Radiologie : quand l’éthique apporte des réponses environnementales

Les radiologues réfléchissent beaucoup à la responsabilité sociétale et environnementale du secteur de la santé. Ils soulignent l’urgence, pour les professionnels de santé, de sortir de leur bulle en faisant un pas de côté. Car la RSE est devenue une composante de l’éthique des équipes médicales et soignantes.

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Trop d’électricité consommée ? Trop de nanoparticules ? Quelles données demander à l’intelligence artificielle (IA) de stocker ? Pourquoi pas du matériel « bio » plutôt qu’en plastique ?  Comment développer les produits multi-patients. Ces questions mobilisent les radiologues peut-être un peu plus que d’autres en raison de leur formation. Ils ont dans leur ADN de se demander, dès le départ, comment employer le moins possible de rayonnements et de produits de contraste pour réaliser leurs examens.

« Sortir de notre bulle ! »

A Paris, le 21 mars dernier, au congrès de la Société française de neuroradiologie, Xavier Galus, manipulateur de l’Institut de cancérologie de Lorraine est intervenu pour rappeler : « L’imagerie médicale est concernée par la RSE ! » Et de décliner les moyens possibles pour qu’elle s’y engage au quotidien

Le Pr. Hélène Vernhet-Kovacsik, chef du service d’imagerie médicale du CHU de Montpellier ne le contredirait pas, elle qui, par ailleurs, préside le comité de la Société française de radiologie (SFR), sur la responsabilité sociétale et environnementale (RSE). Elle estime : « Pour traiter ces questions, il faut sortir de notre bulle ».

La RSE, composante de l’éthique du soignant

Premier pas de côté, ne pas accorder d’importance uniquement à ce qui procure un bénéfice immédiat et quantifiable pour le patient. « Cela limite par exemple beaucoup la recherche. » L’amélioration de la santé globale des populations impacte aussi celle des individus.

Pr. Hélène Vernhet-Kovacsik © CHU Montpellier

C’est pourquoi les soignants ont à se soucier, de la qualité de l’eau, de l’air, de l’environnement. Et à y adapter leurs pratiques. « Un produit de contraste comme le gadolinium inoffensif pour le patient, peu polluer l’eau en y rencontrant des particules iodées et autres. C’est pourquoi, en tant que professionnel de la santé, nous avons tout intérêt à le récupérer » (lire nos articles du article du 22 février 2022 et du 12 janvier 2024).

De même, la surconsommation électrique des équipements d’imagerie pose problème. « Les IRM consomment entre 40 et 70 % de plus quand ils ne servent pas à produire d’images. Il faut travailler avec les ingénieurs pour qu’ils puissent s’éteindre comme mon scooter ou mon ordinateur », affirme Hélène Vernhet-Kovacsik (lire notre article du 29 mai 2024 ). La RSE devient une composante de l’éthique du soignant. A la SFR, les deux comités éthique et RSE ont fusionné en un seul.

L’embolisation aux fragments de fils de suture

Une de ses préoccupations est que l’on donne sa place à l’innovation reverse ou inverse, (définie sommairement comme accomplie avec les moyens du bord) ou dite encore frugale. Elle mobilise moins de matières et de moyens, aboutit à des produits de technologie moins évoluée donc moins chers.

Cela a donné l’échographe « low-cost » de General Electric conçu pour le marché indien mais qui apporte le même service. « L’échographie doit être une cible parce qu’elle est utilisée par beaucoup de spécialités, donc en grande quantité », signale Hélène Vernhet-Kovacsik. Tous les constructeurs développent, autre thème, des gammes d’équipements reconditionnés. L’éthique exige simplement de vérifier que ces technologies donnent la même sécurité dans les soins.

Autre exemple d’innovation frugale : l’embolisation à l’aide de fragments de fils de suture. Cette technique de radiologie interventionnelle consiste à boucher des vaisseaux sanguins qui saignent. Elle est généralement réalisée à l’aide de produits chers indisponibles hors d’Occident. Avec de simples des fragments de fils de suture existant dans tous les hôpitaux, elle s’ouvre au monde entier, en particulier pour sauver le grand nombre de femmes victimes d’hémorragies de la délivrance en accouchant. De plus, elle peut être réalisée par des non-spécialistes.

Des chartes de responsabilité

Cette innovation est un résultat du projet Fairembo, du professeur Vincent Vidal à l’AP-HM, qui a collaboré pour cela avec l’université de Saint-Louis, au Sénégal. Le Pr Vincent Vidal met aussi au point un kit de radiologie utilisable lui-aussi par des non-spécialistes. Une version en sera expérimentée dans le cadre de la mission spatiale sur Mars.

Plus près de nous, la mutualisation, l’économie dans l’usage des produits et des matériels, la capacité de les restériliser pour les réemployer est aussi de l’innovation « frugale ». « Sur beaucoup de sujets, il y a des chartes de responsabilité à mettre en place », estime Hélène Vernhet-Kovacsik. Ne serait-ce que pour rassurer les patients

Le minimum de données numériques

L’un des chantiers urgents est celui du genre de conservation des énormes quantités de données réclamées par l’intelligence artificielle (IA). Comment faire le tri parce que garder tout serait beaucoup trop coûteux ? Comment ne garder que le minimum, les données brutes qui permettent tout de même de retirer le maximum de bénéfices de la technologie quitte à demander à l’IA de reconstituer ce dont le praticien a besoin ?

« C’est à nous de le dire et à nous seulement en concertation avec les usagers, les sociétés savantes dans le droit fil du guide des logiciels écoresponsables édités par la DGOS il y a quelques années », explique Hélène Vernhet-Kovacsik.

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