Entreprises du DM : état des lieux mi-figue, mi-raisin

Avec plus de 32 milliards de chiffres d’affaires et une croissance de 5,2 %, les professionnels du dispositif médical pourraient afficher le sourire. Mais la perte de plus d’une centaine d’entreprises en deux ans ternit le panorama, symbole d’une industrie dont l’élan se dit toujours et encore freiné par des prix trop bas et un règlement européen trop contraignant. En mettant en lumière les chiffres 2023 du secteur, le Snitem a donc dépeint le tableau d’une filière en clair-obscur…

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Pour la quatrième fois depuis 2017, le Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem) livrait, lundi 5 février, les derniers chiffres de la filière du DM ainsi que ses états d’âme. Conduite par D&C Consultants, en partenariat avec Bpifrance et Eurazeo, l’enquête, menée en ligne auprès de plus de 200 opérateurs, commençait plutôt bien avec un chiffre d’affaires global de près de 32 milliards d’euros en 2023 (à quoi il faut ajouter deux milliards avec la sous-traitance), les deux tiers réalisés sur le marché national.

La croissance de la filière sur la période 2021-2023 atteint en moyenne 4,9 % par an, avec une augmentation du chiffre d’affaires France d’environ 5,2 %, supérieure à celle de l’export (+ 4,3 %) et plus particulièrement portée par les DM de diagnostic in vitro ainsi qu’un rattrapage post-COVID des ventes. Au total, quelque 1400 entreprises ont ainsi été recensées, pour les ¾ françaises et dont 57 % ont une activité de production sur le sol national (408 sites). Neuf sur 10 sont exclusivement dédiées au dispositif médical, ce qui en fait évidemment des spécialistes de la question.

119 disparitions

Mais l’atout peut aussi se révéler un talon d’Achille et, avec 93 % de PME ou TPE, dont plus de 70 % ont moins de 50 salariés, la filière présente donc également ses fragilités. Ainsi, si 36 entreprises ont vu le jour depuis 2021, 119 entreprises ont, elles, disparu au cours de ces mêmes deux ans, dont ¾ qui ont définitivement glissé la clé sous la porte.

D’ailleurs, rapporté sur la période 2017-2023, le taux de croissance moyen se réduit à 2,5 % seulement. De fait, dans un secteur « caractérisé par une multitude de produits dont le cycle de vie est court et l’innovation permanente », comme le soulignait la présidente de D&C Consultants, Dominique Carlac’h, les sujets de préoccupations, déjà identifiés en 2021, marquent leur poids de façon de plus en plus marquée.

Le MDR toujours pas derrière !

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D’abord la nouvelle réglementation européenne, encore et toujours même si la période de transition pour les produits existants a été prolongée à fin 2027 ou fin 2028 selon la classe de DM concernée (lire notre article du 8 mars 2023). Le panorama met des chiffres sur les maux : ainsi, si plus de 8 entreprises sur 10 ont bien déposé des demandes de certifications MDR, seulement ¼ avaient obtenu les fameux sésames en décembre dernier !

Malgré les aides de Bpifrance (41 PME soutenues pour l’accompagnement réglementaire à hauteur de 1,5 M€), 79 % des interrogés déclarent avoir dû engager des moyens pour se conformer au nouveau cadre, financiers avec une hausse de 54 % des dépenses additionnelles par produit et humains en mobilisant jusqu’à 90 % de leurs effectifs R&D durant plusieurs années, au détriment justement de ladite activité.

Un accès au marché contrarié

Car côté R&D justement – activité qui absorbe chaque année quelque 7 % du chiffre d’affaires du secteur – le tableau ne semble guère plus réjouissant. Certes, l’innovation est appuyée nationalement et financièrement accompagnée : 250 projets financés par Bpifrance pour 328 M€, dont 228 M€ pour la seule R&D, soit +/ 50 % par rapport à 2022.

Mais beaucoup de dispositifs dédiés restent méconnus et les chiffres parlent d’eux-mêmes : seulement 4 forfaits innovation publiés au Journal Officiel entre 2021 et 2023, une seule entreprise bénéficiaire de dispositif de prise en charge anticipé Pecan fin 23. Le modèle du PLFSS entretient par ailleurs l’incertitude sur les politiques tarifaires, d’où, in fine, un marché national jugé « opaque, inflexible et coûteux » par les professionnels.

Des conséquences conséquentes

Résultats : un manque de reconnaissance ressenti par l’ensemble du secteur dont seulement 16 % des opérateurs estiment leur contribution considérée par les pouvoirs publics. Et des chiffres couperets :  à cause du MDR, une entreprise sur deux a déjà envisagé ou même déclenché des arrêts de commercialisation tandis que 46 % des acteurs ont carrément renoncé à la mise sur le marché d’un DM en France (vs 40 % en 2021), près de la moitié pour des questions de prix ou de remboursements jugés inadéquats.

Interrogées sur l’avenir, 57 % des entreprises estiment même que l’essentiel de la croissance se fera à l’international (57 %) tandis qu’en parallèle, les entreprises favorisent des projets d’acquisitions en Europe (37 %) plutôt qu’en France (27 %)… Au moment où la question de la souveraineté se fait centrale, des positions qui ne peuvent qu’inquiéter l’univers de la santé.

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