Les logisticiens du CHU de Toulouse encore plus pros

Pour faire progresser le collectif et améliorer la qualité de service, la filière logistique du CHU de Toulouse a, depuis 2019, revu sa politique RH et son organisation : audit des pratiques professionnelles, certification SO 9001 des cœurs de métier, formation des 330 agents, et promotion interne grâce à une opération de détection des talents. Une démarche qui a porté ses fruits et pour laquelle l’hôpital a décroché, le 15 juin dernier, le prix des bonnes pratiques France Qualité dans la catégorie services publics.

© CHU Toulouse

41 référents formateurs vecteurs de professionnalisation et 80 % des nouveaux cadres issus du terrain. Deux chiffres particulièrement évocateurs de la politique menée par la filière logistique du CHU de Toulouse depuis 2019 afin de tirer l’ensemble de ses équipes vers le haut. Tout démarre d’un constat. Avec 330 agents répartis sur cinq zones géographiques différentes, chaque site a sa propre organisation et sa propre manière d’aborder les différents métiers : transports, logistique des derniers mètres, logistique des double bacs…

« Les personnels travaillaient du mieux possible, mais sans échanger sur leurs pratiques », expose Frédéric Perret, responsable de la filière logistique de l’établissement haut-garonnais. Autre revers de la médaille : un taux moyen de fiches incidents jugé trop important avec des disparités d’un site à un autre. « Certains avaient peu de réclamations, d’autres plus. L’idée n’était pas de dénigrer, mais de prendre le meilleur de chacun et d’en faire une pratique commune. »

Détecter les talents

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Un plan général de professionnalisation est alors imaginé. Avec deux objectifs principaux : améliorer la qualité de service et favoriser la montée en compétence. La démarche se matérialise par une combinaison d’actions : organisation repensée, pratiques réinterrogées, certifications, formations. « Nous avons créé des postes transversaux en qualité et en sécurité (coordonnateurs, régulateurs) pour clarifier les processus et harmoniser. Et nous nous sommes ensuite engagés dans la certification Iso 9001 de nos principaux métiers : transports, derniers mètres et double bacs. »

Une opération « détection des talents » est parallèlement lancée. « Nous avons demandé aux cadres d’identifier des personnes qui sortaient du lot et qui avaient des compétences particulières qu’on pouvait mettre en avant ». Après vérification des aptitudes des sélectionnés, le CHU a ouvert des concours internes. Cinq personnes sont passées agents de maîtrise, 19 ont obtenu le grade de TH et 5 celui de THS. De quoi reconnaître officiellement (et sur la fiche de paie) une fonction d’encadrement ou celle d’expertise transversale. Le tout à isopérimètre budgétaire, grâce à une plus grande efficacité et au non-remplacement de certains départs en retraite.

Former des formateurs

Des experts sollicités pour ausculter les façons de travailler. « Ces audits métiers permettent aussi d’identifier, avec l’agent, quels sont ses besoins spécifiques de formation », éclaire Frédéric Perret qui illustre son propos : « tous les agents chargés des doubles bacs ne sont pas forcément très à l’aide avec le calcul de dotation. Après avoir observé leur façon de travailler, le référent coordonnateur propose une formation courte, d’une heure ou deux, afin de combler certaines lacunes ou hésitations. »

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Le transfert de savoirs en interne de manière concentrique est privilégié. « Libérer plusieurs dizaines de personnes pendant une demi-journée ou une journée est impossible », argue Frédéric Perret. Le CHU contourne l’obstacle grâce à un système de référents formateurs. Plus d’une quarantaine au total. S’agissant des engins de manutention, les référents passent le CACES (certificat d’aptitude à la conduite en sécurité, NDR) et bénéficient d’une formation tuteur transfert compétence ». Schéma identique pour les transports de produits sanguins ou de chimiothérapie. Mais cette fois, les référents sont formés par la PUI et l’hémovigilance, avant de relayer les bonnes pratiques auprès de leurs collègues. Une philosophie qui devrait être également déployée pour la prévention des TMS.

Les résultats au rendez-vous

Ces référents formateurs interviennent aussi lors de l’accueil des nouveaux arrivants. « C’est un tutorat dès l’arrivée. La personne est suivie pendant une semaine et bénéficie d’une formation pratique sur le terrain. » Les référents partagent naturellement les mêmes modalités (pédagogie, supports, évaluation…). Et les sessions sont homologuées par la DRH. « La cellule formation du CHU nous a expliqués les prérequis nécessaires afin de construire une offre qui soit valorisée et reconnue pour les agents. »

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La méthode porte ses fruits. les réclamations ont baissé de 40 % depuis 2019, le taux de service atteint 99 % sur la livraison des produits sanguins et de chimiothérapie, distribués en une heure. Les accidents de travail ont été réduits de 50 % et le taux d’absentéisme a diminué de 30 % dans certains services. La promotion interne a aussi généré un nouveau souffle. « Le fait que 80 % des nouveaux cadres soient initialement issus du terrain a généré de l’envie et de l’émulation. On a réussi à montrer que l’investissement était récompensé. »

Préparer la relève

Et ce n’est pas terminé puisqu’une deuxième vague de détection de « personnes clefs », capables de rebondir, est prévue cet été. « Privilégier l’interne n’est pas une obligation et on ne s’interdit pas de recruter en externe. Il n’y a qu’une seule règle : choisir le meilleur », pondère Frédéric Perret, « en revanche, nous faisons tout ce qui est possible pour que nos agents soient, grâce à cet accompagnement, les meilleurs. »

Un bon plan pour éviter le départ des bons. « Quand nous avons des personnes de valeur, on essaie de leur proposer quelque chose. Parfois, ce n’est pas envisageable. Il faut donc accepter de les valoriser à l’extérieur de la logistique, pour qu’ils restent au moins au CHU. Nous acceptons que les gens partent et on ne s’en offusque pas parce qu’on a préparé la relève ».

Une démarche duplicable

Matthieu Fleureau, directeur des achats et de la logistique (à gauche), et Frédéric Perret, responsable de la logistique, lors de la remise du prix au CHU de Toulouse © DR

« Tout n’est pas idyllique et nous avons encore des problèmes. Mais cela fonctionne, promet Frédéric Perret. Association de référence des professionnels de la qualité, de la maîtrise des risques et des approches d’amélioration continue, France Qualité en est convaincue : le 15 juin, elle a attribué son prix annuel dans la catégorie « services publics » à l’hôpital de Toulouse.

La méthode implique de s’extirper des impératifs du quotidien et d’avoir une hauteur de vue sur son organisation. Une montée en altitude réservée à Toulouse, berceau de l’aéronautique ? Non, répond aussitôt le responsable de la logistique : « c’est un travail de longue haleine, mais c’est possible, y compris pour des établissements de petite taille ». A condition aussi que les cadres acceptent de ne plus faire de la supervision technique ou du pilotage de flux, rôle dévolu aux chefs d’équipe ou aux régulateurs sur lesquels ils peuvent s’appuyer. Car « le rôle d’un manager, c’est de manager », rappelle Frédéric Perret.

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