Le nouvel apport des fonctions supports

Redonner du temps médical aux soignants est aujourd’hui un leitmotiv. En janvier dernier, Emmanuel Macron a demandé aux hôpitaux et à leurs fonctions supports de délester au maximum les unités de soins des tâches administratives et logistiques. Et même s’ils font chaque jour feu de tout bois, les professionnels du soutien s’accordent à dire qu’il est possible de faire encore mieux, de la simplification des commandes à la logistique des derniers mètres.

© JMB

« Gagner du temps médical ». L’objectif annoncé par Emmanuel Macron le 6 janvier dernier, lors de la présentation du plan pour l’hôpital à Corbeil-Essonnes, passe évidemment par la formation de nouvelles générations de soignants. Mais en attendant, la refonte organisationnelle est l’un des leviers signalés par le Président, notamment en délestant les soignants « des temps périphériques ». Le chef de l’Etat a précisé sa pensée, c’est-à-dire généraliser la bascule « des personnels administratifs, logistiques, techniques au plus près des services pour permettre aux soignants de se concentrer sur le cœur de leur métier ».

Les fonctions soutien se démènent chaque jour pour permettre aux hôpitaux de tourner rond. « Les personnels administratifs, logistiques, techniques permettent aux services soignants et aux plateaux médico-techniques de fonctionner. Nous sommes déjà au plus près d’eux », tient à rappeler Béatrice de la Chapelle, directrice des achats et de la logistique au CHU de Poitiers en évoquant, entre autres, les brancardiers, les personnels chargés du bionettoyage ou de l’évacuation des déchets.

L’émergence des logisticiens d’étage

Mais il est toujours possible de faire mieux. Et le discours du Président est reçu 5 sur 5, notamment sur la logistique des derniers mètres censée soulager les unités de soins. Même s’il existe peu d’études capables de quantifier le temps passé, « ces tâches sont chronophages et il n’y a aucune plus-value à ce qu’un soignant les prenne en charge », admet Lucie Souchon, directrice adjointe en charge des affaires économiques, logistiques, biomédicales au CH de Beauvais, où, pour l’instant, le magasin livre à la porte des services.

Cédric Garot

« Les soignants effectuent du recensement de matériel, de consommables en vue de passer des commandes. Et il y a, par ailleurs, des référents matériels dans les blocs », témoigne Cédric Garot, directeur des achats, de la logistique et du patrimoine du CHU de Reims. C’est pourquoi, l’établissement marnais a prévu de créer, dans le cadre de la construction du nouvel hôpital prévu cette année, une vingtaine de postes de logisticiens d’étage. Reste à trouver les perles rares. « Il faut trouver pour ces emplois, véritables courroies de transmission, des personnes qui soient formés à la logistique tout en connaissant les problématiques des soignants », cerne Cédric Garot qui insiste sur le déficit de communication : « nous sommes trop cantonnés dans nos métiers et nous n’échangeons pas assez, des deux côtés ».

Les fonctions supports ont perdu de la proximité

Béatrice de la Chapelle

Béatrice de la Chapelle rejoint son collègue. S’il existe un secteur où elle concède des besoins d’amélioration, c’est dans la communication. Un hôpital est une petite ville en soi. Savoir qui y fait quoi et les contraintes qui sont les siennes reste une vraie question. « Quand un cadre de santé a besoin de quelque chose, il peut contacter six ou sept personnes avant de trouver le bon interlocuteur. Surtout si la nature du produit qu’il cherche ne relève pas d’une catégorie évidente », concède-t-elle.

Le CHU de Poitiers a demandé à toutes ses directions de formaliser leur organigramme, d’indiquer clairement qui fait quoi, en précisant les coordonnées de chacun pour le joindre. Des formats « Vis ma vie », sont aussi régulièrement organisés à la logistique, à la pharmacie, dans les magasins de fournitures hôtelières. « Les fonctions support, autrefois à proximité des services, s’en sont éloignées avec les regroupements d’établissements, les directions communes et la constitution des GHT. Les personnes se connaissent moins. Mais, d’un autre côté, ce sont ces nouvelles organisations qui ont permis de faire des économies, en grande partie sur les fonctions supports ».

