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Pénuries des médicaments : les remèdes commencent à faire effet

Avec près de 5000 ruptures de stock avérées ou potentielles signalées en 2023, les médicaments français sont incontestablement sous pression. Mais face à nos voisins, la situation serait presque enviable et les différentes mesures prises semblent commencer à agir : moins de 4000 signalements attendus pour 2024 selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) présente aux Journées achat et logistique de Montrouge.

© Epictura

C’est l’histoire du verre à moitié vide ou et du flacon pharmaceutique à moitié plein. En 2023, 1555 signalements de ruptures de stocks et 3370 risques de pénurie ont été enregistrés en France, soit un total de 4925 alertes illustrant près d’un tiers d’augmentation en un an… Un chiffre qui a donc plus que doublé comparé à 2021 et carrément décuplé en dix ans, même si son recueil a aussi largement évolué.

Frédérique Plassart © LD

« Pour un centre hospitalier comme Argenteuil, cela se traduit par 20 à 50 produits concernés par des tensions, ruptures et/ un contingentement », rapporte Frédérique Plassart, pharmacien hospitalier dudit site, présente à l’atelier « Produits de santé : de nouvelles stratégies contre les pénuries » organisé le 5 décembre à Montrouge, dans le cadre des journées achat et logistique 2024. En tête : les médicaments du système cardiovasculaire, les anti-infectieux généraux ainsi que les antinéoplasiques et immuno-modulateurs.

La France moins touchée que ses voisins

Pour autant, la France n’est pas le territoire le plus touché. Alors que 95 % des pharmaciens hospitaliers européens dénoncent ainsi d’une seule voix les ruptures comme un problème fréquent, susceptible même d’impacter la qualité des soins pour deux d’entre eux sur trois, la France connaît un nombre de pénuries actives en deçà de ses voisins : 197 contre 467 en Allemagne, 746 en Espagne 1671 en Belgique ou encore 1936 en Italie.

Bénédicte Bertholom

Et si ces chiffres ne sauraient être considérés comme absolus compte tenu des définitions et règles différentes d’une agence des médicaments à l’autre (projet d’harmonisation européenne en cours, avec déjà une première liste de médicaments critiques publiée en 2023), ils témoignent, malgré tout, des efforts réalisés sur notre territoire pour mieux prévenir et gérer ces tensions. Un chiffre l’illustre : 3479 alertes au 25 novembre 2024, ce qui en laisse augurer moins de 4000 en fin d’année selon la directrice adjointe de la Direction de l’Inspection de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), Bénédicte Bertholom.

Une plateforme européenne de surveillance en février

Des efforts déployés en amont d’abord, avec une liste de médicaments thérapeutiques d’intérêt majeur (MITM) – 8000 à ce jour mais évolutive – contraints de disposer de stocks de sécurité de 2 mois, voire 4 mois pour les 10 % les plus critiques. En septembre dernier, 11 laboratoires ont écopé d’une sanction de 8 millions d’euros pour ne pas avoir respecté cette obligation pour 33 de leurs spécialités.

Afin de permettre aux hôpitaux de s’organiser, une veille sanitaire bimensuelle organisée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) s’ajoute aussi désormais aux plateformes de reporting des laboratoires (Hospistock, Hospitalis/Hospivigie), sans oublier la future plateforme européenne de surveillance des pénuries (ESMP) conduite par l’Agence européenne du médicament dont le lancement complet aura lieu le 2 février prochain, avec utilisation obligatoire par les titulaires d’’AMM.

Plus de 3000 contingentements quantitatifs

Face aux tensions, la réactivité constitue une autre clé majeure : le plus souvent sous la forme d’un contingentement quantitatif (3034 en 2023), mais également parfois d’un stock de dépannage (Torisel), d’un contingentement qualitatif (Rifampicine), d’une dérogation ponctuelle à la réglementation (Roxithromycine) ou encore d’une restriction du circuit de distribution (amoxicilline pédiatrique).

Et Bénédicte Bertholom, l’assure : entre la nouvelle feuille de route 2024-2027 publiée en février dernier (lire notre article du 21 mars 2024) et la nouvelle stratégie gouvernementale, d’autres processus devraient aussi venir progressivement : dispositif de préparations hospitalières spéciales, dispositif dit « Florange » incitant l’industriel arrêtant la commercialisation de MITM à trouver un repreneur ou accordant la concession d’exploitation et de fabrication à l’Établissement Pharmaceutique de l’AP-HP… De quoi donc préserver un peu plus la disponibilité des médicaments et assurer à plus long terme une souveraineté industrielle.

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