Anapath : les intrants premiers émetteurs de carbone

C’est une première mondiale. Le GHICL vient de terminer le premier bilan carbone d’un laboratoire d’anatomo-pathologie. La méthodologie, et notamment la liste des facteurs d’émissions, va pouvoir servir de base pour le calcul dans d’autres structures.

On ne pourra plus dire qu’on ne savait pas. Les intrants, et en particulier les réactifs chimiques, comme l’éthanol, les anticorps, la paraffine, le formol… constituent le premier poste des émissions de carbone d’un laboratoire d’anatomo-pathologie.

Tel est l’un des principaux enseignements du premier bilan carbone d’une telle structure, réalisée en 2021 au laboratoire de pathologie chirurgicale de l’Hôpital Saint Vincent de Paul, à Lille, membre du Groupement des hôpitaux de l’Institut catholique de Lille (GHICL) et dont les résultats sont désormais publiés.

Recenser les facteurs d’émissions

Cyprien Tilmant

Si cette enquête s’est appuyée sur la méthode Bilan Carbone de l’Ademe, « il nous manquait les facteurs d’émission, car l’anatomo-pathologie nécessite beaucoup de produits chimiques et de dispositifs médicaux », explique d’emblée Cyprien Tilmant, médecin pathologiste au GHICL qui a copiloté ce travail avec Pierre-Emmanuel Lesoin, ingénieur environnement, responsable de la transition écologique du GHICL.

« L’objectif premier était de déterminer des ordres de grandeur pour savoir ce qui était le plus impactant », résume Cyprien Tilmant, qui a aussi, pour ce travail, collaboré avec les Hospices civils de Lyon (HCL) qui ont mesuré l’impact carbone de deux types de lames (lire aussi notre article du 22 juin 2023 sur l’étude menée au CHU de Bordeaux).

Un travail de fourmi

Concrètement, pendant deux mois, la stagiaire Constance Béchu, alors étudiante à l’école d’ingénieurs Junia de Lille, a procédé à un inventaire des consommations du laboratoire en recensant les données sur les intrants, l’équipement, le fret, les déplacements, la consommation énergétique et les déchets. L’équipe, de 17 personnes, s’est mobilisée tout entière.

Elle a notamment été sollicitée pour répondre à un questionnaire concernant leurs déplacements. Tous ont répondu comment ils se rendaient à l’hopital, entre les sites, à des congrès, etc. De même pendant plusieurs semaines, les déchets ont été pesés afin d’extrapoler le résultat. Plus épineux encore, les industriels ont été contactés pour tenter de mener une analyse du cycle de vie de leurs produits, pour obtenir des informations sur les composants et les matières premières, les lieux de production, le fret impliqué entre l’usine et le laboratoire, etc.

Sans surprise, « nous avons eu beaucoup de non-réponses donc il a fallu trouver des façons de contourner ce manque d’information pour faire des approximations, à partir d’informations à disposition comme les fiches de sécurité des produits, la bibliographie dont des travaux scientifiques sur les anticorps monoclonaux  », confie Cyprien Tilmant, très impliqué dans le collectif national Transition écologique en ACP dont l’une des missions est de pouvoir travailler avec les industriels pour les inciter à plus d’écoresponsabilité.

Cap vers la réduction d’intrants

Résultat, l’empreinte carbone du laboratoire a été évalué à 117 tonnes équivalent CO2, dont plus de la moitié (51 %) pour les intrants, 20 % pour le fret, 12 % pour les déplacements (un chiffre qui pourrait facilement être supérieur ailleurs que dans cet établissement situé près d’une station de métro, donc facile d’accès en mode décarboné), 9 % pour les déchets et 8 % pour l’énergie.

Anticorps pour l’immunihistochimie

D’où l’idée de prioriser les efforts sur les intrants. « Et parmi eux, le plus impactant sont les anticorps monoclonaux. Or nous médecins pouvons agir à ce niveau-là car nous avons parfois tendance à en utiliser un peu trop sans même que cela rende le diagnostic plus sûr. Par exemple, beaucoup d’immunohistochimies sont réalisées de manière systématique, pour gagner du temps ou par confort. Avoir conscience de l’impact environnemental de l’immunohistochimie et des techniques complémentaires en général, incite à se poser la question, avant de les demander, de leur pertinence et de leur utilité pour le diagnostic », reconnait le médecin.

« Une meilleure prise en charge des pièces en macroscopie, avec des prélèvements plus ciblés et moins de prélèvements systématiques, permettrait de limiter directement la production des blocs et des lames, et de réduire l’impact global du laboratoire », estime Cyprien Tilmant. Aujourd’hui, il espère aussi pouvoir faire établir des critères de choix des produits en fonction de l’impact environnemental en plus de l’efficacité et du cout. À quand de nouveaux cahiers des charges pour les acheteurs ?


1 réaction
  1. Felicie dit :

    Article très intéressant et instructif.

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