Futur CHU de Guadeloupe : la traçabilité pour pièce maîtresse

Financé à hauteur de 580 millions d’euros par l’État, le nouveau CHU de Guadeloupe ouvrira ses salles en octobre 2023 pour une année de fonctionnement à blanc. L’occasion de tester les diverses solutions de traçabilité (WMS avec plein-vide, inventaire des mobiliers, tenues avec puces…) qui y seront nouvellement déployées pour servir la performance.

© Architecture-Studio

Fin 2024, le nouveau CHU de Guadeloupe implanté aux Abymes aura définitivement quitté le quartier de Chauvel sur lequel il s’élève depuis 1978 pour s’établir à 7 km de là, sur le site de Perrin où lui sont consacrés près de 19 hectares… L’aboutissement d’un projet pour la première fois lancé en 2007, tout à fait inédit en Guadeloupe de par sa taille (plus de 600 lits, 14 salles d’opération), sa complexité et sa haute technicité.

Mais le chantier ne se résume pas à un exploit architectural ; « il se veut aussi une réussite logistique propre à assurer une fonctionnalité optimale et à insuffler une optimisation des ressources », pose Philippe Fostan, directeur au cabinet Citwell, membre de la « team conseil » appelée au chevet du projet aux côtés d’Apsis Santé et d’Adopale. La traçabilité constitue ainsi le pivot central dudit challenge, à la fois pour exonérer les soignants de toutes ces taches qui interfèrent avec leur mission première, garantir une gestion des stocks optimale et sécuriser l’ensemble des flux.

Le « plein vide » pour l’ensemble des unités

© P. Fostan

Répondant aux trois objectifs, le premier axe de la dynamique passe par l’adoption de la technique « plein vide » pour l’ensemble des unités. « Au dispositif informatique qui était jusqu’ici le nôtre – la gestion économique et financière (GEF), système d’information non adapté au métier de gestionnaire de stock – nous avons substitué une solution WMS intégrant, par catégories, l’ensemble des références gérées par le pôle logistique (le petit matériel médical, l’hôtelier, l’épicerie), ainsi que ceux de la pharmacie », détaille la directrice de la logistique et de l’hôtellerie par intérim, Adeline Martin.

À partir d’une base de données épurée de toutes ses « feuilles mortes », le tracking suivra ainsi toute la chaîne des approvisionnements, depuis les fournisseurs jusqu’aux unités fonctionnelles sans oublier la préconisation des commandes, à partir des demandes de réassort en découlant, en lien avec la GEF existante pour laquelle l’interfaçage fut un critère majeur du bon fonctionnement.

La juste dotation sans tension

Bien sûr, « entre engagements financiers (acquisition d’un logiciel, aménagement des zones de stockage, couverture wifi, logiciel, imprimantes de codes-barres, lecteurs… soit environ 250 K€ d’investissement) et humain (déployer le logiciel, se former, reprendre les bases de données articles, étiqueter chaque rayonnage du magasin ainsi que ceux des services de soins… soit un déploiement sur 6 mois), l’investissement n’est pas neutre », convient la dirigeante hospitalière.

Mais, poursuit-elle, « associé au système « plein-vide » qui sera implanté sur l’ensemble des unités de soins, et paramétré à leurs besoins (consommations, délais de livraison, surface de stockage…), cette avancée offre une formidable optimisation du stock (gain de temps, de place et de trésorerie par élimination des surstocks, diminution des variables d’inventaire), améliore les processus de rangement et allège la charge mentale des préparateurs dont la marge d’erreur va, grâce à cette assistance, passer de 1 % (moyenne humaine) à 0,3 %. » Enfin, et peut-être surtout, « la dynamique d’approvisionnement garantit aux soignantspar une logistique d’étage, des dotations ajustées, sécurisées et tracées en temps réel sans plus avoir à s’en préoccuper : un réel progrès dans notre gestion des demandes de services au CHU  », s’enthousiasme Adeline Martin.

Un déménagement cadré à la trace

© P. Fostan

Réussir le déménagement constitue un autre défi « d’autant qu’avec 85 000 m2 déplacés, l’opération s’affiche comme le plus grand transfert jamais réalisé en Guadeloupe », enchaîne Philippe Fostan. « Là encore, et avec l’aide d’un prestataire, locaux et mobiliers ont donc tous été inventoriés, localisés et étiquetés, travail représentant plus de 36 000 étiquettes. Cette démarche est faite pour faciliter la traçabilité de l’aménagement du mobilier conservé, et en déduire les achats des investissements neufs à programmer, en minimisant les risques d’erreurs, de manque ou de pertes », assure la directrice par intérim.

Toutefois son intérêt ne s’arrête pas là : « en lieu et place des identifications actuelles propres à chaque logiciel métiers et donc inéchangeables, la codification de l’immobilier et des biens sera désormais unique et partagée, servant un contrôle d’adressage des livraisons. Ces dernières pourront donc s’opérer jusqu’aux derniers mètres sans la présence de « sachants » connaissant les lieux », projette le consultant.

Des puces dans les tenues

Enfin, appuyée par deux distributeurs automatiques de vêtements situés en deux points stratégiques de l’établissement (210k€ chacun), la gestion des 15 000 tenues hospitalières fera elle aussi l’objet d’un tracing aux avantages multiples. « L’idée est que plus personne n’ait à courir après sa blouse, ni le soignant qui – via son badge magnétique personnel – pourra, à toute heure, accéder à une armoire systématiquement réapprovisionnée, ni l’établissement qui, à tout moment, connaîtra l’emplacement de tel ou tel article », explique Philippe Fostan.

Fini les frais liés aux pièces égarées, tout comme les armoires aux piles dormantes et une lingerie bataillant entre les tailles et les couleurs : « radio-identifiées à l’aide d’une puce RFID, tous les équipements tissés – draps, tuniques, pantalons… – bénéficieront désormais d’un inventaire continu garantissant une meilleure maîtrise des stocks et des dotations, la parfaite connaissance des unités en circulation et, in fine, un contrôle accru de l’hygiène », se félicite Adeline Martin.

Philippe Fostan

« Alors que le nouveau CHU guadeloupéen, à l’image de nombreux établissements métropolitains, doit impérativement ajuster son fonctionnement à ses capacités de recette, tracking et tracing viendront donc l’aider à cocher les enjeux de sécurisation et de rationalisation qui en fondent le principe », résume Philippe Fostan, lequel conclut : « à ce titre, ce projet n’est certes pas novateur dans les solutions adoptées, mais illustre parfaitement l’hôpital exemplaire recommandé par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP). »

 

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