Des facilitateurs capables de gérer le stock

Mohamed Boubekri

Directeur des achats, de la logistique et du patrimoine du CH des Quatre villes (Hauts-de-Seine), Mohamed Boubekri s’accorde à reconnaître qu’il faut changer les pratiques. « Ce n’est pas parce on a fait toujours de cette façon qu’on doit continuer ». Pour autant, insiste-t-il, « il est nécessaire d’avoir une vraie vision à l’échelle de l’établissement de la professionnalisation logistique et hôtelière, en lien avec le projet médical. Quelle prestation jusqu’au chevet du patient et par qui ? ».

Il réfléchit aussi au déploiement de logisticiens d’étage, des « facilitateurs », qui feront le lien entre les magasins, la lingerie et les unités de soin et maîtriseront la notion de stock. « Un dialogue de gestion a été prévu avec la DRH et la direction des soins pour quantifier le temps passé à ces tâches, voir s’il est possible éventuellement de reclasser du personnel en le formant, et de recruter. »

Lorsqu’elle est en place, comme au CHU de Poitiers, la logistique d’étage peut-elle aller plus loin dans sa prestation ? Béatrice de la Chapelle estime qu’elle assure déjà une interface étendue entre les services et les fonctions supports. Jusqu’à effectuer des demandes de réparations des dispositifs biomédicaux. « Pour ranger les médicaments, apanage des infirmières, il faudrait faire évoluer la réglementation ! »

Repenser les circuits de commande

Lucie Souchon

Au-delà des derniers mètres, Lucie Souchon songe à d’autres décisions capables de soulager les soignants. « La réinternalisation des analyses de laboratoire et une fourniture plus rapide des résultats peuvent permettre aux équipes de ne plus avoir à surveiller un patient qui jusqu’ici restait dans le service et attendait le bilan des examens avant pour pouvoir rentrer chez lui. » La directrice pointe aussi la question des dotations. « On va s’y atteler à Beauvais parce qu’on observe quotidiennement des réajustements effectués par les services, ou des demandes urgentes parce qu’il manque des références ou que la quantité livrée ne correspond plus à la réalité de l’activité. »

Les achats-approvisionnements ont également leur mot à dire pour offrir plus de temps aux unités de soin. Par exemple en allégeant les processus de commandes. Le CHU de Reims les a automatisés, supprimant les bons papiers. « Mais le système ne rassure pas assez les soignants puisqu’il ne fournit pas de date de livraison. Nous allons remédier à cette carence avec un outil d’information en temps réel pour le demandeur, surtout pour le hors-stock », annonce Cédric Garot.

Des équipements pour gagner du temps

Les acheteurs peuvent aussi beaucoup en équipant leurs collègues de matériels qui vont leur faciliter leur quotidien. Solutions numériques pour accélérer les comptes-rendus des médecins, outils de traçabilité des DM afin de les retrouver rapidement, les exemples sont innombrables.  « Au CHB, nous réfléchissons à des laveurs désinfecteurs pour la chaîne de décontamination des endoscopes. On ne supprime pas de tâche administrative mais on permet aux infirmières de se concentrer sur l’activité de soins », illustre Lucie Souchon.

Béatrice de la Chapelle fait observer que les achats sont faits expressément à la demande des soignants. « Les produits de bureautique sont commandés par les secrétaires médicaux, dans chaque service, qui disposent d’un budget pour cela. Les autres achats, personne ne les décide à la place des soignants. Ensuite, nous nous chargeons des procédures pour obtenir les produits dans le respect du code de la commande publique ».

Pour autant, estime Mohamed Boubekri, le rôle d’un acheteur est aussi d’avoir une longueur d’avance. « Il doit s’engager dans du sourcing, proposer des outils innovants, organiser des démonstrations. Il faut challenger les soignants, optimiser le besoin et ne pas juste attendre leur liste au père Noël. La prospective et la veille sont importantes, tout en faisant le tri car certaines technologies n’apportent rien. »

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