera sur une meilleure articulation, non plus avec les soignants mais entre ses propres agents dans leur travail dans les services. « L’agent hôtelier nettoie aujourd’hui le pied de la table réglable du patient dans son fauteuil ou allongé dans son lit et le bionettoyage nettoie tout autour. Nous verrons s’il faut revoir cette répartition de nos tâches. »

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