Hôtels hospitaliers : optimiser l’occupation par l’organisation

Internalisée ou entre les mains d’un « pro », l’alternative de l’hébergement temporaire non médicalisé s’inscrit progressivement au registre des établissements sanitaires. Mais attention aux freins susceptibles de ralentir son déploiement. Pour profiter au mieux de cet hôtel particulier, encore faut-il ne pas camper… sur ses positions. Voici le dernier volet de notre enquête en quatre parties sur les hôtels hospitaliers.

© Fondation Hopale

Dans le domaine de l’hôtellerie, le ratio le plus important est certainement le taux d’occupation, pourcentage qui, pour un hôtel hospitalier, s’obtient en divisant le nombre de chambres effectivement occupées par le nombre total de chambres pré-réservées (ou disponibles dans le cas d’une gestion interne).

Investissements non amortis, chambres inoccupées à régler, charges fixes à supporter… Les conséquences d’un taux trop bas (inférieur à 55 % selon les professionnels de l’hôtellerie, en dessous de 61 % selon le guide de l’Anap ) sont loin d’être négligeables. Plus prégnante encore pour les hôpitaux ayant choisi la gestion directe, la fréquentation est donc un indicateur à surveiller. Et à booster.

Cibler large

© Fondation Hopale

Comme pour tout hôtel, la question du positionnement est la première à se poser : « Dès lors que le cadre de la loi est respecté, il ne faut surtout pas se fermer sur les secteurs et services concernés par les critères d’éligibilité et étudier la question avec les équipes », conseille fortement Snezana Walz Mijailovic laquelle dirige la stratégie et le développement de la Fondation Hopale au deuxième projet hôtelier en cours (lire notre article du 23 novembre 2022 ).

Directeur des opérations de l’hôpital Necker-Enfants malades, Benjamin Lemoine approuve : « Alors que nous avions initialement pensé le dispositif pour fluidifier la file active des parturientes programmées et favoriser l’accueil à J0, 40 % de nos chambres hôtelières servent in fine à libérer un lit des services de médecine 24 heures avant la sortie définitive du patient pour y accueillir une urgence. »

Convaincre en interne

Pour sa pleine réussite, le dispositif doit aussi, évidemment, être adoubé par les soignants appelés à « prescrire » l’option, en amont ou aval de leur acte. Cela commence par les rassurer, en rappelant que le consentement obligatoire du patient les exonère de toute responsabilité. Mais il faut aussi inciter au changement… Or, « programmer en ambulatoire et hôtel hospitalier une intervention jusqu’alors réalisée en hospitalisation conventionnelle demande du temps », reconnaît Nathalie Vidal, responsable de la démarche qualité et coordinatrice du parcours patient au CHU de Limoges.

Maison hôtelière des familles et des patients © CHU Reims

Afin de sensibiliser tous les acteurs intéressés, le CHU de Reims déroule donc depuis quelques semaines une vaste opération d’information auprès de ses 8 000 professionnels ; « l’objectif est non seulement de les informer de l’existence de ce dispositif nouveau géré par l’association Maison Hôtelière des Familles et des Patients, mais aussi de réfléchir ensemble à sa meilleure inclusion possible dans le parcours patient », précise Yannis Makoudi, directeur des affaires générales de l’établissement.

Faciliter l’appropriation

Si de la participation naît ainsi l’adhésion, cette dernière ne fait toutefois pas tout : afin que les services s’approprient pleinement ces lits « hors les murs », il faut aussi en faciliter la gestion administrative, du planning à la facturation. En clair, revisiter les process informatisés afin que l’hôtel hospitalier s’intègre au parcours d’accueil classique des secrétariats médicaux et cadres de santé.

Autre solution : « à Cochin, une part des chambres a été confiée à la cellule de programmation des séjours », rapporte Benjamin Lemoine. La formule allège le travail des unités de soins et, en multipliant les services potentiellement concernés, autorise même des projections doublées avec une centaine de nuitées mensuelles espérées sous deux ans.

Enfin, dans un partenariat inédit, l’Hôpital Foch a récemment délégué à la start-up My Hospitel le déploiement opérationnel de son dispositif. Outre des comités de pilotage menés avec le personnel hospitalier et un suivi des hôtels partenaires, une plateforme web simplifie les prises en charge, les réservations hôtelières et l’envoi d’informations aux patients.

Ne pas oublier les patients !

Last but not least, les patients, pièces centrales de l’alternative hospitalière, sont évidemment des acteurs à ne pas ignorer. À l’instar des soignants, ils demandent d’abord à être rassurés. C’est la raison pour laquelle nombre d’établissements, à l’image de Necker, insistent sur le rôle « médico-social » de l’hôtel dont les personnels seraient de réels « partenaires de soins », formés en conséquence.

Pour un sentiment de sécurité accru, certains hôtels hospitaliers tablent même sur un veilleur de nuit et des appels malades dans les chambres, voire des capteurs. Enfin, même si ces hôtels particuliers sont réglementairement réservés aux patients « suffisamment autonomes », « 250 mètres peuvent constituer une distance infranchissable pour une personne âgée seule avec son sac et bien trop courte pour un taxi », prévient Nathalie Vidal.

Le trajet entre hôpital et hébergement doit donc être soigneusement réfléchi : à Limoges, une tournée supplémentaire a été ajoutée à la navette interne qui relie déjà les bâtiments du site, tandis qu’à, Villejuif, le Centre Gustave Roussy, a investi dans un système de voiturettes (50 000 €) avec ses partenaires hôteliers. De quoi, assurément, garantir que le dispositif tienne vraiment la route.

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