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L’utilisation des IRM peut être optimisée

La consommation d’électricité des IRM peut être mieux gérée et son coût baisser. C’est ce que vient de démontrer dans une thèse, soutenue fin avril, Zélie Alerte, interne en radiologie au CHU de Brest. Parmi les préconisations : le recours à des logiciels d’intelligence artificielle ou l’acquisition des données  les plus énergivores aux heures creuses du contrat d’achat d’électricité de l’hôpital et les plus courts, comme les ostéoarticulaires, aux heures pleines.

© CHU Brest

« L’idée est d’optimiser l’utilisation des IRM pour que leur consommation électrique, énorme, bénéficie au plus grand nombre de patients possible. » Voilà comment Zélie Alerte résume l’intérêt de la thèse qu’elle vient de défendre, fin avril 2024, sous la direction du Pr. Douraied Ben Salem. Et qui l’a fait déboucher sur des préconisations relativement simples, réclamant « un peu de management ».

Les quelques secondes d’un scan ou les 20 à 30 minutes d’une IRM ne placent pas les deux équipements au même degré de consommation électrique mais les enseignements de base de l’étude pourraient valoir pour les deux modalités d’imagerie.

On n’éteint pas une IRM

Douraied Ben Salem, Zélie Alerte et Mateusz Chodorowski

Zélie Alerte s’est appuyée sur les travaux du Dr Mateusz Chodorowski du CHU de Brest aussi, qui le 6 décembre dernier, a détaillé dans Journal of NeuroRadiology, le fonctionnement électrique d’un système IRM (lire notre article du 29 janvier 2024).

Le principal inconvénient de la machine est qu’on ne puisse pas l’éteindre pour maintenir en état optimal de marche ses aimants supraconducteurs. Cela finit par accumuler les kWh même si le mode « nuit » ou « veille » ne correspond qu’à une puissance active de 7 kW par rapport aux 14 kWh du « prêt à scanner » et 30 kWh en moyenne (avec des pics à 80 quand on travaille en diffusion à la recherche de traces d’AVC) au moment de l’examen lui-même (l’acquisition de données).

« Des auteurs américains ont suggéré de faire fonctionner l’équipement à un rythme accéléré. Ce qui serait idéal. Mais, dans la pratique, cela demande, par exemple, des manipulateurs radio dont nous manquons. On ne peut pas non plus espérer étendre beaucoup les heures de fonctionnement des services », objecte Zélie Alerte.

Baisse de 32 % de la consommation électrique grâce à l’IA

Elle a étudié, comme première voie d’optimisation, le recours aux logiciels d’intelligence artificielle (IA). Les appareils récents en sont équipés. Grâce à eux, le nombre de données (points) à recueillir est divisé en gros par deux. Les images sont reconstituées ensuite et de qualité équivalente, voire meilleure. Zélie Alerte a appliqué les « facteurs d’accélération » sur les séquences d’acquisition (prises des images) pour une dizaine de protocoles différents. Et livre ensuite des formules « clés en main » pour chaque protocole, correspondant à des temps d’acquisition de données abaissés.

« Un progrès pour des patients qui souffrent de rester allongés, et qui risquent aussi de bouger, ce qui altère la qualité du recueil de données. » Dans l’étude de Zélie Alerte, sur les dix protocoles choisis, l’IA a diminué la consommation d’électricité de 32 %. Dans une journée, entre 8 h et 20 h, 41 protocoles avec IA consomment moins d’électricité : 300 kWh contre 330 kWh pour les 30 effectués sans optimisation IA.

Heures creuses, heures pleines

Zélie Alerte

En réalisant ensuite les acquisitions de données les plus énergivores aux heures creuses du contrat d’achat d’électricité de l’hôpital et les plus courts, comme les ostéoarticulaires, aux heures pleines, Zélie Alerte aboutit à des économies de 2 € par jour en 2021, 30 € par jour en 2023 quand les prix sont passés de 65 à 85 € le MWh à plus de 800 €.

La France, avec ses 1 329 IRM, pourrait réaliser des économies annuelles de l’ordre de 10 500 MWh, ce qui correspond à une réduction de plus de 500 tonnes de CO2. « L’objectif écologique est atteint, traiter davantage de patients sur des plages horaires plus réduites tout en consommant moins d’électricité », résume Zélie Alerte.

Son étude s’est fondée, malgré tout, sur des bases qui peuvent évoluer, augmenter encore l’optimisation. Comme les facteurs d’accélération des protocoles. Ils ont été fixés une bonne fois pour toutes par les ingénieurs d’application des logiciels d’IA, les manipulateurs et les radiologues de l’université.

Peu d’études comparatives

De la même façon, l’étude a été conduite sur une seule IRM, un Philips 3 tesla, équipé de son logiciel d’IA (smart speed). Plutôt moins gourmand que d’autres la « nuit », plutôt davantage dans son mode « prêt à scanner ». Or si la tendance des IRM est de gagner en puissance magnétique, les plus anciens consommaient plus en mode « veille » et les constructeurs vont être incités à diminuer la consommation électrique de leurs produits. Et à en dire plus à leurs clients sur la question.

Il n’existe encore que très peu d’études comparatives. L’une des dernières en date de 2020, réalisée en Suisse (Marine Cauz and Sven Rossier, Planair SA) . L’appareil testé à Brest a deux positions dans le mode « veille » : « restart » ou « shut down ». La plus économique est la première. Il faut aussi le savoir.

« Il faut s’intéresser aux modes productifs et non-productifs de l’équipement pour optimiser les deux », résume Zélie Alerte. Son étude interroge aussi les contrats d’achat d’électricité des établissements de santé, très peu nombreux à bénéficier de prix fixes. Cela aussi peut changer.

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