Covid, climat : la conception des hôpitaux change

Selon AIA, un des grands cabinets d’architectes de la santé, pour faire face aux futurs défis infectieux et climatiques, hôpitaux et cliniques sont à présent conçus autour de zones différenciées pour patients sains ou contaminés et en cherchant à mieux protéger leurs intérieurs de la chaleur. Les centrales de traitement d’air y jouent un rôle important.

CHU de Tours © AIA Life Designers

Et pourtant, les bâtiments et infrastructures des établissements de santé ont bien passé l’épreuve de l’épidémie ! « Nous avons eu peur que les soignants nous disent qu’il leur était impossible de faire face dans les locaux qu’ils avaient. Finalement, ceux-ci étaient relativement adaptés. Il faut dire que des directeurs techniques de talent ont, un peu partout, trouvé des astuces pour les utiliser », explique Nicolas Boucher, animateur de la filière des architectes spécialisés en Santé chez AIA Life Designers.

« Mais aujourd’hui, c’est le début des établissements post-Covid. Depuis, nous avons même corrigé ce que nous pouvions à des hôpitaux en construction comme Caen, Tours ou Meaux dont les grands choix base ne pouvaient être modifiés », enchaîne-t-il.

Hôpitaux bifaces

Le changement de conception le plus net consiste à prévoir de transformer certaines parties des établissements en zones contaminées en face de zones indemnes. D’imaginer des hôpitaux dits « bifaces », avec des accès, des sorties et entre les deux des flux de patients complètement séparés. Tout un tas de considérations techniques en découlent. Les architectes recommencent à construire des parkings en sous-sols pour y établir, au besoin, des zones de gestion de flux massifs de patients.

CHU Caen © AIA Life Designer

Autre évolution, la Covid a replacé les centrales de traitements d’air (CTR) au centre des préoccupations. « Il y en avait deux de prévues pour le plateau des urgences du CHU de Caen. Mais il n’y en aurait eu qu’une, qu’on en aurait installé une seconde. Aujourd’hui, les deux sont étanches à destination de deux zones éventuelles étanches elles aussi », indique Nicolas Boucher.

Deux chambres avec sas sur dix

Nicolas Boucher

En la matière, les préconisations du ministère de la Santé se sont précisées. Pas seulement pour les zones les plus sensibles (blocs, stérilisation, pharmacie) soumises aux contraintes les plus fortes concernant le renouvellement, la filtration de l’air et la pression. Dans les salles d’attente, la tendance à sur-ventiler est devenue la norme.

Comme celle d’équiper une proportion de deux chambres sur dix de sas, de manière à offrir, le cas échéant, un espace aux soignants pour se changer. C’était une demande des médecins, plus ou moins suivie, selon les endroits, elle s’impose partout. En conséquence, l’air intérieur des sas, comme celui de la chambre peut être mis sous pression positive ou négative. Le traitement de l’air, l’un des matières techniques la plus compliquée dans un hôpital, se complexifie encore.

Stocks à l’entrée des services

CHU Tours © AIA Life Designers

Pour créer des « possibilités » de sas, les architectes tendent à déplacer à nouveau les lieux de stockage à l’entrée des services plutôt que vers le centre, comme dernièrement, dans le but de limiter les distances parcourues par les soignants. Ces lieux de stockage, vidés de leur contenu, sont bien pratiques s’ils sont équipés pour être transformés en sas, gestion des portes et de l’air pensés en conséquence.

En plus de la Covid émergent de plus en plus les considérations climatiques. Les architectes intègrent l’hypothèse de hausse des températures avant que les normes de construction des hôpitaux s’y mettent. Il est question, pour le moment, non de sécurité mais de confort. « Combien de degrés en plus les bâtiments construits aujourd’hui devront subir ? Et à l’intérieur, les patients malades ? », s’interroge Nicolas Boucher.

Rafraîchissements et plafonds rayonnants

En la matière, le cabinet AIA défend l’idée de bâtiments conçus pour y faire face le plus possible par eux-mêmes, de façon passive, avant d’envisager les équipements techniques supplémentaires. On peut installer des brise-soleil, limiter la taille des fenêtres sur les côtés du bâtiment les plus exposés au soleil, augmenter l’épaisseur d’isolant dans les murs. Il est aussi question de matériaux de construction qui agissent sur la « masse thermique » des bâtiments, c’est-à-dire leur capacité à encaisser les chocs thermiques, à protéger de la chaleur le jour, comme les vieilles pierres d’autrefois, à l’engranger et à la libérer la nuit.

CH Meaux © AIA Life Designers

Ensuite, face aux accès de chaleur, la tendance des concepteurs d’hôpitaux est de privilégier le rafraîchissement des intérieurs plutôt que leur climatisation. Y abaisser la température d’un ou deux degrés seulement plutôt que de l’emmener vers un niveau fixe, par exemple de 19°. Ce rafraîchissement peut être obtenu par la circulation d’air (la ventilation) ou d’eau dans des plafonds dit « rayonnants » dans lesquels on injecte de l’eau froide.

2700 euros le mètre carré

Ces innovations ont un coût mal venu alors que le coût de la construction d’un hôpital est passé en gros de 2000 € le m2 quelques années avant la Covid, à environ 2700 € le m2 aujourd’hui.  Bonne nouvelle cependant : les évolutions nées de la gestion de l’épidémie ne coûtent guère. Le besoin de circulations séparées ou de sas ne nécessitent pas beaucoup d’espace supplémentaire, par exemple. En revanche, l’adaptation au réchauffement climatique, lui, coûte plus cher. C’est sans doute une donnée à laquelle il faudra s’habituer.

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