Cécile Vaugelade (SNITEM) : Le « reprocessing », ce n’est pas simplement nettoyer et stériliser un DM

Vente d’occasion, remise en bon état d’usage, remise à neuf des dispositifs médicaux… Cécile Vaugelade, directrice des affaires technico-réglementaires du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (SNITEM), éclaircit chacune de ces notions, parfois mal comprises, voire confondues. Elle revient aussi sur l’avenir du « reprocessing », actuellement interdit en France, mais qui devrait faire l’objet d’une expérimentation dans le cadre de la feuille de route gouvernementale pour la planification écologique.

© SNITEM

achat-logistique.info : La réglementation évolue de plus en plus en faveur du recyclage ou de la réutilisation des produits et matériels. La loi AGEC a notamment prévu des obligations d’acquisition par la commande publique d’un certain taux de biens issus du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage. Qu’en est-il pour les DM ?

Cécile Vaugelade : « Au départ, il avait bien été envisagé que les DM entrent dans le champ de cette obligation. Mais au moment de l’écriture des textes d’application, nous avons fait valoir que l’on touchait à un sujet sensible qui pouvait impacter le bénéfice/risque de ces produits de santé, et qu’on ne pouvait pas appliquer le même taux à tous les produits. Les DM n’ont donc pas, à ce stade, été retenus dans ces obligations. Toutefois, cela ne les empêche pas d’être concernés par les questions de consommation raisonnée et de décarbonation. »

achat-logistique.info : Et quelles sont justement les possibilités en termes de recyclage ou de réutilisation ?

Cécile Vaugelade : « Si l’on essaie de dresser un panorama, il y a déjà la question de la gestion des déchets. Une partie des DM est incluse dans les filières de responsabilité élargie du producteur. C’est un premier encadrement de la fin de vie des produits, lequel peut, pour certains, prévoir le recyclage de pièces ou matériaux.

Concernant ensuite la réutilisation de DM en tant que tels, il faut aborder plusieurs aspects. En premier lieu, la vente d’occasion d’équipements hospitaliers en France (matériels d’imagerie, de diagnostic…), encadrée par le Code de la santé publique qui fixe des règles à respecter (article 5212-35-1). Ainsi, pour qu’un exploitant, c’est-à-dire un établissement de santé, puisse vendre un matériel en seconde main, il doit remettre à l’acheteur une attestation assurant qu’il a effectué toutes les activités de maintenance et le contrôle qualité nécessaires. »

achat-logistique.info : Cela signifie-t-il qu’il faut le remettre en état ? Que se passe-t-il si le matériel est âgé et ne correspond plus aux normes ?

Cécile Vaugelade : « Non, comme je viens de le dire, la revente d’occasion est avant tout liée aux obligations d’entretien. La personne responsable de la cession doit fournir à l’acheteur tous les éléments pour qu’il puisse l’utiliser dans de bonnes conditions.

Votre deuxième question porte en fait sur l’obsolescence. Les matériels ont une durée de vie annoncée par les fabricants. Celle-ci ne change pas, que les hôpitaux les conservent pour eux-mêmes ou qu’ils les revendent.

Le texte concernant la vente d’occasion visait avant tout le gros matériel et des produits à usage collectif, à l’image des automates de laboratoire de biologie. Mais, introduite par la loi de financement de la Sécurité sociale de 2020, une autre notion est entrée en application : c’est la remise en bon état d’usage. Elle vise d’autres DM, plutôt à usage individuel et réutilisable. En fait, cette notion a été ajoutée pour permettre le remboursement de certains matériels remis en bon état d’usage. »

achat-logistique.info : Comme un laryngoscope ?

Cécile Vaugelade : « Non, parce que le laryngoscope est utilisé lors d’un acte médical hospitalier par un praticien. Je parle plutôt de DM utilisés par le patient, comme un fauteuil roulant, première catégorie de produit concernée.

La remise en bon état d’usage est soumise à conditions. Si la loi a été promulguée, on attend toujours, en revanche, le décret qui doit définir exactement ce qu’on entend par remise en bon état d’usage, les façons de procéder et de quelle manière les sites autorisés à le faire seront homologués.

Une troisième manière de réutiliser un DM est la remise à neuf, encadrée là par le règlement européen 2017-245. Il s’agit en effet de restaurer complètement un produit, ou d’en fabriquer un nouveau à partir de dispositifs usagés, ce qui implique une certification et un marquage CE et donc une nouvelle durée de vie. »

achat-logistique.info : Tout cela semble a priori plutôt bien encadré… Quels sont les problèmes ?

Cécile Vaugelade : « La publication du décret relatif à la remise en bon état d’usage est attendue pour la fin de l’année. Le texte est actuellement à l’étape du Conseil d’État, mais la version dont nous avons eu connaissance interroge puisqu’elle permet l’allongement de la durée de vie du produit. Pour résumer, on ferait alors de la remise à neuf sans le dire, et sans en imposer les règles de vérification au titre du marquage CE. C’est un gros hiatus.

Enfin, le sujet se complique encore avec le « reprocessing », autrement dit le retraitement et la réutilisation d’un DM à usage unique (DMUU). Au départ conçu pour une seule procédure médicale, le produit est nettoyé, stérilisé et sa fonctionnalité vérifiée pour pouvoir être réutilisé exactement pour la même procédure. Jusqu’à présent, et en raison de problèmes rencontrés par le passé, le reprocessing est interdit en France. Cependant, l’article 17 du règlement européen 2017-245 permet de le mettre en place partiellement, complètement ou non dans chacun des pays européens. Certains pays l’autorisent. D’autres le font vraiment. »

achat-logistique.info : Quelle est la nuance ?

Cécile Vaugelade : « L’Allemagne le pratique réellement. Dans d’autres pays, c’est autorisé mais on n’est pas certain que cela soit réalisé dans les faits. Pour revenir à la France, la feuille de route de la planification écologique d’Élisabeth Borne prévoit l’ouverture d’une expérimentation pour vérifier la faisabilité de certains circuits de réutilisation de l’usage unique. »

achat-logistique.info : Comment se positionne le SNITEM ?

Cécile Vaugelade : « Le SNITEM prend acte de cette expérimentation et souligne qu’il y a un certain nombre de questions qui se posent. Il faut être certain que la sécurité du patient soit respectée, c’est évident. Mais quel est également l’impact environnemental et économique du reprocessing ? Et qui en prend la responsabilité ? Soit c’est le fabricant qui se charge de la remise à neuf du DMUU, soit ce sont les établissements qui le font directement ou par l’intermédiaire d’un sous-traitant. Il faut donc bien vérifier tout ce que cela implique et s’assurer que la balance finale est positive avant d’affirmer ce que c’est la bonne solution. Le DM n’est pas un bien de consommation courante. »

achat-logistique.info : Des plateformes commencent à proposer aux établissements de santé des équipements médicaux de deuxième main. Comment être certain de ne pas se prendre les pieds dans le tapis ?

Cécile Vaugelade : « L’acheteur devra vérifier s’il s’agit d’un produit remis à neuf marqué CE ou d’une revente d’occasion, telle que le prévoit le Code de la santé publique. Concernant la remise en bon état d’usage d’un DM réutilisable, cela pose actuellement légitimement question, car comme je l’ai évoqué, les centres engagés pour le faire ne sont pas encore homologués. Quant au reprocessing, il n’est pas autorisé en France pour l’instant et il faudra suivre l’expérimentation à venir. »

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