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Incontinence : le CH de Pézenas évite d’en rajouter des couches

Après avoir réalisé la dérive de sa consommation en protections, le CH de Pézenas a revu sa prise en charge de l’incontinence. Aujourd’hui, grâce à une meilleure organisation et un bon usage des couches, les résidents ne sont plus systématiquement réveillés la nuit pour un change. Résultat, ils sont plus sereins et le personnel aussi. La consommation des produits a baissé, les déchets aussi.

© Epictura

Terminés les changes systématiques des protections chaque nuit ! Au Centre hospitalier de Pézenas, essentiellement composé de lits d’Ehpad, on vient de totalement revoir la manière de traiter l’incontinence. Tout commence par une remarque du magasinier : « On dérape complètement ! », alerte-t-il à propos d’une consommation anormalement élevée des protections. « On s’est dit qu’il y avait peut-être autre chose à faire que seulement rationaliser la dépense », commente Catherine Fauzan, la directrice déléguée du CH, engagée dans une démarche de développement durable.

Adopter un protocole commun

Le centre hospitalier de Pézenas

Le CH remarque que la formation sur les protections, requise par contrat avec le prestataire, n’a pas été réalisée depuis un moment. Une séance de remise à niveau est reprogrammée. Elle déclenche un véritable électrochoc. « On s’est rendu compte qu’on changeait les résidents systématiquement faute de bien connaitre les capacités d’absorption des produits ( jusqu’à 3,4 l, NDLR) », confie Clémence Alard-Rius, aide-soignante de nuit au CH.

C’est l’occasion de détecter des incohérences organisationnelles. Par exemple, il arrivait que l’équipe de jour change une personne à 20 h et que celle de nuit renouvelle l’opération deux heures plus tard. Faute de protocole sur l’incontinence ! Pour remettre ces pratiques à plat, les aides-soignantes de nuit ont, pour chacun des résidents, établi un diagnostic de leur besoin en protections, et repéré leurs habitudes : Mr X aime se coucher tôt, Mme Y préfère se lever tard…

Plan de soins

De gauche à droite : Clémence Alard-Rius et Séverine Paret-Solet, aide-soignantes de nuit et ambassadrices du nouveau protocole,

« Il faut environ deux mois pour établir le degré d’incontinence et apprendre à bien connaitre les personnes », constate Séverine Paret-Solet, aide-soignante de nuit, devenue comme Clémence Alard-Rius, ambassadrice de ces nouvelles pratiques dans un établissement où les résidents restent en moyenne 18 mois. Issu de cet audit, une fiche par résident consigne ses habitudes et son projet de vie.

A partir de là, un plan de soins est saisi sur le logiciel mis à disposition par le fournisseur des couches. Il précise, pour chaque patient, le protocole de protection adapté (taille, capacité…). Objectif : harmoniser le suivi de jour comme de nuit, et pouvoir réévaluer le besoin si nécessaire. Et ce, en prenant en compte les horaires des prises des médicaments (notamment des somnifères) pour éviter, si possible, d’avoir à réveiller quelqu’un.

Depuis, ces documents, qui ont vocation à rejoindre le dossier patient informatisé et le Projet d’accompagnement personnalisé, sont consultables dans un classeur laissé sur le chariot de soins des équipes jour et nuit. De quoi améliorer la coordination et la continuité des soins.

Laisser les résidents dormir

A partir d’une meilleure connaissance des produits, les équipes ont imaginé une nouvelle organisation. Dans une logique de respect du rythme du résident, la toilette du matin est faite maintenant selon la chronologie des soins effectués de nuit. De même, le change n’est plus systématique lors de la tournée de 4 heures du matin. Si le patient dort, on le laisse dans les bras de Morphée. S’il est réveillé, on vérifie l’état du change avant de le remplacer si besoin. S’il est debout, on l’incite à se rendre aux toilettes.

Le protocole est encore plus poussé la nuit dans le service où les déambulants avec des troubles cognitifs sont nombreux et souvent victimes d’angoisses. « Avec eux, on a choisi de gérer d’abord le relationnel, de prendre le temps de les apaiser, de les conduire aux toilettes pour les plus continents… Et ce n’est qu’une fois qu’ils sont plus tranquilles, au moment le plus proche de leur heure de coucher, qu’on intervient auprès d’eux pour le change, de sorte à ne pas avoir à les réveiller le matin », explique Séverine Paret-Solet.

Améliorer la sérénité

Ce service à la carte est apprécié. « Faire moins de changes à 4 h permet par ailleurs une vigilance accrue sur le service et notamment de prévenir des chutes », complète sa consœur. L’équipe a davantage de temps pour éliminer les obstacles au sol comme une couverture tombée ou des chaussons laissés dans le passage, ou encore mieux surveiller les résidents sujets à des troubles de l’élimination qui peuvent uriner au sol et glisser.  Grâce à ce travail qui donne plus de sens à leur mission, les équipes constatent une diminution de leur fatigue émotionnelle et physique.

Catherine Fauzan

Il faut dire que les résidents aussi ont gagné en sérénité. La nouvelle organisation « permet une meilleure qualité de vie des résidents : certains sont devenus plus calmes en journée grâce à un sommeil de meilleure qualité, d’autres ne déambulent plus autant car on les laisse dormir et se réveillent désormais spontanément le matin », observe Catherine Fauzan avant d’ajouter : « C’est un début. Cela va questionner le jeûne nocturne, l’horaire du diner, du change, d’une éventuelle collation, du petit déjeuner, de la toilette… »

Diminuer dépenses et déchets

Pour l’établissement, c’est aussi un moyen de dépenser moins. « Sur un service de 30 lits, nous avons évité une quinzaine de changes en une nuit », a calculé Séverine Paret-Solet. Le budget « protections » a diminué de 15 % sur les neuf premiers mois de 2023 versus la même période de 2024. Et ce sont autant de déchets en moins ! Qualité de vie des résidents et du travail améliorées, volume de déchets et dépenses réduits, le CH de Pézenas a bel et bien ajouté une couche à son millefeuille écoresponsable.

 

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