Délais de paiement : un scoring pour le secteur public ?

A l’occasion des Assises des délais de paiement, le 9 novembre, Olivia Grégoire, ministre déléguée aux PME, a annoncé qu’elle voulait accélérer la mise en ligne de la base de données concernant les délais de paiement des entités publiques, prévue par la loi PACTE. Président de la CPME, François Asselin a suggéré d’aller plus encore loin, en établissant un classement des bons et mauvais payeurs.

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Ne pas payer ses factures en temps et en heure ? Un comportement « nocif » et « irresponsable », a dénoncé Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, lors des Assises des délais de paiement, accueillies par la Banque de France le 9 novembre. Pour les TPE-PME, déjà secouées par la crise sanitaire, l’inflation, les problèmes d’approvisionnement, la pénurie de main d’œuvre, l’absence des règlements peut devenir « létale », a prévenu la ministre.

Dans le domaine, la France, à l’échelle européenne, est loin d’être un mauvais élève. Notamment le secteur public, pourtant souvent critiqué. Certes, le dernier rapport de l’Observatoire des délais de paiement pour l’année 2022 note que les délais de la sphère publique demeurent « un point d’attention », voire un « point d’alerte » pour certains fournisseurs. Pour autant, le délai global de paiement reste dans le cadre fixé par la réglementation. L’Etat se situe globalement bien en-dessous de la ligne jaune des 30 jours.  Malgré une hausse des demandes (3,8 millions de demandes de paiement, +2,4 % par rapport à 2021), son DGP atteint ainsi 16,9 jours, même si la situation diffère d’un ministère à l’autre.

Allongement des délais de paiement des collectivités et des établissements de santé

Côté collectivités et établissements de santé confondus, le DGP s’établit à 28,9 jours (+1,3 jour) pour 2022 « à contrecourant de plusieurs années d’amélioration régulière ». Un phénomène qui s’explique en partie par les conséquences de la crise sanitaire et du conflit russo-ukrainien. Cette moyenne cache évidemment bien des disparités. Bien qu’il reste dans les clous, le DGP des collectivités territoriales a augmenté quelle que soit la nature de l’organisme (19,5 jours en 2022 contre 18,7 jours en 2021 pour les communes, 19,3 jours au lieu de 18,9 jours pour les départements par exemple).

La situation se détériore encore plus s’agissant des établissements de santé. La DGP globale du secteur atteint 57,3 jours (+5,1 %), au-delà donc de la limite fixée par les textes. L’allongement des délais est plus ou moins importante en fonction des structures : + 3,4 % pour les EPS aux recettes inférieures à 20 millions d’euros, +12 % pour la tranche 20/70 millions d’euros (67,2 jours), et +4,3 % pour la tranche 70/150 millions d’euros. Les gros établissements (recettes supérieures à 150 millions) réduisent en revanche le laps de temps, passant de 45,5 à 41,2 jours (-9,6 %).

Accélérer la mise en ligne de la base prévue par la loi PACTE

Présidente de l’Observatoire des délais de paiement, Virginie Beaumeunier veut « identifier les causes des retards » : si certains payeurs sont de mauvaise foi, d’autres ne se préoccupent pas suffisamment de cette question « du respect de l’engagement contractuel » et ne cherchent pas à améliorer leur organisation. L’Observatoire cherchera à trouver des solutions bâties à partir de bonnes pratiques. De son côté, Olivia Grégoire a promis d’être au rendez-vous de la médiatisation des acteurs qui ne jouent pas le jeu. Pour ne pas se contenter de la publication sur le site de la DGCCRF des entreprises privées sanctionnées pour non-respect des délais de paiements imposés par le Code du commerce.

Olivia Grégoire

« Les entités publiques ne sont pas exemptes. Il n’y a aucune raison, à mon avis, d’être plus complaisant avec elles qu’avec les acteurs économiques. Il y aurait peut-être même des raisons d’être plus exigeant. Ces entités doivent, a minima, faire preuve de transparence, et peut-être, avec un peu d’ambition, être exemplaires », a indiqué la ministre qui a annoncé sa « volonté d’action rapide » s’agissant de la publication des délais de paiement des personnes publiques (la loi PACTE du 22 mai 2019 prévoit la mise en œuvre d’une base de données consultable sur le site du ministère des Finances, NDR), « dans les plus brefs délais ». De quoi affranchir les éventuels candidats aux appels d’offres.

Président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, François Asselin veut aller plus loin, étant donné la situation « hétérogène » du secteur public : certains sont « remarquables », d’autres « épouvantables ». C’est pourquoi il lance l’idée d’un classement des acheteurs publics. « S’il existe un « name and shame dans le secteur marchand, on pourrait peut-être établir un scoring des meilleurs et des moins bons payeurs », a-t-il proposé. Pour l’instant, il n’est pas question de tableau d’honneur ou de liste des cancres.  La future base de données sera publiée « brute avec les résultats », a répondu Virginie Beaumeunier. « Mais je suis sûr qu’il y aura des tas d’acteurs qui feront ce scoring… », a-t-elle aussitôt ajouté avec malice.

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