Eco-prescription : l’Hôpital Nord Franche-Comté vise loin pour les anticoagulants

Interpellé par l’origine animale des héparines, l’Hôpital Nord Franche-Comté va réaliser une analyse du cycle de vie des 292 anticoagulants sur le marché français. Avec un objectif : adapter les stratégies thérapeutiques à l’impact environnemental.

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Les heures des héparines sont-elles comptées ? Peut-être pas. Mais ces anticoagulants vont devoir faire leurs preuves face aux défis environnementaux à l’Hôpital Nord Franche-Comté. Telle est l’ambition d’un programme baptisé « Prescription écoresponsable des produits anticoagulants (PEPA) », piloté par Charles Grapinet, pharmacien praticien hospitalier et chef de service de la pharmacie « Groupement de coopération sanitaire (GCS) des établissements sanitaires et médico-sociaux du Nord Franche-Comté », regroupant des structures publiques et privées.

« On suppose que les différents anticoagulants n’ont pas le même impact écologique. De fait, la classe des héparines par exemple est d’origine animale, extraite d’intestin de cochon en provenance d’élevages intensifs, dont 60 % en Chine etc. (…) alors que d’autres sont d’origine synthétique », précise-t-il pour expliquer le choix de l’étude en cours.

Analyser l’impact environnemental

Charles Grapinet

A partir de cette hypothèse, l’hôpital a demandé une évaluation à l’organisme Ecovamed, spécialiste du calcul de l’impact carbone des produits de santé. « Nous avons répertorié 292 spécialités « anticoagulant » et Ecovamed en avait déjà étudié deux, une héparine et un provenant de la chimie », explique Charles Grapinet.

« Leurs données montrent que l’héparine est 50 fois plus impactante que l’autre. De plus, son origine pose sans doute des problèmes en termes d’émissions de gaz à effet de serre, de souffrance animale, de croyance religieuse, de risque épidémique, voire de rupture d’approvisionnement massive », ajoute-t-il.

Le pharmacien entend aller au-delà de l’analyse de l’impact carbone (lire notre article du 30 janvier 2024) de ces médicaments en travaillant sur l’analyse de leur cycle de vie : de la production à l’élimination en passant par la distribution et l’utilisation. « Nous sommes en particulier inquiets à propos de la pollution des eaux  (lire notre article du 12 décembre 2023 ) », confie Charles Grapinet. Ainsi il pense notamment intégrer l’indice PBT dans l’analyse.

Promouvoir l’éco-prescription

L’heure est à la définition de la méthode qui va être adoptée pour définir l’analyse de l’impact environnemental des anticoagulants. Puis, toujours en 2024, l’équipe devra déterminer la manière dont l’étude va être menée, en la sous-traitant et ou en recrutant un ingénieur spécialiste du développement durable.

En 2024/2025, PEPA prévoit une analyse médico-économique des 292 anticoagulants présents sur le marché français, avec l’aide d’un contrôleur de gestion. « Là on ne le limitera pas à au coût d’achat des médicaments, mais aussi celui du traitement des déchets, du temps infirmier pour le mode d’administration… », précise le pharmacien.

La troisième étape consistera à intégrer les données environnementales et économiques dans les stratégies thérapeutiques. Pharmaciens et médecins vont collaborer pour établir des arbres décisionnels pour chaque spécialité médicale à partir des recommandations. « L’objectif sera ensuite de faire la promotion des stratégies les moins impactantes à efficacité égale pour le patient », résume Charles Grapinet.

Un soutien de l’ARS et du GHT

Signe des temps, PEPA est l’un des lauréats de l’appel à projets « Planification écologique du système de santé : volet médicaments et dispositifs médicaux » de l’Agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté. Il s’inscrit dans une logique plus large de Projet de responsabilité populationnelle et environnementale, pour lequel a été recruté un médecin en santé environnemental, Amandine Berdelou, et pour lequel ont été mis en place des groupes de travail thématiques, dont un sur la « juste prescription ».

Outre les 50 000 € attribués dans le cadre de l’appel à projets de l’ARS, le GHT « s’est engagé à mettre à disposition du temps de contrôleur de gestion, de pharmacien et de médecin pour ce sujet », se réjouit Charles Grapinet. A moyen terme, il espère pouvoir communiquer sur la démarche pour en faire profiter la communauté hospitalière.

 

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