Réanimation : le rôle indispensable de la diététicienne

Diététicienne spécialisée en réanimation au centre hospitalier Émile Roux du Puy-en-Velay, Margot Chabanon est titulaire d’un diplôme Interuniversitaire européen (DIU) de nutrition clinique et métabolique. Pour elle, le domaine de la nutrition artificielle n’est pas encore suffisamment développé dans les cycles d’études. A l’occasion de colloques ou de séminaires, elle s’emploie à sensibiliser les services de réanimation à l’importance de la prise en charge nutritionnelle des patients admis en soins intensifs.

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achat-logistique.info : Quelles sont les conséquences d’une dénutrition en réanimation et à quel stade doivent intervenir les diététiciens ?

Margot Chabanon : « La dénutrition en réanimation est associée à une augmentation de la morbidité avec une augmentation de l’incidence des complications infectieuses, de lâchages de sutures, de recours à une trachéotomie, de la durée de ventilation mécanique et de la durée de séjour en réanimation et à l’hôpital.

Elle est également associée à un accroissement du taux de ré-hospitalisation et doit être prévenue pour permettre une meilleure récupération fonctionnelle et une préservation de la qualité de vie. Tout patient séjournant plus de 48 heures en réanimation est considéré comme à risque de dénutrition.

Il faut donc évaluer, suivre le statut nutritionnel de chaque patient et mettre en place une nutrition thérapeutique adaptée. L’implication et le temps de présence dans le service sont primordiaux pour nous. Dans notre hôpital, après un état des lieux dans le service, nous avons commencé un long travail de protocolisation.

Les protocoles permettent d’avoir une prise en charge uniformisée, de nous mettre tous d’accord sur les objectifs à atteindre pour qu’ils soient conformes aux recommandations actuelles. Mais ils doivent s’adapter à chaque patient et être réévalués. »

achat-logistique.info : En réanimation, peut-on parler d’une nutrition sur mesure ?

Margot Chabanon : « Il nous faut en effet veiller à ce que les besoins nutritionnels de chaque patient soient couverts. Toujours en collaboration avec le médecin, je réévalue régulièrement la voie d’abord de nutrition utilisée. Si le tube digestif fonctionne correctement, la nutrition se fera par voie orale et/ou par voie entérale (sonde naso-gastrique, gastrostomie…). Si le tube digestif n’est pas fonctionnel, on utilisera une voie d’abord parentérale (nutrition par les veines).

Lucie Chabanon aux côtés du Dr Rémi Espenel, chef du service de réanimation

Lorsque le patient mange par voie orale, je calcule ses apports spontanés, j’adapte les plateaux aux aversions et envies alimentaires. Je peux également être amenée à enrichir les plateaux pour apporter plus de calories et de protéines sous de faibles volumes ou mettre en place des compléments alimentaires. Enfin, la sensibilisation à la nutrition et la formation régulière des équipes de soins font partie intégrante des missions de la diététicienne. »

achat-logistique.info : Avec quels professionnels travaillez-vous quotidiennement ?

Margot Chabanon : « La diététique est un soin à part entière, mais elle doit être collégiale. La diététicienne doit être la coordinatrice des soins nutritionnels. Elle doit travailler avec tous les membres de l’équipe médicale, paramédicale ainsi qu’avec l’équipe de restauration. Tout part du médecin puisqu’il est le prescripteur pour lequel nous tenons un rôle de conseil. Les infirmiers et aides-soignants assurent le travail de mise en œuvre de la prescription et l’équipe de restauration veille à ce que le bon plateau arrive au bon patient.

Le cadre de santé de l’unité de soins est également un interlocuteur privilégié pour coordonner la prise en charge nutritionnelle et assurer la formation des équipes. Les kinésithérapeutes assurent en outre le travail de rééducation et de maintien de la masse musculaire. L’activité physique est en effet indissociable de la prise en charge nutritionnelle.

Une collaboration avec les pharmaciens est également nécessaire, notamment pour le choix des produits de nutrition artificielle, l’élaboration des protocoles en oligo-éléments vitamines et de nutrition. Ce travail collaboratif doit non seulement améliorer la prise en charge nutritionnelle des patients, mais également permettre une optimisation médico-économique. Lorsque le patient sort du service de réanimation, nous devons également travailler avec nos collègues des autres services pour assurer la continuité des soins et préparer au mieux le retour à domicile du patient. »

achat-logistique.info : Quels sont les critères spécifiques pour la nutrition en réanimation ?

Margot Chabanon : « Un patient de réanimation subit différentes phases d’agressions avec des besoins nutritionnels qui évoluent. Pour chacune de ces phases, ils doivent être calculés et une stratégie nutritionnelle doit être proposée. On conseille “l’underfeeding”, c’est-à-dire une sous nutrition sur la phase aigüe avec des besoins caloriques et protéiques bien définis.

Puis, plus le patient est stable, plus l’apport calorique et protéique pourra être augmenté de façon prudente et progressive. C’est le médecin qui définit la phase dans laquelle le patient se situe. Et le travail de la diététicienne sera de proposer des stratégies nutritionnelles pour couvrir les besoins de chaque patient. »

achat-logistique.info : Comment sont élaborés les compléments alimentaires ? Sont-ils créés sur place ou achetés ?

Margot Chabanon : « Les compléments alimentaires sont achetés par le biais d’un groupement d’achats en collaboration avec le service restauration. En fonction du marché, des tests sont réalisés par les diététiciennes, parfois en collaboration avec les orthophonistes. Dans notre hôpital, par exemple, le service restauration œuvre beaucoup pour le “fait maison”.

Des tests sont actuellement en cours pour produire nos propres compléments alimentaires  enrichis avec de la poudre d’amande, de la poudre de protéine ou du lait en poudre. Nous enrichissons aussi déjà les préparations destinées aux séniors pour leur apporter une meilleure valeur nutritionnelle. »

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