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Paraffine recyclée : un processus bien huilé au CHU de Bordeaux

Le CHU de Bordeaux s’est lancé dans une opération de délestage de blocs de paraffine inutiles afin de faire fondre les archives du service d’anatomie et cytologie pathologiques. Et en profite évidemment pour les recycler.

 

Blocs de paraffine en cours de fonte© CHU Bordeaux

C’est le quotidien de tout laboratoire d’anatomopathologie : les échantillons tissulaires humains, préalablement sélectionnés à visée diagnostic et fixés dans le formol, sont inclus dans des blocs de paraffine afin d’en réaliser des coupes qui, une fois colorées, permettront l’analyse. Puis blocs et lames seront ainsi – sans dégradation – conservés durant un temps que la législation fixe à dix ans minimum, jusqu’à trente années même pour le secteur public.

« Mais plus les connaissances et les recommandations internationales avancent, plus ces archives d’anatomie et cytologie pathologiques (ACP) se multiplient, phagocytant un espace que les établissements peinent à fournir, alors même que la préservation de certains de ces blocs, réalisés par erreur ou excès de prudence, s’avère inutile… Par exemple un potentiel ganglion qui se révèle n’être qu’un vaisseau », pointe Anne Rullier, médecin anatomo-cyto-pathologiste au CHU de Bordeaux.

Pour celle-ci, co-pilote depuis deux ans de la transformation écologique au CHU de Bordeaux sous le signe des unités durables (lire notre article du 31 mai 2022), il fallait par conséquent en finir avec cette « surconsommation d’espace (climatisé de surcroît) et – qui plus est – de paraffine, un produit dérivé pétrochimique contribuant autant à l’épuisement des ressources fossiles qu’au changement climatique et à l’atteinte de la biodiversité.

Le succès au rendez-vous de la paillasse

© CHU Bordeaux

Finis donc ces blocs accumulés, sans intérêt aucun dans la prise en charge du patient. Désormais, les échantillons superflus dont l’analyse au microscope ne soulève absolument aucun intérêt seront refondus en étuve au laboratoire, le matériel tissulaire éliminé en DASRI et la paraffine filtrée à l’aide d’un tamis métallique (type chinois) pour être réutilisée.

Toute innovation exigeant démonstration, la spécialiste va tester elle-même la faisabilité du process durant le premier trimestre 2023. Le succès est au rendez-vous de la paillasse. D’abord en quantité : sur 34 dossiers examinés, 158 blocs ont ainsi pu être désarchivés avec une médiane de trois blocs détruits par dossier, soit au total trois racks d’archivage libérés et 500 grammes de paraffine récupérée.

2 kg de paraffine par an

Station d’enrobage dans laquelle la paraffine recyclée est versée © CHU Bordeaux

Extrapolés sur une année, les résultats s’élèveraient donc à 632 blocs, 11 racks et 2 kg de paraffine économisés, soit 2,5 kg eqCO2. « Certes, rapporté aux volume et budget d’achat annuels (700 kg en 2023 pour près de 150 000 blocs avec un coût avoisinant les 4000 euros), l’économie peut paraître dérisoire », reconnaît Anne Rullier ; « mais le coût des locaux d’archivage n’y est pas inclus, poursuit-elle, et cela ouvre déjà une réflexion sur la nécessaire rationalisation des blocs stockés. »

Tout aussi intéressant, « la paraffine ainsi recyclée se révèle bien identique en tout point à la paraffine neuve, à savoir exempte de toute contamination comme le confirme le contrôle réalisé par le service de biologie moléculaire du CHU, et les propriétés conformes au process d’analyse habituel », rapporte la spécialiste.

Une faisabilité éprouvée

Anne Rullier

Reste donc maintenant à convaincre les collègues afin de déployer la procédure sur l’ensemble du laboratoire, puis au sein des 250 laboratoires d’ACP nationaux (dont 150 publics)… Mais Anne Rullier, qui a aussi attaqué le sujet du formol (lire notre article du 13 septembre 2022) est confiante devant les bénéfices patents en termes de responsabilité économique, écologique et sociale : « Le risque pour le patient est inexistant, l’investissement matériel quasi nul et le changement organisationnel minimaliste : il suffit aux médecins de tracer informatiquement la demande de recyclage du bloc dans le logiciel métier pour permettre aux aides de laboratoire de désarchiver les blocs listés avec toujours double vérification. » Des arguments qui ont effectivement tout pour faire fondre… Même les plus expresses réserves.

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