La logistique aboutie des biodéchets à l’hôpital de Giens

À l’hôpital Renée Sabran dans le Var, les déchets alimentaires sont triés dans les services. Ils suivent ensuite un parcours spécifique jusqu’à leur transformation en compost. Avec entretemps des pesées pour surveiller le gaspillage. Des seaux fermés ont remplacé les poubelles et un chariot plus adapté a même été mis au point.

© CH Renée Sabran

Dans les couloirs de ce « petit » hôpital de 500 lits, on ne parle plus de biodéchets mais de « reliefs de repas ». Eh oui ! Les restes ont une autre vie après le plateau des patients. L’établissement est souvent utilisé comme terrain d’essais, en raison de sa petite taille, par les Hospices Civils de Lyon (HCL) auxquels il appartient. Voilà cinq ans qu’il explore le domaine des déchets alimentaires et en a fait évoluer, peu à peu, sa vision, leur traitement, encore amélioré il y a peu.

Une certitude, l’hôpital est au clair avec l’obligation qui tombe sur tous les établissements de santé le 1er janvier prochain d’avoir réglé au moins a minima la question (lire notre article du 13 novembre 2023). « Si vous voulez un exemple, allez voir l’hôpital Renée Sabran », suggère Jean-Remy Dumont, président de l’Union des ingénieurs hospitaliers en restauration (UDIHR). Il n’est sans doute pas objectif car il est aussi directeur de la restauration aux HCL. Pour autant, l’hôpital de la presqu’île de Giens a signé son premier contrat de collecte et de traitement des biodéchets dès 2018. Il avait commencé à en faire le tri au self du personnel.

Campagne de pesée

Depuis, la pratique a été étendue aux services de soins. Les collectes sont passées de 14,61 tonnes en 2019, à 16,11 tonnes en 2020, puis 16,33 tonnes en 2021. Sans doute en raison, simplement, de l’attention qui leur a été portée, les quantités ont diminué pour la première fois en 2022, en tombant à 16,05 tonnes. Mais 280 kg en moins pour le même niveau d’activité, ce n’est pas assez aux yeux d’Hervé Duduc, responsable de la restauration.

Il entreprend une véritable réduction à la source, vise l’éradication complète du gaspillage alimentaire. Avec le concours de la diététicienne, il s’est lancé dans la pesée minutieuse de ce qui est jeté par les patients. L’expérimentation a porté sur quatre repas dont l’un pour diabétiques. Les premières analyses sont en cours. Seul changement opéré pour le moment, l’ajout de sel et de poivre n’est plus systématique mais effectué à la demande du patient quand l’agent hospitalier lui sert son repas.

Revoir la composition des repas

© CH Renée Sabran

Les déchets sont rapportés en cuisine et pesés par service et par repas. « Je sais exactement que nous avons produit 43 kg de déchets alimentaires le 1er novembre, 1282 kg depuis un mois, explique Hervé Duduc. Ces résultats seront, dans un deuxième temps, et comparés à ce qui est mis au rebut par les cuisiniers au moment de la préparation des repas, et à ce qui est livré dans les services et le self. Très peu d’établissements vont au bout du bout de cet exercice de pesée. »

« Une fois ce diagnostic établi, nous examinerons quoi faire pour diminuer globalement le gaspillage, le coulage aussi (ce qui disparaît dans le circuit). Nous sommes en pleine réflexion, prêts à revoir la composition de nos repas, nos grammages aussi », poursuit-il.  L’établissement accueille notamment des patients atteints de mucoviscidose. Ils ont besoin de manger deux à trois fois plus que les autres malades. Cela sera peut-être revu aussi.

Logistique ad hoc

En attendant, l’attention portée ces dernières années aux biodéchets a permis à l’hôpital d’installer progressivement une logistique spécifique. Le dernier changement a eu lieu le 19 septembre dernier. Depuis toujours, le tri des biodéchets s’est fait dans les services. Jusqu’ici, des membres du personnel soignant remplissaient les sacs de biodéchets en débarrassant les repas, puis les déposaient dans des seaux qu’ils descendaient en pied de bâtiment. Le service intérieur de l’hôpital les ramassait et les emportait vers le local à poubelles de la cuisine centrale.

Désormais, la restauration dépose à l’office alimentaire un seau propre destiné à recueillir les biodéchets en même temps qu’elle livre les repas et repart avec les seaux des restes du précédent repas. La collecte a lieu deux fois par jour. Du temps de soignant est économisé, le service intérieur n’a plus besoin de se déplacer.

Seaux fermés et poubelles

Les seaux de récupération, au lieu d’être des seaux normaux garnis de sacs biodégradables, sont fermés, emportés dans les camions réfrigérés servant à la distribution de repas, puis rapportés en cuisine pour être pesés. Leur contenu est par la suite directement vidé dans des poubelles spécifiques, de couleur marron, destinées à la société de retraitement.

Ces seaux fermés servaient jusqu’ici en cuisine dans le transport de préparations en cours de confection de repas. Affectés à la collecte de biodéchets, ils sont nettoyés et désinfectés en cuisine avant d’être renvoyés pour leur rotation dans les services. Ils ont en partie remplacé les poubelles de 120 litres sur roulettes qui avaient fait leur apparition l’an dernier, à la faveur du changement de prestataire du traitement des déchets. Elles étaient postées au pied de chaque bâtiment. Les sacs de biodéchets y étaient jetés.

Le service intérieur les emportait, une fois par jour, au local poubelles des cuisines. D’où elles étaient enlevées deux fois par semaine par la société de traitement. Le recours aux seaux fermés a diminué leur nombre par deux.  Le système avait déjà évolué en 2020. Les sacs biodégradables de biodéchets étaient ramenés à la cuisine, stockés dans des caisses palettes, enlevées par la société de retraitement.

Un nouveau chariot

© CH Renée Sabran

Entre 2018 à 2019, le service restauration de l’hôpital avait concentré son énergie sur la façon de trier les biodéchets dans les services. Après bien des tests, il a fini par concevoir lui-même un nouveau chariot, avec l’aide d’un fabricant. Il avait commencé par accrocher deux sacs au bout d’une table roulante, l’un pour les DAOM, l’autre pour les biodéchets. Complétés par un bac inox pour faire tremper les couverts.

Un dispositif bien trop lourd. Même les chariots prêtés par des fournisseurs spécialisés pour effectuer des tests dysfonctionnaient avec leurs portes et leurs tiroirs. Ils ne permettaient pas aux agents de débarrasser les patients rapidement, ni d’entretenir facilement ce matériel. Le chariot définitif comporte trois étages, mesure 1,20 m de long sur 90 cm de large, dispose de barres de prolongement pour tenir un bac en plastique pour les couverts et un sac à DAOM. Le seau à biodéchets est posé sur l’étage du haut. Depuis 2020, l’équipement a fait ses preuves et la logistique complète des biodéchets est jugée au point.

Le traitement coûte 8600 € par an à l’hôpital. Pour un volume équivalent, la facture n’était que de 4700 € en 2020. Mais le transport des biodéchets se fait en véhicules légers. Ils sont transformés en compost à moins 30 km de là, ce qui n’est pas si mauvais pour bilan carbone. Et les HCL songent à l’adopter à Lyon.

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