Ecosoin : l’AP-HM adopte l’usage unique en cystoscopie

Alors que l’usage unique est remis en question, l’AP-HM a mené plusieurs études dont une analyse du cycle de vie, afin de comparer une cystoscopie avec un endoscope jetable et celle avec un réutilisable. Il ressort que, dans l’établissement aux 1800 cystoscopies annuelles, l’usage unique se révèle plus vertueux que l’autre. Zoom sur une enquête au résultat intuitivement inattendu.

 

© AP-HM

C’est un coup de pied dans la fourmilière de l’écosoin. Depuis octobre 2021, l’AP-HM a cessé de procéder à des cystoscopies avec un endoscope réutilisable pour avoir recours uniquement à des jetables. Pour cet examen de la vessie via l’urètre, la décision a été prise à l’issue d’une série d’études d’impact, montrant, pour le cas de cet établissement, les nombreux avantages de l’usage unique.

L’enjeu est colossal tant cette pratique est courante. De fait, on réalise actuellement quelque 1800 cystoscopies annuelles à l’AP-HM, selon Michael Baboudjian, urologue au sein du service du Pr Eric Lechevallier aux Hôpitaux universitaires de Marseille, membre de la commission « Green Bloc » à l’Hôpital de la Conception et de la commission « développement durable » de l’Association française d’urologie (lire notre article du 22 décembre 2022).

Prix très proches

Michael Badoudjian

Le changement de pratique a commencé par une sollicitation commerciale. En 2019, le parc de 8 cystoscopes réutilisables de l’AP-HM se montre vieillissant. Avec le temps, les images perdent en qualité et la capacité de rotation diminue. Le géant marseillais est alors sollicité par un fabricant afin de tester un cystoscope à usage unique. « En termes de qualité d’examen, l’usage unique est parfait car on commence chaque examen avec du matériel neuf », observe alors, avec d’autres confrères, Michael Baboudjian qui précise avoir, dans le cadre de ces études, perçu des rémunérations du prestataire en question.

Une analyse de micro-costing (technique utilisée en économie de la santé pour valoriser les coûts de production d’une procédure médicale) montre, dans cet établissement où quelque 1600 cystoscopies furent réalisées pendant l’année de l’étude en 2020, des coûts similaires, mais là encore en faveur de l’usage unique : 192 € pour un jetable, 195,5 € pour le réutilisable. Sur ce point, chaque établissement doit prendre sa calculette pour vérifier où s’établit son intérêt économique.

Moins de déchets

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Dans la foulée une seconde étude est menée et la masse des déchets mesurée pour les deux protocoles. Là aussi, l’usage unique sort vainqueur du match, avec 200 grammes, contre 800 grammes incluant le matériel nécessaire à sa décontamination. Et sur ce point encore, la conclusion n’est pas généralisable à tous les établissements, la stérilisation à l’AP-HM étant en fait une « décontamination à haut niveau à l’acide peracétique » (qui nécessite chaque fois 60 litres d’eau stérilisée), lequel liquide part dans le réseau d’eau. Reste que le poids des déchets ne peut être l’unique paramètre tant l’incidence sur l’environnement des uns et des autres est disparate. Ainsi, aujourd‘hui un cystoscope est incinéré après usage, son recyclage étant interdit en France.

Une analyse de cycle de vie

Dans cette même étude, financée par le fabricant, l’AP-HM a fait réaliser une analyse du cycle de vie (ACV) des deux types de cystoscopes, par Apesa, spécialiste de l’ACV. La méthodologie peut surprendre. Ne disposant pas des données de production des instruments réutilisables, l’impact environnemental de la fabrication des cystoscopes réutilisables n’a pas été comptabilisé, considérant qu’il tendait vers zéro du fait de la réutilisation. « Ainsi on a seulement pris en compte la décontamination pour mesurer l’impact environnemental », précise Michael Baboudjian. Et malgré ce match où le réutilisable partait avec de l’avance, ce dernier se révèle plus impactant.

Et ce sur cinq indicateurs environnementaux. « On a pris en compte ceux qui nous semblaient les plus pertinents : le changement climatique soit la production de gaz à effets de serre et de CO2, l’acidification des eaux, l’eutrophication des eaux, l’écotoxicité pour la faune et la flore, la déplétion en ressources minérales. Sur ces critères, le cystoscope à usage unique avait un impact environnemental 30 à 70 % plus faible », détaille Michael Baboudjian.

La question de l’évaluation de l’impact carbone

© AP-HM

Finalement, dans ce cas, les avantages du jetable « en plus du développement durable sont le moindre coût, la disponibilité permanente du matériel, la qualité optimale du matériel, l’absence de risque d’intoxication du personnel et la sécurité pour le patient », résume Eric Lechevallier. Mais « nous faisons un travail qui n’est pas le nôtre : c’est l’industriel qui devrait nous fournir l’évaluation de l’impact carbone de son produit », estime Michael Baboudjian.

Passer du réutilisable à l’unique engendre un bouleversement majeur à l’AP-HM où la pharmacie gère les achats du jetable et le service biomédical ceux du réutilisable. « Les dépenses de la pharmacie sont donc montées brutalement (sans transfert de budget) mais les pharmaciens ont compris notre démarche », se réjouit Michael Baboudjian. « L’étude environnementale a joué en notre faveur, c’est un argument supplémentaire mais qui ne suffit pas en soi dans l’établissement. On passe à l’usage unique parce qu’on a montré que c’était moins cher et que c’était bien pour le patient ».

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