125 000. C’est le nombre annuel de déjeuners à emporter vendus par les huit selfs des établissements du GHU AP-HP Nord (Saint-Louis/Robert Debré/Lariboisière/Fernand Widal/Bichat/Beaujon/Louis Mourier/Bretonneau). Soit 21 % du total des 600 000 repas confectionnés par les cuisines. La proportion peut grimper jusqu’à 40 % en fonction de la saison. Surtout quand le soleil montre le bout de son nez. Un phénomène encore plus marqué dans les hôpitaux bénéficiant de jardins ou d’espaces arborés.
Côté comportement alimentaire, le Covid a laissé des traces. Initiée juste avant la crise sanitaire dans les restaurants collectifs précités, la vente à emporter est ensuite devenue la règle pendant la pandémie avec la fermeture des selfs. Avant de rester très tendance pour une partie des convives à Paris, comme dans le reste du pays (lire notre article du 22 novembre 2021 ).
Barquettes et couverts à la poubelle
Peu d’entre eux, adeptes d’une pause méridienne à l’extérieur ou au bureau, pensaient à apporter contenants, fourchettes, cuillères et couteaux. Le GHU AP-HP Nord devait donc fournir les traditionnelles barquettes en plastique, plus des couverts. Le tout finissait à la poubelle des hôpitaux à la fin du déjeuner. Pour des raisons environnementales et financières, le groupe hospitalier décide de mettre les bouchées doubles afin d’abandonner l’usage unique.
Mais par quoi le remplacer ? Les différentes options de matériel sont examinées, ainsi que leurs usages, comme la consigne (retenue par exemple par le CH de Chambéry, lire notre article du 19 mars 2024). La solution retenue est l’achat de boîtes destinées à être offertes au personnel. « Le plus difficile a été de choisir le bon produit », observe Romain Duvernois, directeur des achats et de la logistique du GHU.
Du plastique de qualité

© GHU AP-HP Nord
Après un benchmark, des essais sont menés dans des services volontaires, en lien avec les représentants du personnel. Le verre est écarté, en raison de son poids, mais pas seulement. « Il n’est pas empilable facilement. Et nous n’avons pas trouvé d’ensemble solidaire capable d’accueillir le plat principal, l’entrée et le dessert », complète Romain Duvernois. L’inox, pas micro-ondable, est également mis de côté.
Reste le plastique. Mais là encore, il faut dénicher un objet suffisamment volumineux, au prix acceptable. « Le coût d’une boîte peut monter jusqu’à 40 euros pièce », rappelle le directeur des achats et de la logistique. « Après les tests, nous avons choisi un modèle qualitatif, à la forme originale, plus lourd que les barquettes, puisqu’il repose sur quatre pieds. » Grâce à la stabilité et la solidité, on peut y découper ses aliments.
Un kit bento et un tote bag
Composé de trois éléments empilables, le kit « bento » peut être réchauffé au micro-ondes, à l’exception des couvercles. « Nous avons vérifié la qualité du plastique pour qu’il soit non émissif », rassure Romain Duvernois. 5000 de ces kits, accompagnés de leur « tote bag », sont achetés en plusieurs vagues. Montant de l’enveloppe : 35 000 euros TTC.

© GHU AP-HP Nord
Sur chaque site, le matériel a été distribué de mai 2023 au printemps 2024 par les équipes de la restauration aux convives les plus réguliers, recensés après extraction dans les bases de données. Le GHU ne compte pas racheter de kits. « C’est du one shot. Il a été décidé de financer le lancement du changement de pratiques, le temps de laisser aux convives le temps de s’habituer à l’arrêt de l’usage unique ». Les utilisateurs des selfs continuent d’ailleurs d’avoir le droit d’utiliser leurs propres ustensiles.
Clef de l’initiative, une communication a expliqué les tenants et les aboutissants de l’arrêt de l’ancien système. Et a aussi précisé le bon usage de la « bento » ainsi que les responsabilités de l’utilisateur, qu’il s’agisse des règles d’hygiène ou des conditions de conservation des mets à respecter. « La consigne est naturellement la consommation immédiate après le remplissage », résume Romain Duvernois.
Déjà 91 000 euros économisés en 2024

© GHU AP-HP Nord
La mayonnaise a bien pris. « Un an et demi après, on continue de croiser à midi les agents munis de leur sac bleu logotypé. C’est satisfaisant parce que cela signifie qu’on est parvenu à changer durablement les comportements dans nos selfs », signale le directeur des achats et de la logistique.
Lequel se félicite du bilan de l’opération. En 2024, 91 000 euros ont été économisés par rapport à 2022, grâce à la dépense esquivée des barquettes et des couverts en bois à usage unique. « Comme les boîtes ont été distribuées jusqu’au printemps, il ne s’agit pas d’une année pleine », ajuste-t-il. C’est pourquoi le gain a été estimé à 100 000 euros en 2025, toujours en comparaison à l’ancienne formule. A quoi il faut ajouter l’allègement des factures du traitement des déchets. Plus les 125 tonnes équivalent carbone évités par an, ce qui ne compte pas pour du beurre.