Le pari radical du village Alzheimer De Hogeweyk

De Hogeweyk, le premier village Alzheimer d’Europe, est internationalement reconnu pour son modèle de soins unique : les 188 personnes âgées qui y vivent peuvent circuler librement en son sein, renouant ainsi avec une vie normale malgré la maladie. Pas de magasin hôtelier, de blanchisserie, ni de cuisine centrale dans cette cité néerlandaise : l’organisation logistique décentralisée et à taille humaine qui sous-tend cette réussite est moins connue mais elle constitue la pierre angulaire de la réussite de ce modèle.

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Situé à proximité d’Amsterdam, le village Alzheimer De Hogeweyk accueille 188 habitants qui ont la particularité de vivre avec une maladie d’Alzheimer très avancée. 27 maisonnées indépendantes sont réparties sur 15.000 mètres carrés de terrain, aménagés avec des rues et des places semblables à celles environnantes de la ville de Weesp. Des espaces de vie culturelle et sociale entourent la place principale, encourageant les résidents à sortir de chez eux, qui pour aller au restaurant avec ses proches, qui pour assister à un spectacle dans le théâtre ou la salle d’activité.

Une supérette au cœur du modèle du village Alzheimer néerlandais

L’espace le plus important du village est également situé sur cette place : c’est le supermarché. Si les personnes âgées et leurs proches peuvent y faire leurs petites emplettes, la supérette sert d’abord aux professionnels. En effet, c’est là que s’approvisionnent les « maîtresses de maison » des 27 maisonnées.

Elles y achètent tous les ingrédients pour préparer l’ensemble des repas que vont manger les habitants. Chaque maisonnée a donc ses propres menus, adaptés aux goûts des sept individus qui y résident. Les repas sont planifiés au jour le jour, limitant les stocks et le gaspillage alimentaire.

Le rôle central des « maîtresses de maison »

Les « maîtresses de maison » gèrent leur budget et se fournissent en produits alimentaires et de nettoyage au sein de la supérette. Ce sont en effet elles qui sont aussi responsables de faire le ménage et la lessive (dans une machine à laver domestique). Une deuxième professionnelle, au profil aide-soignante, travaille en binôme avec elles pour accompagner les résidents dans leur vie quotidienne.

Le supermarché les pourvoit également en protections et autre petit matériel de soin (pansements, aiguilles…). Seuls les médicaments sont fournis par un circuit différent, via une pharmacie locale. Au total, plus de 90 % des approvisionnements du village sont livrés à la superette six jours sur sept.

Pas de magasin hôtelier, de cuisine centrale ni de blanchisserie

C’est Eloy van Hal, l’ancien directeur de De Hogeweyk qui a fait le choix de ne pas prévoir de magasin hôtelier, de blanchisserie, ni de cuisine centrale lors de la conception du village entre 2002 et 2008. « Nous avons fait le choix radical de redonner une taille humaine à la logistique sur le site dans l’objectif de donner une place centrale aux activités de la vie quotidienne. C’est une décision qui peut paraître technique mais qui impacte profondément l’ambiance dans le village. »

Eloy van Hal souligne aussi les implications économiques de l’organisation logistique décentralisée : « Certains trouvent que remplacer le magasin par une supérette est coûteux, mais ce n’est pas le cas. Au contraire, je pense que notre organisation logistique à taille humaine est ce qui nous permet d’offrir des soins et soutiens individualisés et vivants dans des petites maisonnées avec le même budget de fonctionnement que tous les établissements d’hébergement similaires des Pays-Bas. »

Aujourd’hui, l’équipe dédiée à la logistique de De Hogeweyk est seulement composée des trois personnes chargées du bionettoyage des parties communes et de la gestion des déchets, et de deux personnes pour gérer le supermarché (commandes, approvisionnement des rayons et service à la caisse). Ce sont les professionnelles qui travaillent auprès des résidents qui réalisent toutes les autres tâches logistiques, ce qui permet d’avoir des effectifs relativement plus importants dans les unités de vie que dans d’autres structures à l’organisation traditionnelle.

La vie ordinaire malgré la maladie

Le choix d’une organisation logistique décentralisée a un impact profond sur l’ambiance et la qualité de vie au sein du village Alzheimer De Hogeweyk. Il « normalise » l’environnement de vie au sein de la résidence : la place du village est animée par les allées et venues des professionnelles qui viennent faire les courses avec leur chariot de supermarché. Elles sont souvent accompagnées de résidents, un bon prétexte pour prendre l’air, voire socialiser avec le directeur venu récupérer des fournitures de bureau. Résidents et professionnels s’arrêtent pour papoter, regarder le programme des animations ou juste profiter d’un rayon de soleil.

Grâce à cette organisation logistique à taille humaine, les habitants des maisonnées retrouvent une vie domestique : décider des menus, les préparer ensemble, sentir les bonnes odeurs de cuisson et prendre leurs repas en commun… Les « maîtresses de maison » apprécient la possibilité qui leur est offerte de faire plaisir aux résidents en leur offrant des mets qu’ils aiment et qui sont adaptées à leurs habitudes de vie.

Linge lavé à la maison

Certaines maisonnées accueillent des personnes habituées à un style de vie traditionnel et cuisinent surtout des plats typiquement néerlandais comme des « Stampots », des potées de choux et pommes de terre. D’autres regroupent des résidents qui ont vécu une vie plus cosmopolite et proposent des menus inspirés des cuisines du monde.

Sans blanchisserie centrale, le linge est lavé dans les maisonnées. Cela évite un circuit logistique lourd et les habituels problèmes de linge perdu ou abimé. Plier la lessive, faire la poussière, mettre la table, toutes ces tâches sont effectuées par le binôme de professionnels en associant les résidents et leurs proches et peu se plaignent d’avoir à effectuer ces tâches. En effet, elles sont associées à une autonomie qui est fort appréciée des professionnelles, ainsi que de la possibilité de créer un lien fort avec les personnes âgées qui habitent dans le village.

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