« Avoir 20 échographes flambant neuf adaptés et intégrés dans le réseau en une semaine, cela a été un saut extraordinaire pour la gynécologie et la cardiologie », témoigne Valérie Boissart, responsable de la Cellule d’ingénierie biomédicale du Centre hospitalier de Luxembourg. Réalisé en 2021, ce renouvellement de matériel devrait se poursuivre avec une 2e vague, cette fois au bénéfice de l’anesthésie et de la réanimation, puis d’une troisième. Au total, 55 machines, sur les 80 que compte le parc, seront concernées.
Le tout grâce à un contrat de mise à disposition, sous forme de location. « Plusieurs raisons ont rendu ce choix nécessaire », argumente l’ingénieur biomédical. D’abord un parc vieillissant, avec certains équipements âgés de plus de 10 ans. Ensuite une extension de la demande. « Il y a 15 ans, l’échographie était cantonnée à la radiologie, la gynécologie, la cardiologie… Depuis, quasiment toutes les disciplines réclament des machines », poursuit-elle.
Le recours à la location opérationnelle
Conséquence, acheter des échographes couvrant l’intégralité du périmètre en un temps très court dans le cadre d’un budget d’investissement s’apparente à « Mission impossible ». D’autant qu’il faut garantir le bon usage, insiste Valérie Boissart. « Il est impensable de dépenser 100 000 euros pour un matériel dont on n’est pas certain qu’il soit adapté au besoin. »
Le CHL s’est donc tourné vers la solution de la mise à disposition proposée par General Electric (GE), par l’intermédiaire d’un marché disponible au Resah. « Il s’agit d’un modèle de location opérationnelle : l’hôpital ne paie que ce qu’il utilise, sous la forme d’un loyer », explicite Jean-Luc Tepinier, directeur grands comptes et gestion de parc ultrasons chez GE. « De mon côté, je m’engage à écouter les recommandations de la société, par exemple si un échographe est sous utilisé par rapport à son potentiel. Il est possible de réajuster le matériel, dans un sens comme dans l’autre, ce dont prendra compte le loyer », complète Valérie Boissart.
Un bilan révélateur
Pendant 6 ans, le CHL versera donc un règlement trimestriel, en fonction des machines utilisées. Son ancien parc a été racheté par General Electric qui l’a reconditionné et revendu à des brokers. L’installation du nouveau matériel a été précédée d’un audit, étape essentielle. Le prestataire a en effet réalisé une étude, en rencontrant les chefs de services demandeurs pour comprendre les besoins et proposer le matériel ad hoc.
Au départ, Valérie Boissart craignait que le fournisseur cherche à vendre plus que nécessaire. « En fait, pas du tout. Ce bilan a été révélateur. Le fabricant a réussi à identifier les machines qui devaient être remplacées, les inutiles ou celles qui faisaient doublon, mais il a aussi repéré celles qui n’entraient pas dans une logique de gestion de parc. » Si les choix ont été validés collectivement, GE a aussi pondéré les demandes. « L’utilisateur voudra toujours le meilleur, le plus beau, le plus cher. En face, le fournisseur a proposé l’échographe correspondant au bon usage ».
Contrat « all inclusive »
« Le client n’achète plus un échographe, il achète une solution », résume Jean-Luc Tepinier. Car le contrat comprend la maintenance préventive et curative, la couverture des bris de sonde, le remplacement en cas de panne au-delà de 48 heures d’indisponibilité, sans oublier la formation des utilisateurs. Au CHL, un technicien passe tous les lundis, incident ou pas, afin de vérifier que tout se passe bien. « Autre point important, la mise à jour des logiciels des machines est incluse », précise-t-il. Cerise sur le gâteau, le service intègre une application de monitoring de l’utilisation des équipements.
« D’après GE, nous avons été les premiers en Europe à en bénéficier en même temps que d’un nouveau parc », remarque Valérie Boissart. Un système capable de fournir des statistiques, par machine, sur les plages d’utilisation, la durée de l’acte… « Nous sommes encore en période d’observation car il faut avoir au moins un recul d’un an, avec un cycle complet, pour bien comprendre les usages », pondère l’ingénieur biomédical. Cependant cette base de données est pleine de promesses. « Déjà afin de confirmer le nombre de machines par rapport à l’activité. C’est toujours la question à laquelle il était difficile de répondre. Ensuite pour mieux optimiser l’utilisation du matériel, par exemple identifier des plages de rendez-vous vides et donc supplémentaires possibles », illustre Valérie Boissart.
Une démarche disruptive
L’ingénieur biomédical s’est retroussé les manches pour défendre cette approche, travaillant près de neuf mois pour convaincre son établissement de la pertinence de la formule. Car la démarche rompt avec les habitudes. L’hôpital n’est plus propriétaire des matériels. Et si le contrat n’est pas renouvelé, les échographes repartiront chez le fabricant. De quoi déconcerter directions financières, plus habituées à investir, et services biomédicaux, garants de la permanence des matériels. Mais la prise de risque est conjointe, tient à ajouter Valérie Boissart. « Le fournisseur fait le pari qu’il a bien dimensionné le parc, avec le bon matériel. Il engage sa réputation sur toute la durée du contrat car si les utilisateurs ne sont pas satisfaits, la solution sera rejetée en bloc ».
Valérie Boissart recueille les fruits de sa ténacité. « Le chef du service gynécologie m’a remerciée de lui avoir permis de garantir l’offre de services auprès de la patientèle. Et de manière directe, j’ai beaucoup moins de pannes. On a enregistré zéro plainte sur la vétusté du matériel. C’est presque silence radio de la part de la maternité, ce qui est un excellent signe ».
Avoir le soutien des services de soins
Pour réussir un tel projet, il y a naturellement des points de vigilance. La responsable du service biomédical insiste sur la nécessité, avant de s’embarquer, d’avoir « une vue très claire des coûts, aussi bien investissements, consommables que maintenance » et d’être capable de démontrer, chiffres à l’appui, que le besoin n’est pas couvert avec un parc onéreux à réparer. « Il faut aussi toujours garder en tête qu’un matériel a besoin d’être présent dans un service seulement s’il est nécessaire, et pas seulement parce qu’on le demande ».
Elle met l’accent sur le soutien indispensables des utilisateurs, en raison du changement culturel qu’un tel contrat implique. « Il est impératif de s’allier les chefs de service qui vont soutenir le projet auprès des instances de direction. Si le contrat est défendu par le seul service biomédical, il n’aboutira pas ». Et, at last but not least, elle recommande de contractualiser avec un partenaire capable de proposer un portefeuille de machines le plus large possible.