achat-logistique.info : L’association fête son 28e anniversaire. Quel est le bilan de santé de l’UDIHR ? Combien d’adhérents regroupe-t-elle ?
Jean-Rémy Dumont : « L’UDIHR se porte plutôt bien. L’association s’est redynamisée. Elle regroupe actuellement environ 150 adhérents, contre moins de 80 en 2019. Notre objectif est de fédérer les responsables de restauration des hôpitaux, leurs adjoints ou les cadres, que ce soit à l’hôpital ou en EHPAD. Pour que tous ces professionnels profitent des partages d’expérience, de la réflexion collective, sans oublier l’assistance juridique que propose l’UDIHR. »
achat-logistique.info : La décarbonation des activités fait figure de plat principal au menu des Assises 2024 à Salon. Avec les estimations fournies par le Shift Project, on a une idée de l’impact carbone de la fabrication des repas, 11 % à l’échelle du secteur de la santé, mais 24 % s’agissant des seuls EHPAD. Des cuisines ont-elles tenté de calculer leur bilan carbone ?
Jean-Rémy Dumont : « Il n’y a pas encore – à ma connaissance – de cuisines centrales qui ont réalisé leur bilan carbone détaillé. Les informations sont obtenues par l’intermédiaire de bilans réalisés à l’échelle des établissements. Dans notre domaine, les émissions de gaz à effet de serre proviennent notamment de l’achat des denrées qu’on fait parfois venir de loin, mais aussi du déplacement des personnels.
Concernant l’impact carbone des matériels et des équipements, nous n’avons pas trop de recul. Les industriels fournissent des consommations par machine et travaillent à proposer des matériels plus sobres. Pour autant, nous ne disposons pas encore de modèles capables d’affirmer que telle cuisine avec tel mode de fonctionnement produit tant de CO2. »
achat-logistique.info : Comment la restauration hospitalière peut-elle parvenir à réduire ses émissions de GES ?
Jean-Rémy Dumont : « Il existe plusieurs sources de décarbonation. L’offre alimentaire est la première. Cela commence par produire juste à temps, en trouvant l’adéquation entre les quantités à produire et celles à servir. Cela génère beaucoup moins de gaspillage alimentaire, important à l’hôpital parce qu’on accueille des convives du début de vie à la fin de vie, avec toutes les pathologies. Cela passe par la mise en place d’un système de réservation de repas, de commande au lieu d’un système basé sur les aversions. C’est une formule sur laquelle il faut travailler car elle amènera aussi plus de satisfaction.
Il faut également réfléchir aux menus, à la composition des plats, en les végétalisant. C’est reste délicat à faire en milieu hospitalier, car la protéine animale est a priori de meilleure qualité nutritionnelle que la protéine végétale.
La manière de produire cette offre est une autre source de décarbonation. C’est-à-dire s’organiser de manière à réduire la consommation énergétique, en essayant par exemple d’optimiser les chargements de fours, ou de modifier les plages horaires pour permettre aux agents de covoiturer et d’utiliser les transports en commun.
Comme nous avons la volonté d’agir pour la restauration en milieu hospitalier, nous avons lancé un appel à projet innovant en faveur du développement durable avec une dotation de 10 000 euros. Cette année, on donnera même 11 000 euros puisqu’on va récompenser un EHPAD et le CHU de Strasbourg (lire notre article du 7 mai 2024 ). Cette initiative sera reconduite. »
achat-logistique.info : La réglementation (Egalim, Climat et résilience) impose d’importants défis pour la restauration, avec des quotas de produits à atteindre dans les achats, des menus végétariens, la lutte contre le gaspillage, et la fin des matières plastiques pour les contenants de cuisson, de réchauffe et de service d’ici janvier prochain. Les cuisines hospitalières réussissent-elles à appliquer les textes ?
Jean-Rémy Dumont : « Aux HCL, nous sommes parvenus à 24 % de denrées à haute valeur environnementale et 13 % de bio en 2023, autrement dit nous nous situons dans une moyenne haute. Il faut reconnaître que la restauration hospitalière est moins avancée que la scolaire et la territoriale. Cependant, ces dernières ont des volumes moindres, ce qui leur permet de faire des achats de proximité, à l’inverse des hospitaliers qui ont tendance à se regrouper pour massifier et générer des gains financiers.
Le secteur hospitalier a aussi délaissé l’alimentation et les ressources que l’on donne au corps pour se renforcer. Par voie de conséquence, nous ne disposons pas des budgets que nécessitent les objectifs réglementaires. Il faudrait pouvoir passer de 3 à 4 euros par repas pour acheter des produits plus qualitatifs. Il y aussi beaucoup à faire sur les opérations de tri des biodéchets reliefs de repas et leur valorisation. Cela fonctionne dans les selfs, mais encore insuffisamment dans les unités de soins.
Concernant les contenants en plastique, je voudrais rappeler que l’UDIHR, sensibilisée aux perturbateurs endocriniens par le docteur Farbos (Isabelle Farbos, docteur en génétique et biologie moléculaire, NDR), est à l’origine de cette obligation car c’est elle qui a signalé aux pouvoirs publics que le secteur hospitalier avait été oublié alors qu’il est le plus gros producteur de repas.
Cette transformation sera compliquée parce que des surfaces et du personnel ont été rendues lorsque nous sommes passés au plastique et à l’usage unique pour des raisons d’efficience. Il faudra mettre la main à la poche et investir. Dans le cas contraire, certains opteront pour un lavage externalisé. Mais envoyer de la vaisselle se faire laver à des kilomètres, est-ce de la sobriété ?
Néanmoins, ce changement de paradigme est aussi une opportunité de s’engager dans la RSE, en travaillant avec des entreprises d’insertion ou du secteur du handicap, à l’image des légumeries. Ce qui nous sortira de l’impasse, c’est l’innovation et l’audace de réinventer nos conditions de travail, nos façons de faire. Et je rappelle que l’APIIRH 2024 apportera une aide substantielle en ce sens. »
achat-logistique.info : La frugalité énergétique sera l’un des autres thèmes traités lors des Assises de l’UDIHR à Salon. Est-il possible de produire des repas en consommant moins d’électricité ou de gaz ? Demandez-vous des matériels moins énergivores aux fabricants ?
Jean-Rémy Dumont : « Les réflexions portent sur l’amplitude horaire, les moyens de condenser la production et de parvenir à un fonctionnement moins long des équipements. Il faut faire attention à ne pas trop exiger dans les cahiers des charges car on attend aussi un certain rendement des matériels que l’on achète. La question doit être étudiée en partenariat avec l’ADEME et les industriels. »
achat-logistique.info : Quid de la consommation d’eau ?
Jean-Rémy Dumont : « Nous avons conscience du sujet. Pour vous donner un exemple un repas produit nécessite 4 litres aux HCL. Et nous produisons 16 à 17 000 repas par jour. Malheureusement, l’eau est aujourd’hui considérée comme « gratuite » et non comme une ressource rare. Il existe donc peu de dispositifs de recyclage ou de récupération. »
achat-logistique.info : Les Assises seront aussi l’occasion de tenir l’assemblée générale. Faut-il s’attendre à des changements au comité directeur de l’association ?
Jean-Rémy Dumont : « Non, le renouvellement du bureau aura lieu l’an prochain. Mais nous allons changer les statuts afin d’élargir le comité directeur et d’y accueillir plus de membres »