Couvercle de scanner, cathéter, emballages de dispositifs à usage stérile… Dans le secteur de la santé comme ailleurs, le plastique est partout, jusqu’à 60 % déchets de soins selon une étude menée par l’hôpital de Dax. Les plastiques même devrait-on dire puisqu’il en existe de 7 types différents, sans compter les assemblages multi-matériaux.
Leur défaut majeur : une production écophage, qui invite tous les acteurs de la chaîne à optimiser leur recyclage, en droite ligne de la loi AGEC. Et l’impératif pèse d’autant plus sur les industriels qu’en 2030, l’ensemble des emballages devront montrer qu’ils sont recyclables par conception et dès 2035 disposer chacun d’une filière de recyclage (directive PPWR, Proposal Packaging and Packaging Waste regulation, votée le 24 avril dernier).
Un défi technique et réglementaire pour les industriels
L’affaire tient toutefois du casse-tête, voire de l’effet domino. Car les solutions des uns constituent parfois le blocage des autres… Pour commencer, « il y a la difficulté à faire entendre la voix de la santé quand ce secteur, qui cumule les exigences en matière de normes, de stabilité et de traçabilité, ne pèse paradoxalement que 2 % du chiffre d’affaires des plasturgistes », cadre d’emblée Nicolas Longhitano, chargé de mission Innovation Pays de la Loire au pôle de compétitivité des caoutchoucs, plastiques et composites Polymeris.
Pour les fabricants de DM, « il faut ensuite démontrer que les caractéristiques seront bien identiques d’un lot de plastiques recyclés à un autre et repasser par un organisme notifié », poursuit Cécile Vaugelade, directrice des affaires technico-réglementaires du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem).
La rentabilité des recycleurs en question
Enfin, en admettant même de trouver la bonne formule – sur 39 références différentes de plastique testées depuis 2020 par SGH Medical Pharma, seules 5 s’avéreraient utilisables – « le défi réglementaire comme les investissements d’adaptation sont dissuasifs, d’autant que les utilisateurs finaux semblent peu enclins à payer le surcoût de la vertu », rapportait la directrice RSE dudit fabricant, Virginie Delay, lors de la journée RSE organisée par le Snitem en mai dernier.
À l’autre bout de la chaîne, mêmes réserves du côté des recycleurs. « D’abord parce qu’à chaque formulation sa spécificité de recyclage, d’où de lourdes interrogations sur la qualité des approvisionnements, les process et les volumes pertinents », expose Martin Pajot, chargé de Mission Innovation Centre-Val de Loire chez Polymeris.
La question de la stabilité et de la traçabilité complique par ailleurs une valorisation totalement circulaire du produit « même si certains procédés comme le recyclage chimique (décomposition du polymère en monomère) pourrait laisser penser qu’on revient à une matière vierge », souligne Christophe Simon, directeur veille et affaires publiques chez Sterimed. Résultat : mieux vaut donc viser de nouvelles vies moins exigeantes (reconditionnement des attelles par exemple), voire extérieures à la santé, comme la chaise du CHU de Reims, fabriquée à partir de plastiques récupérés au bloc (lire notre article du 26 juin 2024).
Un casse-tête logistique
Au centre du jeu, les établissements aspirent également à des plastiques durables, soit pour accorder leurs achats à la loi, soit pour alléger leur poubelle. Conduite sur deux jours dans deux de ses services (réanimation et maternité), une analyse du CH de Dax a en effet montré que « sur quelque 145 kg de déchets collectés, 125 kg partaient en DAOM dont plus de 60 % composés de plastique qui auraient pu bénéficier d’une filière dédiée : couches (17 %) mais aussi emballages médicaux (10 %), seringues et blouses chirurgicales (7 % chacun) », rapporte Arielle Dolléans, chargée de mission développement durable/transition écologique au CH Dax-Côte d’Argent.
Les logisticiens ne sont pas davantage à la fête. Le CHU de Bordeaux s’est lancé dans la caractérisation de ses déchets plastiques depuis novembre 2023 : « PP-PE rigides (flaconnages, seringues…), PVC, Polypropylène non tissé (EPI), PE souple (films) PET (bouteille d’eau, coques d’emballage…)… Très différente d’un service à l’autre, la liste est longue ! » constate Matthieu Meune, chef de projet économie circulaire de cet hôpital. Avec autant de filières à organiser : stockage, formation du personnel, volume insuffisant pour être acheté… De multiples raisons qui ont donc incité le CHU girondin à tester – pour le moment – la contractualisation avec un collecteur unique chargé d’effectuer ensuite la répartition aux recycleurs selon trois flux : PET, PE souple et PP-PE.
Evaplus, premier état des lieux partagé
« Dans ce contexte complexe, la seule voie pour parvenir enfin à une solution viable consiste donc à tous se réunir autour de la table et déployer nos moyens de manière mutualisée pour gagner du temps et de l’investissement », conclut Cécile Vaugelade. Et c’est justement ce que l’étude Evaplus, portée par le pôle de compétitivité Polymeris et l’ADI Nouvelle-Aquitaine, a décidé de faire avec l’appui du cabinet Alcimed, financée pour cela à 70 % par l’Ademe et à 30 % par les acteurs concernés eux-mêmes, au nombre desquels figure le Resah.
« Deux volets s’affichent à cette enquête, première de cette envergure sur le sujet en France » pose Marie Rolin du cabinet Alcimed : « Cartographier et quantifier les gisements existants dans les services de santé à partir des données d’établissements ayant déjà travaillé cette question et cerner les revalorisations possibles, avec leurs difficultés techniques et humaines, à l’appui des expérimentations existantes, en France et ailleurs. » Menée de mars à juin, la publication des résultats de ce vaste panorama fera l’objet d’un événement en septembre.