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Clause sociale : ouvrir le champ des possibles

Même si la part des marchés assortis d’une clause sociale a fait un bond en quelques années (de 12,5% à 22,3% entre 2019 et 2022 selon le recensement OECP), ce dispositif d’insertion est loin d’avoir donné toute sa pleine puissance. Aussi bien pour le volume des contrats éligibles, la variété des segments d’achats concernés, ou encore la diversité des publics bénéficiaires.

Près de trente ans après sa naissance, la clause sociale n’a pas exploré tout son potentiel. Ni quantitativement, ni qualitativement. C’est ce qu’il ressort de la dernière étape du Tour de France sur le sujet organisée au siège du conseil régional d’Ile-de-France, le 6 novembre, par Alliances Ville Emploi (AVE) avec l’aide de plusieurs agences publiques et ministères. « Il y a encore plein de promesses », a assuré Emmanuel Bézy, chef du département solidarités et emploi à la Direction régionale et interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) francilienne.

Côté volume, l’ambitieux objectif fixé par le Plan national pour des achats durables (PNAD) – soit 30 % des marchés intégrant une considération sociale d’ici l’année prochaine – n’est pas encore atteint. Par sa progression, l’Etat, avec 24,7 % en 2023 contre 7,7 % en 2022, donne l’exemple. L’année dernière, la maison France a dépassé le cap des 5 millions d’heures d’insertion réalisées dans le cadre de ses marchés.

Du potentiel dans les hôpitaux

Il reste beaucoup de grain à moudre, notamment dans le secteur de la santé qui ne figure pas parmi les meilleurs élèves. Dans la Nièvre, 97 000 heures d’insertion ont été effectuées en 2023 grâce à une cinquantaine d’acheteurs publics. Aucun établissement sanitaire ou médico-social ne figure dans la liste. Cause ou conséquence, les acheteurs hospitaliers sont rarement sensibilisés à la démarche. Et ils n’ont par exemple jamais été cités lors de la plénière de l’ultime étape du Tour de France.

Plusieurs établissements ont pourtant montré la voie à suivre. Le CH d’Arras a ainsi activé, pour la première fois, une clause sociale dans un marché de nettoyage (lire notre article du 6 septembre 2023). Le GHT Sud Lorraine a signé, il y a deux ans, une convention avec Maison de l’emploi du Grand Nancy afin d’élargir la possibilité d’insérer des clauses sociales à l’ensemble de ses marchés (lire notre article du 30 mars 2022). En 2023, le bilan affiche 18 235 heures de travail réalisées  par des entreprises d’insertion  professionnelle et 40 personnes bénéficiaires d’un contrat de travail.

Sortir du tout BTP

L’autre marge de progrès, c’est la nécessaire diversification des secteurs d’activité concernés par la clause, avec l’ouverture aux professions de la restauration, de la logistique, et même aux prestations intellectuelles… Car le bâtiment et les travaux publics continuent de se tailler la part du lion (46 % du total des heures d’insertion selon l’étude menée par AVE en 2021).

« Il faut sortir du tout BTP et aller sur des marchés de services, de fournitures », a indiqué Jean Gaël Bacchelli, coordinateur départemental du CD de Seine-Saint-Denis. Même s’il s’agit d’un apanage parfois en trompe l’œil. Des acheteurs ont témoigné que certaines entreprises préfèrent employer les heures au nettoyage ou à la surveillance du chantier, au lieu d’initier les bénéficiaires à des métiers plus techniques.

Penser aux femmes

L’autre enjeu, c’est aussi l’élargissement des publics visés. Les dispositifs mis en place profitent en effet généralement  à des hommes peu diplômés. L’année dernière, les femmes représentaient 18 % des bénéficiaires à l’échelle nationale.  Selon les bilans présentés lors du Tour de France de la clause sociale, 91 % des 4231 personnes insérées grâce à des marchés passés pour la réalisation des ouvrages olympiques étaient du sexe masculin. Le taux atteint 70 % (sur 3900 personnes) s’agissant des contrats de Paris 2024, comité d’organisation des JOP.

Certaines catégories d’âge sont régulièrement oubliés. Selon l’étude AVE précitée, 56 % des participants à une clause en 2021 avaient entre 26 et 50 ans. Seniors et plus jeunes pourraient être mieux lotis. Le centre hospitalier Le Vinatier, dont le quart de la patientèle a moins de 18 ans,  a ainsi mis en place une clause contre le décrochage scolaire (lire notre article du 9 avril 2024).

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