Rosalie Lecoq (Resah)  : la mutualisation est plus que jamais nécessaire pour les achats d’énergie

Alors que les cours du gaz et de l’électricité flambent et que l’incertitude plane sur les approvisionnements, Rosalie Lecoq, directrice du pôle énergie et transition énergétique du Resah, insiste sur l’importance pour les établissements sanitaires et médico-sociaux d’être épaulés. Aussi bien pour mieux acheter et suivre l’exécution des contrats que pour maîtriser et réduire ses consommations.

achat-logistique.info : Les acheteurs ne savent plus à quel saint se vouer pour se fournir en énergie à des prix raisonnables. L’achat groupé est-il le meilleur moyen de limiter l’envolée de la facture ?

Rosalie Lecoq  : « La mutualisation n’a jamais été autant nécessaire que maintenant, compte-tenu de la complexité du contexte, de la nécessité d’être accompagné d’experts techniques, de suivre le cours de l’électron et du gaz au jour le jour, ainsi que l’importance de suivre l’actualité réglementaire du secteur de l’énergie. Les établissements du secteur public sanitaire et médico-social ont besoin d’être accompagnés aussi bien pour la passation de leurs marchés, que pour la fixation des prix ou encore, le suivi et l’optimisation de leur marché.

Si la trajectoire se poursuit, le cours marché 2023 de l’électricité devrait quadrupler, celui du gaz tripler par rapport à 2022 (source EEX Powernext, NDR). Malgré tous les moyens déployés, les marchés du Resah ne seront pas épargnés par ces hausses. Toutefois, l’impact, bien que loin d’être négligeable, devrait être plus « mesuré » pour nos bénéficiaires dans le contexte actuel.

Si on prend l’exemple du gaz naturel, le prix moyen rendu site devrait être multiplié par 2,4 en 2023 engendrant ainsi une hausse importante par rapport à 2022. Pour autant, le prix moyen des cours marché 2023 est actuellement 2 fois plus élevé que le prix moyen d’achat du Resah évitant ainsi une hausse encore plus conséquente pour nos bénéficiaires…

Je tiens à préciser, par ailleurs, que la moyenne des prix pour l’année 2022 du mégawatt heure de gaz pour l’ensemble des marchés passés par le Resah (avec un prix de 14,89 €/MWh, incluant uniquement la fourniture sans les CEE, etc. soit un tarif de 47,92 €/MWH TTC rendu site) était déjà particulièrement performante.

Il est également important de souligner le fait que la performance globale de nos marchés pour l’année 2022 prend en compte les prix, nécessairement plus élevés, qui sont issus des marchés groupés passés par le Resah pour des établissements « retardataires », lesquels, sans l’intervention du GIP, n’auraient plus eu de contrat fin 2021. »

achat-logistique.info : Comment êtes-vous parvenus à obtenir cette hausse moins importante ?

Rosalie Lecoq  : « En termes de pratiques d’achat, nous sommes restés dans une logique de bon gestionnaire, en agissant toujours avec prudence et réactivité. Cette politique nous a toujours animés, et ce depuis plusieurs années en recourant à l’achat dynamique (achats par clics) de façon à lisser le risque face à cette volatilité des marchés inédite.

Lors du déclenchement de la guerre en Ukraine, nous avons su faire preuve d’agilité en agissant avec réactivité aux événements géopolitiques. Nous avons révisé en urgence notre stratégie d’achats pour les marchés déjà notifiés, afin de l’adapter à la situation. Un suivi hebdomadaire a été réalisé, en étroite collaboration avec notre assistant à maîtrise d’ouvrage.

Cela reste difficile de se prémunir du risque d’avoir un prestataire défaillant qui ne peut plus répondre à la demande. Mais notre centrale peut compter sur des fournisseurs solides avec lesquels nous échangeons régulièrement. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que la situation est très instable et qu’il faut rester vigilant et prudent. »

achat-logistique.info : À quoi faut-il s’attendre pour 2023 ?

Rosalie Lecoq  : « Concernant l’évolution des prix de l’énergie au niveau national ou international, tout est désormais possible. Il faut se souvenir qu’en 2008, au moment de la crise des « subprimes », le cours avait approché les 100 euros par MWh. Il a atteint les 1 100 euros du MWh en août 2022. C’est du jamais vu ! Même s’il est difficile d’envisager tel ou tel scenario, on peut, en revanche, s’attendre au maintien de tarifs élevés pendant une assez longue période, sans parler du risque d’approvisionnement cet hiver…

Il faut donc se préparer et apprendre de cette crise pour réfléchir aux moyens capables de réduire, à court et moyen terme, la consommation et l’efficacité énergétique, comme le soulignait Stéphane Pardoux, le directeur général de l’ANAP lors de son webinaire le 30 septembre dernier.

C’est d’ailleurs dans cette voie que s’est engagé le Resah, en mettant en place, dès 2018, une offre dédiée au management de l’énergie destinée à ses adhérents. »

achat-logistique.info : Quelles sont les solutions envisageables ?

Rosalie Lecoq  : « D’abord travailler en quelque mois sur des gains rapides, comme l’usage raisonné du chauffage et de la ventilation, le pilotage des températures, l’isolation des réseaux d’eau chaude (lire notre article du 23 septembre 2022). Réaliser un diagnostic énergétique complet, en lien avec l’application du décret tertiaire, suivre au plus près ses consommations grâce à une solution d’information de management de l’énergie (SIME) permettront d’entreprendre les actions nécessaires, à l’image de la modernisation des installations de chauffage. Toutes ces actions, avec l’envolée des cours, permettent une meilleure maîtrise du coût global de la consommation énergétique et sont donc très intéressantes sur le plan financier.

Comme pour l’achat d’énergie, cette démarche de maîtrise des consommations nécessite de se faire accompagner. Nous organisons une visioconférence d’actualité le 20 octobre prochain, où toutes ces solutions seront détaillées et notamment le parcours modulaire « sobriété énergétique » que le Resah va proposer à ses adhérents afin de les accompagner de manière pragmatique durant toutes les étapes à mener : de l’analyse des besoins jusqu’à la planification, sans oublier le montage et le financement des marchés de travaux associés.

La mutualisation des expertises et des achats peut là encore jouer un rôle essentiel. Nous coordonnons et cofinançons actuellement, avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), un projet pilote de maîtrise des consommations énergétiques. Spécialisé dans les questions énergétiques, un économe de flux, salarié à temps plein du GIP, apporte son appui à un groupe de cinq établissements représentatifs du secteur hospitalier et médico-social  (trois en Ile-de-France, un en Occitanie, un dans les Hauts-de-France), afin de les aider à répondre aux obligations du décret tertiaire, accélérer la transition énergétique, ainsi qu’à identifier les moyens capables de réduire la consommation et mutualiser les bonnes pratiques. »

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