Une équipe mobile logistique chez Vivalia

Groupe intercommunal de santé belge, Vivalia, en proie à des soucis de recrutement de personnel médical, a décidé d’améliorer leurs conditions de travail. Vivalia a donc modifié son organisation. Le groupe a recruté et créé une structure logistique au sein du département infirmier de chaque site. Avec une équipe mobile qui a repris nombre de missions (réfection des lits, transport de matériel, aide à la distribution des repas, courses…) et fait le lien entre les soignants et les différentes fonctions supports.

© Epictura

Comment les métiers du soutien peuvent-ils mieux travailler et s’organiser pour redonner du temps aux soignants ? La logistique au cœur des unités de soins a été l’un des thèmes majeurs étudiés par les membres de l’Association des responsables des transports et de la logistique à l’hôpital (ARTLH), réunis à Annecy les 8 et 9 juin. Comme la problématique est loin d’être franco-française, l’association a cherché à savoir quelles étaient les pistes explorées à l’étranger. Le cas du CHU de Québec et du centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches (CISSSCA),a été exposé par Carole Bordes et Marie-Hélène Boulanger.

Chiffres à l’appui, ce duo de choc a réussi à démontrer que le recrutement d’un logisticien associé à la réorganisation des tâches pouvait dégager jusqu’à deux postes de soignants. Alors qu’il devient de plus en plus compliqué de recruter des professions médicales dans la Belle Province, l’argument a fait mouche. Résultat : des renforts significatifs commencent à arriver dans les deux organismes (lire notre article du 22 mars 2023).

Pénurie d’infirmiers en Belgique

Libérer du temps soignant est aussi un leitmotiv Outre-Quiévrain. Car dénicher des infirmier(e)s relève des douze travaux d’Hercule. 25 000 postes d’infirmiers sont vacants. Nombre de professionnels préfèrent quitter le métier. Et le royaume détient un ratio patients/infirmier parmi les plus élevés d’Europe.

Situé dans la province belge du Luxembourg en région Wallonie, Vivalia, groupe intercommunal de santé regroupant 5 hôpitaux, une polyclinique, quatre maisons de repos, un établissement psychiatrique et trois crèches (1600 lits, 3800 salariés), est lui aussi frappé par le manque de bras. D’autant que cette zone géographique est concurrencée par le Grand-Duché tout proche, aux salaires plus attractifs. En 2020, 88 ETP manquaient à l’appel, 129 en 2021, 183 en 2022. Le déficit atteint 195 au premier trimestre 2023.

Pour conserver son personnel et attirer des talents, Vivalia veut améliorer leurs conditions de travail. Notamment en réduisant les tâches qui ne relevaient pas directement des soins. Aidé par un fonds fédéral mis en place en 2019 à l’origine pour faciliter le recrutement des « blouses blanches », et finalement aussi utilisé pour la formation et la QVT, le GH a eu, après la pandémie, l’idée de créer une équipe logistique au sein des départements infirmiers de chacune de ses structures. Des entités constituées de trois profils : des « supply chain manager », des logisticiens et des assistants logistiques.

Création de l’équipe mobile logistique

Après avoir été validé par la DG en décembre 2021 et présenté ensuite aux organisations syndicales, le projet se concrétise avec le recrutement de trois « supply chain managers » au second semestre 2022. Lesquels sont aussitôt envoyés dans les unités de soins de chaque site pour bien appréhender les méthodes de travail et les difficultés rencontrées. Une phase d’immersion qui débouche en janvier 2023 à la présentation de plusieurs projets, dont la création d’une équipe mobile logistique (EML), chantier qui a démarré en avril dernier.

Le rôle de l’EML est double. D’abord reprendre à son compte toutes les tâches « non-soignantes » : suivi du matériel défectueux, suivi des prêts d’équipements entre services, gestion des archives, transport du matériel de stérilisation, commande du matériel de laboratoire, réapprovisionnement des salles de soin, réfection des lits, aide à la distribution des repas… Ainsi que les courses : transport des chariots de pharmacie, des documents administratifs, des analyses, des poches de sang…

Recentrer le rôle de l’aide infirmière et administrative

« Tout ce qui demande de sortir du service, c’est à l’équipe mobile logistique de s’en charger », a résumé Camille Dion, l’une des trois supply managers, qui a illustré avec un exemple le temps dégagé. « En début de matinée, on commence avec la réfection des lits en hôpital de jour en médecine, ce qui permet au personnel soignant d’accueillir plus tôt des patients, et plus de patients sur une journée. À l’inverse, en fin de journée, l’EML s’occupe de la réfection des lits en hôpital de jour chirurgical, ce qui permet aussi à cette unité de retirer, l’après-midi, un ETP qui était consacré à cette tâche ».

Mais l’EML (3 à 6 assitants logistiques selon les sites) a aussi comme mission d’assurer le lien entre les fonctions supports (pharmacie, économat…) et les personnels soignants : infirmières, aides-soignants, ainsi que l’aide infirmière et administrative (AIA) dont le travail a été recentré sur tout ce qui concerne le patient et son quotidien : accueil, installation dans la chambre, prise de commande des repas, envois des bons d’examen, réception des visiteurs, gestion du retour (commande d’ambulance, liaison avec la famille ou la maison de repos…).

Réorganisation réfléchie avec les soignants

La logistique n’a pas cherché à imposer ses vues. La réorganisation a été pensée avec les soignants qui ont indiqué quelles tâches ils souhaitaient déléguer. « On a simplement proposé et les soignants ont décidé », a insisté Camille Dion. Le nouveau système a démarré début mai. Quel bilan provisoire tirer après un mois ? Les profils de logisticiens n’ont pas été pourvus. « Mais le côté positif, c’est que nous sommes capables maintenant de mieux définir les tâches dévolues à ce type de poste. » La phase de formation et d’adaptation a été sous-estimée. Entre autres parce que les personnes recrutées n’avaient pas d’expérience en milieu hospitalier. Vivalia a donc allongé cette période d’apprentissage.

L’équipe logistique a fait un « feed-back informel » avec les soignants et une grille des tâches réalisées. De quoi estimer le temps réel consacré aux différentes missions. « Cela a aussi permis de voir si certaines tâches avaient déjà été faites par les soignants par habitude », a ajouté Camille Dion. Laquelle a volontiers admis que le démarrage de la nouvelle organisation a davantage été une contrainte pour le personnel médical plutôt qu’une aide. Pour une bonne et simple raison. Le temps de devenir autonomes, les membres de l’EML ont dû interroger les soignants pour savoir plus sur leur fonctionnement au quotidien.

Un questionnaire de satisfaction sera diffusé au bout de trois mois. « On va aussi évaluer si le nouveau périmètre des AIA a été respecté. Et si on a réellement dégagé du temps pour le personnel soignant », a indiqué Camille Dion. Le programme fait également l’objet d’un suivi du ministère de la Santé.

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